Religion bahá'íe

Joyaux des mystères divins

Joyaux des mystères divins (Bahá'u'lláh)
Auteur: Bahá'u'lláh (révélation 1863)
Edition : MEB 2005 - ISBN 2-87203-71-9


Table des matières

Préface
Joyaux des mystères divins

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Préface

L’exil de Bahá’u’lláh en Irak dura dix ans et il commença dans des conditions extrêmement dures lorsque la foi du Báb était au plus bas. Néanmoins, cette période connut la cristallisation graduelle de ces forces spirituelles puissantes qui culmineraient en 1863 dans la déclaration de la mission universelle de Bahá’u’lláh. Dans le courant de ces années, se répandirent depuis la ville de Bagdad, selon les dires de Shoghi Effendi, « vagues après vagues, une puissance, un rayonnement et une gloire qui ranimèrent insensiblement une foi languissante et sévèrement frappée, une foi qui sombrait dans l’obscurité et que l’oubli menaçait. D’elle s’exhalèrent jour et nuit, et avec une force toujours croissante, les premières émanations d’une révélation qui, par son étendue et sa richesse, par sa force dynamique, par la variété et par l’abondance de sa littérature, était destinée à surpasser celle du Báb lui-même ». [nota : Shoghi Effendi, Dieu passe près de nous, Bruxelles, Maison d’éditions bahá’íes, 1976, p. 104 ]

Parmi les premières émanations de la Plume de gloire, nous trouvons une longue épître en arabe, connue sous le nom de Javáhiru’l-Asrár, ce qui signifie littéralement « Joyaux » ou « Essences » des mystères. Plusieurs des thèmes qu’elle propose sont aussi traités en persan - bien que dans des modalités différentes - dans Les sept vallées et Le livre de la certitude, ces deux oeuvres immortelles que Shoghi Effendi a appelées respectivement la composition mystique la plus importante de Bahá’u’lláh et son ouvrage doctrinal le plus éminent. Sans le moindre doute, Joyaux des mystères divins fait partie de ces tablettes révélées en langue arable dont il est fait référence dans Le livre de la certitude. [nota: Bahá’u’lláh, Le livre de la certitude, Presses universitaires de France, 1965, p. 13]

Un des thèmes centraux de cette épître est, comme Bahá’u’lláh l’indique, celui de la « transformation », dans le sens du retour du Promis sous une forme humaine différente. En fait, dans une note préliminaire figurant en tête des premières lignes du manuscrit original, Bahá’u’lláh déclare : Ce traité a été rédigé en réponse à un chercheur qui demandait comment le Mihdí promis pouvait se transformer en ‘Alí Muhammad [nota: le Báb]. L’occasion fournie par cette demande fut saisie pour développer un certain nombre de sujets utiles tant à ceux qui cherchent qu’à ceux qui ont trouvé, si vous pouvez le voir avec les yeux de la vertu divine.

Le chercheur dont il est question dans ce passage est Siyyid-i-Yúsuf-i-Sihdihí Isfahání qui résidait à Karbilá à cette époque. Ses questions furent présentées par un intermédiaire à Bahá’u’lláh qui, en réponse, révéla cette épître le jour même.

Cet ouvrage traite également un nombre de thèmes importants : la cause du rejet des prophètes dans le passé, le danger d’une lecture littérale des Écritures, la signification dans la Bible des signes annonciateurs de la venue d’une nouvelle Manifestation, la continuité de la révélation divine, l’évocation de la déclaration prochaine de Bahá’u’lláh, la signification de termes symboliques comme « le Jour du jugement », « la résurrection », « l’accès à la Présence divine » et « la vie et la mort », ainsi que les étapes d’une quête spirituelle à travers « le jardin de la recherche », « la cité de l’amour et du ravissement », « la cité de l’unité divine », « le jardin de l’émerveillement », « la cité du néant absolu », « la cité de l’immortalité » et « la cité qui n’a ni nom ni description ».

La publication de Joyaux des mystères divins est l’un des projets entrepris pour réaliser l’objectif du plan de cinq ans annoncé en avril 2001 : enrichir les traductions en anglais des Écrits sacrés [nota : et par conséquent en français]. Cet écrit permettra au lecteur occidental, d’avoir une appréciation plus pertinente d’une période pleine de promesses décrite par Shoghi Effendi comme « les années printanières du ministère de Bahá’u’lláh » ; il aidera les étudiants de sa révélation à acquérir une vue plus appropriée du déroulement progressif de celle-ci.


Joyaux des mystères divins

L’essence des mystères divins dans les étapes du voyage de ceux qui veulent s’approcher de Dieu, le tout-puissant, le magnanime. Bénis les justes qui étanchent leur soif à ces eaux cristallines.

IL EST LE SUPREME, LE TRÈS-HAUT !

(1)
Ô toi qui foules le chemin de la justice et contemples le visage de la miséricorde, nous avons reçu ton épître, noté ta question et entendu les doux accents de ton âme émanant des chambres les plus secrètes de ton coeur. Et les nuages de la volonté divine ont déversé sur toi les pluies de la sagesse céleste, pour te purifier de toutes tes connaissances passées, pour te mener depuis les royaumes de la contradiction aux retraites de l’unité et te conduire aux flots sacrés de sa loi. Puisses-tu t’y abreuver, t’y reposer, étancher ta soif, rafraîchir ton esprit et être de ceux que la lumière de Dieu a guidés en ce jour.

(2)
Je suis entouré à présent par les chiens de la terre et les bêtes de chaque contrée, je reste caché dans la demeure intérieure de mon être et il m’est interdit de divulguer ce que Dieu m’a accordé des merveilles de sa connaissance, des joyaux de sa sagesse et des témoignages de son pouvoir. Et cependant, je répugne à décevoir les espoirs de celui qui s’est approché du sanctuaire de grandeur, qui a cherché à pénétrer dans l’enceinte d’éternité et, à l’aube du décret divin, souhaite s’élever dans l’immensité de la création. Aussi vais-je te relater certaines vérités parmi celles que Dieu m’a octroyées, uniquement dans une mesure supportable par les esprits et les intelligences, de peur que le méchant ne pousse un cri ou que l’hypocrite ne déploie ses étendards. Je supplie la bienveillance de Dieu de m’aider à accomplir cette tâche, car pour ceux qui le supplient il est le Dieu de toute bonté et parmi ceux qui sont miséricordieux, il est le Très-Miséricordieux.

(3)
Sache qu’il appartient à ton Eminence de méditer ces questions en ton coeur dès le début : qu’est-ce qui a incité les divers peuples et phratries de la terre à rejeter les apôtres que Dieu, dans sa puissance et son pouvoir, leur a envoyés, apôtres qu’il a suscités pour exalter sa cause, décrétant qu’ils sont les lampes de l’éternité dans la demeure de son unité ? Pour quelles raisons les hommes se sont-ils détournés d’eux et les ont-ils contestés, pourquoi se sont-ils soulevés contre eux et les ont-ils combattus ? Pour quels motifs ont-ils refusé de reconnaître leur condition d’apôtre et leur autorité, allant jusqu’à nier leur vérité et insulter leur personne, voire jusqu’à les bannir ou les mettre à mort ?

(4)
Ô toi qui as posé le pied dans le désert de la connaissance et pris résidence dans l’arche de la sagesse ! tant que tu n’auras pas saisi les mystères cachés dans ce que nous te relatons, tu ne pourras espérer parvenir à l’état de foi et de certitude en la cause de Dieu et en ceux qui sont les Manifestations de sa cause, les Aurores de son commandement, les Trésors de sa révélation et les Dépositaires de sa connaissance. Si tu échoues en cela, tu seras compté parmi ceux qui n’ont pas lutté pour la cause de Dieu, qui n’ont pas senti le parfum de la foi sur le vêtement de la certitude, ni atteint les sommets de l’unité divine, pas plus qu’ils n’ont reconnu le rang de l’unicité divine chez les Personnifications de la louange et les Essences de sainteté.

(5)
Ô mon frère, efforce-toi de saisir cette question afin que se retirent les voiles qui recouvrent ton coeur et d’être compté au nombre de ceux que Dieu a dotés d’une vision si pénétrante qu’ils discernent les réalités les plus subtiles de son empire, sondent les mystères de son royaume, perçoivent dans ce monde éphémère les signes de son essence transcendante et atteignent cet état où il n’est fait aucune différence entre ses créatures, où l’on ne trouve aucune imperfection dans la création des cieux et de la terre. [voir: Coran 67:3]

(6)
Maintenant que le discours aborde ce thème exalté et insondable, effleure ce mystère sublime et impénétrable, sache que les chrétiens et les juifs n’ont pas saisi le sens des paroles de Dieu ni les promesses qu’il leur a faites dans son Livre ; ils ont en conséquence renié sa cause, ils se sont détournés de ses prophètes et ils ont rejeté ses preuves. S’ils avaient fixé leur regard sur le témoignage de Dieu, s’ils avaient refusé de suivre les mauvais et les insensés parmi leurs dirigeants et leurs religieux, ils seraient assurément parvenus à la source de la providence et au puits de la vertu, ils auraient étanché leur soif aux eaux cristallines de la vie éternelle dans la cité du Très-Miséricordieux, dans les jardins du Très-Glorieux et dans la réalité intérieure de son paradis. Mais ils ont refusé de voir avec les yeux dont Dieu les a dotés et ont souhaité tout autre chose que ce que leur avait réservé sa miséricorde, ils ont erré loin des retraites de la présence, ont été privés des eaux vivifiantes de la réunion et de la source de sa grâce, et se sont couchés tels des morts dans le linceul de leur ego.

(7)
Par le pouvoir de Dieu et sa puissance, je vais maintenant dévoiler certains passages révélés dans les Livres du passé et mentionner certains des signes annonciateurs de l’apparition des Manifestations de Dieu dans les saintes personnes de ses élus, afin que tu reconnaisses l’Aurore de cet éternel matin et contemples ce feu qui flambe dans l’Arbre qui n’est ni de l’Orient, ni de l’Occident [voir: Coran, 24 : 35]. Souhaitons que tes yeux s’ouvrent lorsque tu atteindras la présence de ton Seigneur et que ton coeur prenne part aux bénédictions cachées dans ces trésors enfouis. Aussi loue Dieu qui t’a choisi pour cette faveur et qui t’a compté parmi ceux qui sont assurés de rencontrer leur Seigneur.

(8)
Voici le texte de ce qui fut révélé autrefois dans le premier Évangile, selon Matthieu, concernant les signes annonciateurs de l’avènement de celui qui viendra après lui. Il dit : « Malheureuses celles qui seront enceintes et celles qui allaiteront en ces jours-là ! » [voir: Matthieu, 24 : 19] jusqu’à ce que la Colombe mystique roucoulant au coeur même de l’éternité, l’Oiseau céleste chantant sur l’arbre divin dise : « Aussitôt après la détresse de ces jours-là, le soleil s'obscurcira, la lune ne brillera plus, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées. Alors apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l'homme ; alors toutes les tribus de la terre se frapperont la poitrine ; et elles verront le Fils de l'homme venir sur les nuées du ciel dans la plénitude de la puissance et de la gloire. Et il enverra ses anges avec la grande trompette ». [voir: Mathieu, 24 : 29-31]

(9)
Dans le deuxième Évangile, selon Marc, la Colombe de sainteté parle en ces termes : « Car ces jours-là seront des jours de détresse comme il n'y en a pas eu de pareils depuis le commencement du monde que Dieu a créé jusqu'à maintenant, et comme il n'y en aura plus. » [voir: Marc, 13 : 19] Et elle chante les mêmes mélodies qu’auparavant, sans y rien changer. Et vraiment, Dieu est témoin de la vérité de mes paroles.

(10)
Le troisième Évangile, selon Luc, rapporte : « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles, et sur la terre, les nations seront dans l'angoisse, épouvantées par le fracas de la mer et son agitation, tandis que les hommes défailliront de frayeur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde ; car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors, ils verront le Fils de l'homme venir entouré d'une nuée dans la plénitude de la puissance et de la gloire. Quand ces événements commenceront à se produire, redressez-vous et relevez la tête, car votre délivrance est proche. » [voir: Luc, 21 : 25-28]

(11)
Et dans le quatrième Évangile, selon Jean, il est écrit : « Lorsque viendra le Paraclet que je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra lui-même témoignage de moi ; et à votre tour, vous me rendrez témoignage » [voir: Jean, 25 : 26-27] Et il dit ailleurs : « Le Paraclet, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit. » [voir: Jean, 14 : 26] Et : « Mais maintenant je vais à celui qui m'a envoyé, et aucun d'entre vous ne me pose la question : Où vas-tu ? Mais parce que je vous ai dit cela ... » [voir: Jean, 16 : 5-6] Et à nouveau : « Cependant je vous ai dit la vérité : c'est votre avantage que je m'en aille ; en effet, si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas à vous ; si, au contraire, je pars, je vous l'enverrai. » [voir: Jean, 16 : 7] Et : « lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière. Car il ne parlera pas de son propre chef, mais il dira ce qu'il entendra et il vous communiquera tout ce qui doit venir. » [voir: Jean, 16 : 13]

(12)
C’est ce que dit le texte des versets révélés dans le passé. Par celui qui est le Dieu unique, j’ai choisi d’être bref, car si je devais redire chacune des paroles qui ont été envoyées aux prophètes de Dieu depuis son royaume de gloire céleste et de puissance souveraine, toutes les pages, toutes les tablettes du monde ne suffiraient pas à épuiser mon sujet. Dans tous les livres et les écritures du passé sont inscrites d’autres références semblables à celles qui sont mentionnées, voire même plus sublimes et plus exaltées. Si rapporter l’ensemble de ce qui a été révélé par le passé était mon souhait, il serait bien certainement en mon pouvoir de le faire, en vertu de ce que Dieu m’a accordé des prodiges de sa connaissance et de sa puissance. Cependant, je me suis contenté de ce qui est mentionné de peur que tu ne te lasses dans ton cheminement ou sois enclin à faire demi-tour, ou de crainte de te voir envahi par la tristesse et le chagrin et submergé par le découragement, l’affliction et la fatigue.

(13)
Sois équitable en ton jugement et médite ces saintes paroles. Informe-toi ensuite de ce que disent, à ce propos, ceux qui prétendent à la connaissance sans preuve venant de Dieu et qui ne tiennent pas compte de ces jours où l’Astre de la connaissance et de la sagesse point à l’horizon de la divinité, remet à chacun son dû et assigne à chacun son rang et sa mesure. En vérité, leur explication égare l’esprit des hommes, et même les âmes les plus saintes sont impuissantes à découvrir ce que ces paroles dissimulent de la sagesse incomparable et du savoir caché de Dieu.

(14)
S’ils disent : « Ces paroles sont véritablement de Dieu, et n’ont pas d’autre sens que leur signification apparente », quelle objection peuvent-ils alors élever contre les incroyants parmi le peuple du Livre ? Car lorsque ces derniers ont vu dans leurs écritures les passages mentionnés précédemment et ont entendu les interprétations littérales de leurs prêtres, ils ont refusé de reconnaître Dieu dans ceux qui sont les Manifestations de son unité, les Interprètes de son unicité et les Incarnations de sa sainteté, et ont échoué à croire en eux et à se soumettre à leur autorité. Ils n’ont pas vu le soleil s’assombrir, ni les étoiles du ciel tomber sur le sol, ni les anges descendre sur la terre, aussi se sont-ils opposés aux prophètes et aux messagers de Dieu. Dans la mesure où ils les ont trouvés en désaccord avec leur propre religion ou credo, ils les ont accablés d’accusations d’imposture, de folie, de sédition et de croyance erronée, telles que j’ai honte de les rapporter. Consulte le Coran, et puisses-tu y trouver mention de tout cela et être de ceux qui en comprennent la signification. En ce jour encore, ces peuples attendent l’apparition de ce qu’ils ont appris et assimilé auprès de leurs docteurs et de leurs théologiens. Aussi disent-ils : « Quand ces signes seront-ils manifestés, que nous puissions croire ? » Mais si cela se produisait, comment pourriez-vous réfuter leurs arguments, invalider leurs preuves, et les interpeller au sujet de leurs croyances, leur compréhension de leurs Livres et les dires de leurs chefs ?

(15)
Et s’ils répondaient : « Les Livres qui sont entre les mains de ce peuple, qu’ils nomment Évangiles et qu’ils attribuent à Jésus, fils de Marie, n’ont pas été révélés par Dieu et ne viennent pas des Manifestations de son soi, alors ceci impliquerait que soit tari le flot de grâce de celui qui est la Source de toute grâce. S’il en était ainsi, la preuve de Dieu à ses serviteurs resterait incomplète et sa bonté se révèlerait imparfaite. Sa miséricorde ne resplendirait pas, et l’ombre de sa grâce ne s’étendrait pas sur tous. Car, si lors de l’ascension de Jésus son Livre était également monté au ciel, comment Dieu pourrait-il réprimander et châtier les hommes au Jour de la résurrection, ainsi qu’il est écrit par les imams de la religion et affirmé par ses théologiens illustres.

(16)
Médite en ton coeur : les faits étant tels que tu en témoignes et tels que nous en témoignons aussi, où peux-tu t’enfuir et auprès de qui trouver refuge ? Vers qui tourner ton regard ? En quel lieu demeurer et devant quel trône te prosterner ? Quel chemin suivre et quand trouver le repos ? Qu’adviendra-t-il de toi à la fin ? Où renforcer la corde de ta foi et attacher le cordon de ton obéissance ? Par celui qui se manifeste dans son unicité et dont l’être même porte témoignage de son unité ! si le tison brûlant de l’amour de Dieu s’allumait en ton coeur, tu ne chercherais ni repos ni tranquillité, ni rire ni sommeil, mais tu te hâterais d’escalader les plus hauts sommets dans les royaumes de la proximité, de la sainteté et de la beauté divines. Tu te lamenterais telle une âme endeuillée et verserais des larmes tel un coeur qui soupire. Tu ne prendrais aucun repos en ta demeure, à moins que Dieu ne te dévoile sa cause.

(17)
Ô Éminence, toi qui t’élances vers le royaume de la voie et t’élèves vers l’empire de la vertu ! Désirerais-tu comprendre ces allusions célestes, être témoin des mystères de la connaissance divine et connaître sa parole qui contient tout, il te faudrait alors t’enquérir de cela, et d’autres sujets relatifs à ton origine et à ton but ultime, auprès de ceux que Dieu a créés pour être les sources de son savoir, le ciel de sa sagesse et l’arche de ses mystères. Car, si n’existaient point ces Lumières effulgentes qui brillent à l’horizon de son essence, les hommes ne reconnaîtraient pas leur gauche de leur droite, et pourraient d’autant moins s’élever jusqu’aux sommets des réalités essentielles ou sonder les profondeurs de leurs subtilités ! Aussi, nous implorons Dieu de nous immerger dans ces océans houleux, de nous honorer de la présence de ces brises vivifiantes et de nous permettre de demeurer dans ces lieux célestes et nobles. Si d’aventure nous pouvons nous dépouiller de tout ce qui nous vient les uns des autres et retirer ces vêtements d’emprunt, volés à nos semblables, il pourra alors nous parer à leur place du vêtement de sa grâce, de l’habit de sa direction, et nous admettre dans la cité de la connaissance.

(18)
Quiconque pénètre en cette cité comprend toute science avant même de plonger dans ses mystères et recueille des feuilles de ses arbres un savoir et une sagesse englobant les mystères de souveraineté divine enchâssés dans les trésors de la création. Gloire à Dieu, son créateur et son façonneur, au-delà de tout ce qu’il y a produit et prescrit. Par Dieu, le Protecteur souverain, l’Absolu, le Tout-Puissant, si je dévoilais devant tes yeux les portes de cette cité, oeuvrées par la main droite du pouvoir et de la puissance, tu apercevrais ce que jamais personne avant toi n’a aperçu et tu serais témoin de ce dont jamais aucune autre âme n’as été témoin. Tu comprendrais les signes les plus obscurs et les allusions les plus abstruses, et tu appréhenderais les mystères du commencement dans le point final. Tous les sujets te seraient rendus faciles, pour toi le feu deviendrait lumière, connaissance et bénédictions, et tu te trouverais à l’abri dans la cour de sainteté.

(19)
Cependant, privé de l’essence des mystères de sa sagesse que nous t’avons transmise sous le voile de ces paroles bénies et émouvantes, tu ne pourrais accéder à la moindre goutte des océans de la connaissance divine ou des ruisseaux cristallins de la puissance céleste, et par la plume de l’unicité, le doigt de Dieu inscrirait ton nom parmi ceux des ignorants dans le Livre-Mère. Tu ne pourrais non plus saisir un seul mot du Livre, ni une simple parole des gens de la maison de Dieu [nota: les imams de l’islam chiite] touchant aux mystères du commencement et de la fin.

(20)
Ô toi que nous n’avons jamais rencontré, et que nous chérissons pourtant intimement dans notre coeur ! Sois équitable en ton jugement et présente-toi devant celui qui te voit et qui te connaît, même si tu ne le vois ni ne le connais. Se trouve-t-il une âme pour expliquer ces paroles avec des arguments assez convaincants, des preuves assez claires et des allusions assez irréfutables pour apaiser le coeur du chercheur et soulager l’âme de celui qui écoute ? Non, par celui qui tient mon âme en sa main ! Il n’est donné à personne d’en boire ne serait-ce qu’une goutte de rosée, à moins d’être entré dans cette cité, une cité dont les fondations reposent sur des montagnes de rubis d’un rouge éclatant, les murs sont taillés dans la chrysolithe de l’unité divine, les portes sont faites des diamants de l’immortalité, et dont la terre diffuse le parfum de la bonté céleste.

(21)
Nous t’avons révélé, sous le couvert de voiles innombrables, certains mystères cachés, et maintenant nous revenons à notre explication des Livres du passé, afin que ton pied ne dérape point et que tu reçoives avec une entière certitude la part que nous t’avons destinée des océans de vie dans le royaume des noms et attributs de Dieu.

(22)
Il est rapporté dans tous les Évangiles que celui qui est l’Esprit [nota: Jésus] dit à ses disciples ces paroles de pure lumière : « Sachez le, le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas ». [voir: Matthieu 24 :35 ; Marc 13 :31 ; Luc 21 :33] C’est clair et évident pour toi, Éminence, ces mots veulent dire que les Évangiles resteront entre les mains des hommes jusqu’à la fin du monde, que leurs lois ne seront pas abrogées, que leur preuve ne sera pas abolie et que tout ce qui a été enjoint, prescrit ou ordonné dans leurs lignes restera à jamais.

(23)
Ô mon frère ! Purifie ton coeur, illumine ton âme et aiguise ta vue afin de percevoir les doux accents des oiseaux du paradis et les mélodies des colombes de sainteté qui roucoulent dans le royaume d’éternité, et peut-être comprendre le sens profond de ces paroles et leurs mystères cachés. Autrement, si tu interprètes littéralement ces mots, tu ne peux jamais démontrer la vérité de la cause de celui qui est venu après Jésus, ni faire taire les opposants, ni l’emporter sur la contestation des incrédules. Car les prêtres chrétiens utilisent ce verset pour prouver que les Évangiles ne seront jamais abrogés ; si tous les signes rapportés dans leurs livres étaient accomplis et que le Promis apparaissait, il n’aurait d’autre recours que de diriger les hommes selon les ordonnances des Évangiles. Cette question est (absolument) claire et évidente à leurs yeux, aussi prétendent-ils qu’ils ne le reconnaîtraient ni ne le suivraient s’il décrétait quoi que ce soit qui diffère de ce que décréta Jésus, même s’il devait manifester tous les signes indiqués dans les Livres.

(24)
En vérité, tu ne peux pas suivre l’opinion des savants et des insensés parmi celles des hommes qui avancent aujourd’hui la même objection lorsqu’ils disent : « Le soleil ne s’est pas levé à l’Occident, et la voix du crieur ne s’est pas fait entendre entre ciel et terre. L’eau n’a pas submergé certaines terres, le Dajjal [nota: l’Antéchrist, dont on croyait qu’il apparaîtrait à la venue du Promis, pour le combattre et se voir finalement vaincu par lui] n’est pas apparu, Sufyani [nota : un autre personnage dont on croyait qu’il lèverait l’étendard de la rébellion entre La Mecque et Damas, lors de la venue du Promis] ne s’est pas levé, et le temple n’a pas été vu dans le soleil ». De mes propres oreilles, j’ai entendu un de leurs théologiens proclamer : « S’il arrivait que tous ces signes se manifestent, que le Promis longtemps attendu apparaisse, et qu’en rapport avec nos lois, même secondaires, il décrète quoi que ce soit qui s’écarte des révélations du Coran, nous l’accuserions assurément d’imposture, le mettrions à mort, et nous refuserions à jamais de le reconnaître », et d’autres affirmations semblables proférées par les négateurs. Et tout cela, alors que déjà le jour de la résurrection est arrivé, la trompette a sonné, tous les hôtes de la terre et des cieux sont rassemblés, la balance est désignée, le pont posé, les versets dispensés, et que le Soleil resplendit, les étoiles sont effacées, les âmes sont ressuscitées, l’Esprit diffuse son souffle, les anges se déploient en rangs, et que le paradis s’est rapproché et l’enfer enflammé ! Toutes ces choses sont bien arrivées, et pourtant personne parmi ces peuples ne les a reconnues jusqu’à maintenant. Tous gisent comme morts dans leur linceul, exceptés ceux qui ont cru et sont retournés à Dieu, et qui, en ce jour, se réjouissent dans son paradis céleste et foulent le chemin de son bon plaisir.

(25)
La plupart d’entre eux, aveuglés dans leur repli sur eux-mêmes, ne parviennent pas à percevoir les doux accents de sainteté, respirer le parfum de miséricorde, chercher la voie auprès des gardiens des Écritures, ainsi que Dieu l’enjoint. Il proclame, et sa parole est vérité : « Si vous ne le savez pas, interrogez ceux qui (ont reçu) conservent (à ceux qui ont la garde) les Écritures » [voir: Coran 16 :43; ceux qui ont reçu les Écritures sont les juifs et les chrétiens]. Ils se sont plutôt détournés d’eux pour suivre le Sámirí [nota: un magicien à la cour du Pharaon au temps de Moïse] de leurs propres chimères. Ils ont ainsi erré loin de la miséricorde de leur Seigneur et n’ont pas su reconnaître sa Beauté au jour de sa présence. Car, à peine est-il venu à eux avec les preuves de Dieu, que ces mêmes personnes qui attendaient impatiemment le jour de sa révélation, qui le réclamaient le jour et la nuit, le suppliaient de les rassembler en sa présence et de leur accorder le privilège d’offrir leur vie sur son chemin, d’être guidés par son autorité et éclairés par sa lumière, ces mêmes personnes le condamnèrent et l’injurièrent, lui infligèrent des cruautés telles qu’elles dépassaient ce que je peux dire et ce que tu peux entendre. À ce moment, ma plume elle-même se lamente, et l’encre verse des larmes de douleur et gémit. Par Dieu ! Si tu tendais ton oreille intérieure, tu entendrais en vérité les lamentations des hôtes du paradis, et si tu retirais le voile qui occulte ton regard, tu verrais les vierges du paradis et les âmes saintes, conquises et subjuguées, se frapper le visage et se jeter dans la poussière.

(26)
Hélas, hélas ! Voyez ce qui advint à celui qui était la manifestation du Soi de Dieu, voyez les souffrances infligées à lui et à ses aimés ! On leur a fait subir ce que nulle âme n’a jamais fait subir à quiconque, et ce qu’aucun infidèle n’a infligé à un croyant ni supporté de sa main. Hélas, hélas ! Cet Être immortel s’est assis dans la poussière obscure, le Saint Esprit s’est lamenté dans les retraites de gloire, les piliers du Trône se sont effondrés dans l’empyrée céleste, la joie du monde s’est changée en désolation dans la contrée vermeille et la voix du Rossignol fut réduite au silence dans le royaume doré. Malheur à eux, pour ce que leurs mains ont perpétré et pour ce qu’ils ont commis !

(27)
Prête l’oreille à ce que profère à leur sujet l’Oiseau du paradis, avec les accents les plus suaves et les plus merveilleux, sur les mélodies les plus parfaites et les plus exaltées - déclaration qui les remplira de remords, aujourd’hui et jusqu’au « jour où les hommes se tiendront debout devant le Seigneur des mondes » [voir: Coran, 83 : 6] : « ils demandaient auparavant la victoire sur les incrédules et pourtant, lorsque ce qu’ils connaissaient déjà leur est parvenu, ils n’y crurent pas. Que la malédiction de Dieu tombe sur les incrédules ! ». [voir: Coran, 2 : 89] Telle est leur condition et tels sont les résultats de leur vie vaine et creuse. Sous peu, ils seront jetés dans le feu de la détresse et ne trouveront personne pour les aider ni les secourir.

(28)
Ne te laisse aveugler par rien de ce qui est révélé dans le Coran, ni par ce que tu as appris dans les oeuvres de ces Soleils de pureté et de ces Lunes de majesté [nota: les Imáms de l’islam chiite], quant à la perversion des Écrits par les fanatiques ou de leur altération par leurs falsificateurs. Seuls certains passages particuliers et clairement identifiés sont concernés par ces déclarations. Si je le désire, Éminence, et en dépit de ma faiblesse et de ma pauvreté, je suis assurément capable de t’expliquer ces passages. Mais cela nous écarterait de notre objectif et nous éloignerait du chemin déterminé. Cela nous plongerait dans des évocations limitées et nous détournerait de ce qui est apprécié à la cour du Magnifié.

(29)
Ô toi qui es inscrit sur ce rouleau déroulé, toi qui, entouré des ténèbres épaisses qui prévalent aujourd’hui, es éclairé par les splendeurs de la montagne sacrée sur le Sinaï de la révélation divine ! Purifie ton coeur des murmures blasphématoires et allusions malfaisantes que tu as entendus autrefois, afin d’inhaler les savoureux parfums d’éternité du Joseph de fidélité, d’être admis dans l’Egypte céleste, et de percevoir les fragrances de la compréhension émanant de cette épître resplendissante et lumineuse, une épître dans laquelle la Plume a consigné les mystères antiques des noms de son Seigneur, le Suprême, le Très-Haut. Et peut-être seras-tu inscrit dans les saintes Tablettes, parmi ceux qui sont confirmés.

(30)
Ô toi qui te tiens devant mon trône et n’en as toujours pas conscience ! Sache que celui qui cherche à gravir les sommets des mystères divins doit s’efforcer de déployer pour sa foi le meilleur de sa puissance et de ses moyens, afin que s’ouvre clairement devant lui la voie directrice. Et s’il rencontre quelqu’un revendiquant une cause venant de Dieu et apportant de son Seigneur une preuve qui surpasse ce que les hommes sont capables de produire, il ne peut qu’accepter tout ce qu’il lui plaît de proclamer et d’ordonner, même s’il décrète que l’océan est terre, ou que la terre est ciel, annonce que l’un est au-dessus ou en-dessous de l’autre, ou commande changement ou transformation, car lui connaît les mystères divins, les subtilités cachées et les ordonnances de Dieu.

(31)
Si les peuples de toutes les nations observaient ce qui vient d’être dit, la question deviendrait simple pour eux, et ces paroles et ces évocations ne les éloigneraient pas de l’Océan des noms et des attributs de Dieu. Et si les hommes avaient reconnu cette vérité, ils n’auraient pas repoussé les faveurs de Dieu, ils ne se seraient pas levés contre ses prophètes, ne les auraient pas combattus ni rejetés. Si l’on étudie soigneusement le sujet, on trouve également des passages similaires dans le Coran.

(32)
Sache, de plus, que c’est par de telles paroles que Dieu éprouve ses serviteurs et les distingue, séparant le croyant de l’incroyant, celui qui se détache du monde de celui qui s’y attache, le pieux du libertin, le bienfaisant du pécheur, et ainsi de suite. Voilà ce qu’a déclaré la Colombe de sainteté : « Les hommes pensent-ils qu’on les laissera dire : “Nous croyons !” sans les éprouver ? » [voir: Coran, 29 : 2].

(33)
Il incombe à celui qui voyage dans le sentier de Dieu et parcourt sa voie de se détacher de tout ce qui est dans les cieux et sur la terre. Il doit renoncer à tout sauf à Dieu dans l’espoir que s’ouvrent devant lui les portes de la miséricorde et soufflent sur lui les brises de la providence. Et lorsqu’il aura gravé en son âme ce que nous lui avons octroyé de la quintessence du sens caché, il pénétrera tous les secrets de ces évocations, et Dieu répandra dans son coeur une sérénité divine et lui donnera d’être de ceux qui sont en paix avec eux-mêmes. De la même manière, tu comprendras le sens de tous les versets ambigus qui ont été révélés sur la question que tu as posée à ce Serviteur qui demeure sur le siège de l’humiliation, marche sur la terre comme un exilé sans ami, réconfort, aide ou assistance, a placé son entière confiance en Dieu, et proclame en tout temps : « Nous sommes à Dieu et nous retournons à lui » [voir: Coran, 2 : 156].

(34)
Tu dois savoir que ces passages que nous appelons « ambigus » ne le sont qu’aux yeux de ceux qui n’ont pu franchir l’horizon de la voie et atteindre les sommets de connaissance dans les retraites de grâce. Au contraire, tous les versets de Dieu sont sans équivoque et toutes ses évocations sont claires pour ceux qui reconnaissent les Dépositaires de la révélation divine et, sous son inspiration, saisissent les mystères de son autorité. Ceux-là discernent les mystères cachés qui sont habillés du vêtement des mots aussi distinctement, si ce n’est mieux, que tu ne perçois la chaleur du soleil ou l’humidité de l’eau. Incommensurablement glorifié est Dieu, au-delà de notre louange à ses aimés, et au-delà de leur louange à lui !

(35)
Maintenant que nous avons abordé ce thème d’une telle qualité, et atteint de tels sommets, grâce au flot déversé de cette Plume par les faveurs incomparables de Dieu, le Loué, le Très-Haut, nous souhaitons te dévoiler certaines étapes dans le chemin du voyageur vers son Créateur dans l’espoir que tout ce que tu désirais, Eminence, te soit révélé ; ainsi, la preuve sera faite et la bénédiction abondante.

(36)
Sache, en vérité, qu’au commencement de sa quête de Dieu, le chercheur doit pénétrer dans le jardin de la recherche. Au cours de son périple, il incombe au voyageur de se détacher de tout sauf de Dieu et d’être aveugle à tout ce qui est dans les cieux et sur la terre. Il ne doit subsister dans son coeur ni haine ni amour pour quiconque, car cela pourrait l’empêcher d’atteindre la résidence de la Beauté céleste. Il doit purifier son âme des voiles de l’ostentation et éviter de se glorifier des vanités mondaines, d’une connaissance apparente, ou d’autres dons que Dieu lui a peut-être accordés. Il doit déployer au mieux ses capacités et ses efforts dans la recherche de la vérité afin que Dieu le guide dans les chemins de sa grâce et sur les voies de sa miséricorde. Car il est véritablement le meilleur soutien pour ses serviteurs. Il dit, et il dit réellement la vérité : « Oui, nous dirigeons sur nos chemins ceux qui auront combattu pour nous ». [voir: Coran, 29 : 69] Et aussi : « Craignez Dieu ! Dieu vous instruit ». [voir: Coran, 2 : 282]

(37)
Pendant ce voyage, le chercheur est témoin d’une myriade de changements et de transformations, de convergences et de divergences. Il assiste aux merveilles du Divin dans les mystères de la création et découvre les voies et les chemins de son Seigneur. Telle est la condition à laquelle parviennent ceux qui cherchent Dieu, et tels sont les sommets atteints par ceux qui se hâtent vers lui.

(38)
Lorsque le chercheur s’est élevé à cette condition, il entre dans la cité de l’amour et du ravissement, sur laquelle soufflent les vents de l’amour et les brises de l’esprit. Dans cette condition, l’extase et les fragrances du désir transportent le chercheur au point qu’il ne distingue plus sa gauche de sa droite, la terre de la mer ou le désert de la montagne. À tout moment, le feu du désir le consume et le déchirement de la séparation en ce monde le ronge. Il se hâte dans le Paran de l’amour et traverse le Horeb de l’extase. Tantôt il rit, tantôt il éclate en sanglots ; tantôt il est en paix, tantôt il tremble de peur. Rien ne l’inquiète, rien ne le détourne de son dessein, et aucune loi ne l’entrave. Il est prêt à obéir à tout ce que son Seigneur souhaite décréter quant à son commencement et à sa fin. À chaque souffle, il sacrifie sa vie et offre son âme. Il expose sa poitrine aux flèches de l’ennemi, il relève la tête pour accueillir l’épée du destin, il baise même la main de son éventuel assassin et il s’abandonne totalement. Il livre son esprit, son âme et son corps dans le chemin de son Seigneur, mais il le fait avec la permission de son Bien-aimé et non selon son propre caprice ou désir. Tu le trouves froid dans le feu et sec dans la mer, il réside en toute contrée et parcourt tout chemin. Quiconque l’approche dans cet état perçoit la chaleur de son amour. Il foule les sommets du détachement et sillonne la vallée du renoncement. Son regard est continuellement dans l’attente des merveilles de la miséricorde de Dieu et avide d’apercevoir les splendeurs de sa beauté. Heureux, en vérité, ceux qui ont atteint une telle condition, car c’est la condition des amoureux ardents et des âmes transportées.

(39)
Et lorsque ce point du voyage est atteint et que le voyageur a dépassé cette condition élevée, il pénètre dans la cité de l’unité divine, dans le jardin de l’unicité et dans la cour du détachement. À ce niveau, le chercheur rejette tous signes, allusions, voiles et paroles, il perçoit toutes choses d’un oeil éclairé par les effulgences déversées sur lui par Dieu lui-même. Au cours de ce voyage, il voit toutes les différences réduites à un seul mot et toutes les allusions résumées en un unique point. En témoigne celui qui a navigué sur l’arche de feu et qui a suivi le plus secret chemin jusqu’au pinacle de gloire dans le royaume d’immortalité : « Le savoir n'est qu'un simple point ; les ignorants l'ont multiplié » [voir: Hadiths] Il est fait référence à cette condition dans la tradition : « Je suis lui, lui-même, et il est moi, moi-même, sauf que je suis ce que je suis et qu’il est ce qu’il est. » [voir: Hadiths]

(40)
Dans cette condition, si celui qui est l’Incarnation de la fin dit : « Je suis, en vérité, le Point du commencement », il dit assurément la vérité. Et s’il dit : « Je suis un autre que lui », c’est également vrai. De la même manière, s’il proclame : « Je suis en vérité le Seigneur du ciel et de la terre », « ou le Roi des rois », ou « le Souverain du royaume d’en-haut », ou Muhammad, ou ‘Alí, ou leurs descendants, ou qui que se soit d’autre, il proclame assurément la vérité de Dieu. En vérité, il règne sur toute chose créée et il a la suprématie sur tout ce qui n’est pas lui. N’as-tu pas entendu ce qui a été dit autrefois : « Muhammad est notre premier, Muhammad est notre dernier, Muhammad est notre tout » ? Ou encore : « Tous procèdent de la même lumière » ?

(41)
Dans cette condition est établie la vérité de l’unité de Dieu et des signes de sa sainteté. Tu les verras tous jaillir du sein de la puissance de Dieu et enlacés par les bras de sa miséricorde ; mais aucune distinction n’existe entre son sein et ses bras. À ce niveau, ce serait pur blasphème et impiété que de parler de changement et de transformation car c’est la condition où brille la lumière de l’unité divine, où s’exprime la vérité de son unicité et où se reflètent les splendeurs du Matin éternel dans des miroirs nobles et fidèles. Par Dieu ! si je révélais tout ce qu’il a ordonné pour cette condition, l’âme des hommes quitterait leur corps, la réalité cachée de toutes choses serait ébranlée dans ses fondements, les habitants des royaumes de la création seraient stupéfiés et ceux qui se meuvent dans les contrées de l’allusion s’évanouiraient dans le pur néant.

(42)
N’as-tu pas entendu : « Il n’y a pas de changement dans la création de Dieu ». [voir: Coran, 30 : 30] N’as-tu pas lu : « Tu ne trouveras aucun changement dans la coutume de Dieu ». [voir: Coran, 48 : 23] N’as-tu pas témoigné de cette vérité : « Sans que tu voies de faille dans la création du Miséricordieux ». [voir: Coran, 67 : 3] Oui, par mon Seigneur ! ceux qui se plongent dans cet Océan, ceux qui s’embarquent sur cet Arche ne constatent aucun changement dans la création de Dieu, ni aucune différence sur sa terre. Et, si la création de Dieu n’est portée à aucun changement, comment en serait-il autrement pour les Manifestations de son propre être ? Dieu est immensément exalté, au-delà de tout ce que nous pouvons concevoir des Révélateurs de sa cause, il est immensément glorifié, au-delà de tout ce que nous pouvons mentionner à son sujet.

(43)
Dieu très grand ! Nombreuses sont les perles éclatantes que recèle cet océan,
Une vague soulevée par le vent les a jetées sur le rivage,
Aussi quitte ton vêtement et abîme-toi dans ses flots,
Cesse de te vanter : à rien désormais, cela ne te sert !

(44)
Si tu es un habitant de cette cité, au coeur de l’océan de l’unité divine, tu considèreras tous les prophètes et messagers de Dieu comme une seule âme et un seul corps, comme une seule lumière et un seul esprit, de sorte que le premier d’entre eux sera le dernier et le dernier sera le premier. Car tous se sont levés pour proclamer sa cause et ont établi les lois de la sagesse divine. Ils sont, tous et chacun, les Manifestations de son soi, les Dépositaires de sa puissance, les Gardiens de sa révélation, les Orients de sa splendeur et les Aurores de sa lumière. Ils manifestent les marques de sainteté dans la réalité de toutes choses et les signes d’unicité dans l’essence de tous les êtres. Ils révèlent ce qui glorifie les réalités célestes et font l’éloge des essences éternelles. D’eux procède toute création et vers eux retourne tout ce qui est mentionné. Ils sont dans le tréfonds de leur être, les mêmes luminaires et les mêmes mystères, aussi dois-tu considérer leur apparence de la même manière, afin de les reconnaître comme un seul être, mieux, de les trouver unis dans leurs paroles et leurs discours.

(45)
Si, dans cette condition, tu en viens à considérer que le dernier d’entre eux est le premier, ou l’inverse, tu dis assurément la vérité, ainsi qu’en a décrété celui qui est la Fontaine de divinité et la Source de majesté « Dis : Invoquez Dieu, ou bien : invoquez le Miséricordieux. Quel que soit le nom sous lequel vous l’invoquez, les plus beaux noms lui appartiennent ». [voir: Coran, 17 : 110] Car tous sont les Manifestations du nom de Dieu, les Orients de ses attributs, les Dépositaires de sa puissance, les Centres de sa souveraineté, mais Dieu, magnifié soit sa puissance et sa gloire, est en son essence sanctifié au-dessus de tout nom et exalté au-delà des attributs les plus élevés. Considère de même les marques de l’omnipotence divine, aussi bien dans leur âme que dans leurs temples humains, afin que la certitude habite ton coeur et que tu sois de ceux qui se hâtent vers le royaume de sa proximité.

(46)
Je vais réitérer mon propos afin que cela t’aide à reconnaître ton créateur. Sache que Dieu - exalté et glorifié soit-il - ne manifeste en aucune façon son essence et sa réalité la plus profonde. De tout temps, il est voilé dans l’éternité de son essence et caché dans l’infinitude de son être. Lorsqu’il décida de révéler sa beauté dans le royaume des noms et sa gloire dans le royaume des attributs, il fit passer ses prophètes du monde invisible au monde visible afin de distinguer son nom, le Manifeste, de son nom, le Caché, et son nom, le Dernier, de son nom, le Premier, pour que s’accomplisse ainsi sa parole : « Il est le Premier et le Dernier, celui qui est apparent et celui qui est caché. Il connaît parfaitement toute chose. » [voir: Coran, 57 : 3] Ainsi, il révéla ces noms les plus excellents et ces paroles les plus exaltées dans les Manifestations et les Miroirs de son soi.

(47)
Il est ainsi avéré que tous les noms et attributs se rapportent à ces Lumières sublimes et saintes. En fait, tous les noms se trouvent dans leurs noms et tous les attributs sont visibles dans leurs attributs. De ce point de vue, si tu leur donnes tous les noms de Dieu, tu dis la vérité car tous ces noms ne font qu’un avec leur être. Saisis donc la signification de ces mots et garde la dans le secret de ton coeur afin de réaliser les implications de ta quête et de les mettre en oeuvre selon le dessein de Dieu à ton égard. Sois ainsi comptés parmi ceux qui accomplissent son dessein.

(48)
Tout ce que tu as pu entendre sur Muhammad fils de Hasan [nota: le douzième Imám, Muhammad al-Mehdí, fils de Hasan al-‘Askarí] - que les âmes immergées dans les océans de l'esprit lui soient offertes - est vrai sans l'ombre d'un doute, et tous nous lui faisons allégeance. Mais les Imáms de la religion ont établi sa résidence dans la cité de Jábulqá [nota: selon les traditions chiites, l'Imám caché (le Promis) réside dans les villes jumelles de Jábulqá et Jabulsá d'où il apparaîtra le jour de la résurrection] qu'ils ont décrite en images aussi étranges que surprenantes. Il est vraiment impossible d’imaginer cette ville en s'attachant littéralement à ce que dit la tradition, même impossible de la trouver. Parcourrais-tu le monde jusque dans ses moindres recoins aussi longtemps que durent l'éternité et la souveraineté de Dieu que tu ne trouverais pas une cité telle qu’ils la décrivent, car la terre entière ne pourrait la contenir. Si tu me conduisais dans cette ville, alors je te conduirais à cet Être saint que les gens conçoivent avec leurs moyens et non en fonction de ses caractéristiques propres ! Comme ce n’est pas en ton pouvoir, tu n’as d’autre recours que d'interpréter symboliquement les traditions attribuées à ces âmes lumineuses. De même que les traditions concernant cette cité requièrent une interprétation, de même l’interprétation est-elle nécessaire pour évoquer cet Être saint. Dès l’instant où tu auras compris cette interprétation, tu n’auras plus besoin de « transformation » [nota: NTB : voir la préface] ni de rien d’autre.

(49)
De même que les Prophètes ne sont qu’un en esprit, en âme, en nom et en attribut, sache que tu dois les considérer tous comme s’ils portaient le nom de Muhammad, comme s’ils étaient le fils de Hasan, comme s’ils venaient de la Jabulqá du pouvoir de Dieu et de la Jabulqá de sa miséricorde. Car par Jabulqá on n'entend rien d'autre que les palais de l’éternité dans le très haut paradis et les cités de l’invisible dans le royaume divin. Nous témoignons que Muhammad, fils de Hasan, résidait bien à Jabulqá d’où il est apparu. De même « Celui que Dieu rendra manifeste » demeure dans cette cité jusqu’à ce que Dieu l’établisse sur le siège de sa souveraineté. Nous reconnaissons assurément cette vérité et nous faisons allégeance à tous et chacun d’entre eux. Ici, nous avons choisi d’être bref dans notre explication des significations de Jabulqá, mais si tu es de ceux qui croient vraiment, tu comprendras tous les sens véritables des mystères enchâssés dans ces tablettes.

(50)
Quant à celui qui apparut en l’an soixante, il n’a besoin ni de transformation ni d’interprétation, car son nom était Muhammad et il descendait des Imáms de la religion. On peut vraiment dire de lui qu’il était le fils de Hasan, comme c’est sans doute évident pour Ton Eminence. C’est même lui qui forgea ce nom et le créa pour lui-même, si tu observes avec l’oeil de Dieu.

(51)
À ce stade, nous désirons nous écarter de notre thème pour conter ce qu’il advint du Point du Coran [nota: Muhammad] et exalter son souvenir, afin que tu regardes toute chose avec l’oeil de celui qui est le Tout-Puissant, l’Incomparable.

(52)
Médite sur ses jours où Dieu le suscita pour promouvoir sa cause et pour être le représentant de son propre soi. Vois comme il fut assailli, rejeté et dénoncé par tous ; comme les gens le raillaient, le montraient du doigt et lui témoignaient leur mépris dans les rues et les marchés. Vois comme à tout moment ils cherchaient à le faire périr. Suite à leurs agissements, il ne lui restait plus de place sur la terre, malgré son immensité, l’assemblée céleste se lamentait sur son sort, les fondements de l’existence en étaient réduits à néant et les élus parmi les habitants de son royaume pleuraient sur lui toutes les larmes de leur corps. Les afflictions que lui infligeaient les infidèles et les méchants étaient si cruelles qu’il est insupportable à toute âme fidèle d’entendre leur récit.

(53)
Si ces âmes perverses avaient un instant réfléchi sur leur conduite, avaient reconnu les douces mélodies de cette Colombe mystique chantant sur les branches de cet Arbre d’un blanc nivéen, avaient accepté ce que Dieu leur avait révélé et accordé, et avaient découvert les fruits de l’arbre de Dieu sur ses branches, l’auraient-elles alors rejeté et accusé ? N’avaient-elles pas levé les yeux jusqu’aux cieux pour implorer qu’il apparaisse ? N’avaient-elles pas sans cesse imploré Dieu de les honorer de sa beauté et de les soutenir par sa présence ?

(54)
Mais comme elles n’ont pas su reconnaître les accents de Dieu, les mystères divins et les saintes allusions enchâssées dans ce qui a coulé des lèvres de Muhammad, et comme elles ont négligé d’examiner ce sujet dans leur coeur et préféré suivre les prêtres de l’erreur qui dans les révélations du passé ont entravé le progrès des peuples et continueront à le faire dans les cycles futurs, elles furent aveugles au dessein divin, elles ne s’abreuvèrent pas aux flots célestes et se privèrent de la présence de Dieu, de la Manifestation de son essence et de la Source de son éternité. Aussi errèrent-elles dans les sentiers de l’erreur, les chemins de l’insouciance et se retirèrent-elles chez elles dans le feu qui se nourrit de leur être. Sont véritablement comptées parmi les infidèles celles dont le nom est inscrit dans le livre saint par la plume de Dieu. Elles n’ont jamais trouvé, et ne trouveront jamais, ni ami, ni personne pour les aider.

(55)
Si ces âmes s’étaient fermement tenues à la main de Dieu manifestée dans la personne de Muhammad, si elles s’étaient entièrement tournées vers Dieu et avaient abandonné tout ce qu’elles avaient reçu de leurs théologiens, il les aurait sûrement guidées par sa grâce et leur aurait fait connaître les saintes vérités enchâssées dans ses paroles impérissables. Car il serait indigne de sa grandeur et de sa gloire de rebuter un chercheur qui se présente à sa porte, de repousser de son seuil celui qui met son espoir en lui, de rejeter celui qui cherche l’abri de son ombre, de priver celui qui se tient fermement au pan de sa miséricorde ou d’écarter le malheureux qui découvre la rivière de ses richesses. Or comme ces gens n’ont pas réussi à se tourner entièrement vers Dieu, ni à tenir fermement le pan de sa miséricorde omniprésente lors de l’apparition du Soleil de vérité, ils ont quitté l’ombre de la Providence divine et sont entrés dans la cité de l’erreur. Ainsi se sont-ils corrompus et ont-ils corrompu le peuple. Ainsi se sont-ils égarés et ont-ils conduit le peuple à l’erreur. Et ainsi ont-ils été comptés parmi les oppresseurs dans les Livres célestes.

(56)
Maintenant que cet Être évanescent a atteint ce point élevé dans la formulation de ces mystères profonds, expliquons brièvement la raison du reniement de ces âmes frustres, afin que cela serve de témoignage à ceux qui sont doués de compréhension et de perspicacité et soit un gage de ma faveur pour l’assemblée des croyants.

(57)
Sache-le ! Lorsque Muhammad, Point du Coran et Lumière du Tout-Glorieux, vint avec des preuves évidentes et des versets clairs, manifestes dans des signes dépassant ce que peut produire tout ce qui existe, il enjoignit aux hommes de suivre le large et noble chemin conforme aux préceptes qui lui venaient de Dieu. Celui qui l’a reconnu a reconnu les signes de Dieu dans le tréfonds de son être, il a vu la beauté immuable de Dieu dans sa beauté, il a été jugé digne de la « résurrection », de la « recréation », de la « vie » et du « paradis ». Car celui qui a cru en Dieu et en les Manifestations de sa beauté est ressuscité du tombeau de l’insouciance, recréé dans le sol sacré du coeur, réveillé à la vie de la foi et de la certitude, et admis au paradis de la présence divine. Quel paradis peut être plus noble que cela, quelle recréation plus puissante et quelle résurrection plus grande ? En vérité, si une âme devait sonder ces mystères, elle saisirait ce qu’aucune autre n’a pénétré.

(58)
Sache-le ! le paradis qui apparaît au jour de Dieu éclipse tout autre paradis et surpasse les réalités célestes. Car lorsque Dieu, béni et glorifié soit-il, scella le rang de prophète dans la personne de celui qui est son Ami, son Élu et la meilleure de ses créatures, ainsi qu’il a été révélé du Royaume de gloire : « mais il est l’Apôtre de Dieu et le Sceau des prophètes » [nota: Coran, 33 : 40 - D. Masson a traduit « le Prophète de Dieu et le Sceau des prophètes »], il promit à tous les hommes qu’ils parviendraient en sa présence au jour de la résurrection. Par là, il voulait souligner la grandeur de la révélation à venir, ainsi que cela s’est manifesté par le pouvoir de la vérité. Il n’y a certainement pas de paradis plus grand ni de condition plus élevée. Si seulement, tu méditais sur les versets du Coran ! Béni celui qui sait avec certitude qu’il atteindra la présence de Dieu au jour où sa Beauté sera manifestée.

(59)
Si je mentionnais tous les versets révélés qui traitent de ce noble sujet, cela lasserait le lecteur et nous éloignerait de notre dessein. Aussi, le verset suivant nous suffira-t-il ; que sa lecture console tes yeux, et puisses-tu saisir ce qui y est conservé précieusement et tenu secret : « Dieu est celui qui a élevé les cieux sans colonnes visibles. Il s’est ensuite assis en majesté sur le Trône. Il a soumis le soleil et la lune - chacun d’eux poursuit sa course vers un terme fixé -, il dirige toute chose avec attention et il explique les Signes. Peut-être croirez-vous fermement à la rencontre de votre Seigneur ! » [voir: Coran, 13 : 2]

(60)
Ô mon ami, réfléchis sur les mots « croirez-vous fermement » qui sont mentionnés dans ce verset. Il est dit que les cieux et la terre, le trône, le soleil et la lune, ont été créés pour que ses serviteurs aient une foi inébranlable dans sa présence en ses Jours. Par la justice de Dieu ! contemple, ô mon frère, la grandeur de cet état, vois la condition des peuples en ces jours, fuyant la face de Dieu et sa beauté « comme des ânes affolés » [voir: Coran, 74 : 50]. Si tu réfléchissais sur ce que nous t’avons révélé, tu comprendrais certainement pourquoi nous avons cité ce verset et tu découvrirais ce que nous avons désiré te transmettre dans ce paradis. Peut-être tes yeux se réjouiraient-ils en l’apercevant, tes oreilles entendraient-elles avec délices ce qui s’y récite, ton âme serait-elle captivée en le reconnaissant, ton coeur illuminé en le comprenant et ton esprit réjoui par les brises embaumées qui en émanent. Espérons que tu parviennes au pinacle de la grâce divine et demeures dans le Ridván de sainteté sublime.

(61)
Le verdict d’« impiété », de « blasphème », de « mort » et de « feu » a été prononcé contre celui qui renie la vérité de Dieu, qui lui tourne le dos, qui refuse de croire et suscite des troubles. Quel blasphème, en effet, est plus grand que de se tourner vers la manifestation de Satan, que de suivre les docteurs de l’omission et le peuple de la rébellion ? Quelle impiété est plus grave que de renier le Seigneur au jour où la Foi est renouvelée par Dieu, le Tout-Puissant, le Magnanime ? Quelle mort est plus misérable que de fuir la Source de vie éternelle ? Quel feu au Jour du jugement est plus violent que d’être éloigné de la Beauté divine et de la Gloire céleste ?

(62)
Voici les propos que tenaient les Arabes païens à l’époque de Muhammad pour contester ses dires et le condamner : « Ceux qui ont cru en Muhammad ont vécu parmi nous et nous ont tenu compagnie jour et nuit. Quand sont-ils morts et quand ont-ils ressuscité ? » Ecoute la réponse qui leur fut révélée : « Si tu t’étonnes, leur parole, en effet, est étonnante : “Lorsque nous serons poussière deviendrons-nous, vraiment, une nouvelle création ?” » [voir: Coran 13 : 5]. Et dans un autre verset : « Si tu dis : “Vous serez certainement ressuscités après votre mort”, les incrédules vous diront : “Ce n’est là que magie évidente !” » [voir: Coran, 11 : 7]. Ainsi se sont-ils moqué de lui et l’ont-ils ridiculisé, car ils avaient lu dans leurs livres et entendu de la bouche de leurs prêtres les mots « vie » et « mort », et les avaient compris comme signifiant la vie élémentale et la mort physique. Lorsque, dès lors, ils ne reconnurent pas ce que leurs vaines imaginations et leur esprit faussé et mauvais avaient conçu, ils arborèrent les étendards de la discorde et les bannières de la sédition, ils allumèrent le feu de la guerre. Mais Dieu l’éteignit par la force de sa puissance, comme tu le constates encore aujourd’hui avec ces infidèles et ces méchants.

(63)
Maintenant que les douces saveurs de l’attirance émanant de la cité éternelle m’enveloppent, que les transports d’un désir ardent venant du pays de splendeur s’emparent de moi alors que le Soleil des mondes se lève aux confins de l’Irak et que les douces mélodies du Hijáz chantent à mes oreilles les mystères de la séparation, je conçois le dessein de partager avec Ton Eminence un peu de ce que la Colombe mystique roucoule au coeur même du Paradis sur le sens véritable de la vie et de la mort, même si c’est une tâche impossible. Si, en effet, j’interprétais pour toi ces paroles comme elles ont été consignées dans les Tablettes préservées, tous les livres du monde ne pourraient les contenir et les âmes des hommes ne pourraient supporter leur poids. Je mentionnerai toutefois ce qui convient à ce jour et à ce temps pour guider quiconque désire être admis dans les retraites de gloire du royaume d’En-Haut afin qu’il écoute les mélodies de l’esprit entonnées par cet oiseau mystique et divin, et soit compté parmi ceux qui se sont détachés de tout sauf de Dieu et qui se réjouissent en ce jour de la présence de leur Seigneur.

(64)
Sache que le mot « vie » a une double signification. La première qui est évidente comme le soleil de midi pour Ton Eminence et pour tout le monde, concerne l’apparition de l’homme dans un corps élémental. Cette vie prend fin à la mort physique, qui est une réalité inévitable voulue par Dieu. Mais la vie dont parlent les Livres des prophètes et élus de Dieu est la vie de la connaissance ; en d’autres termes, c’est la reconnaissance par le serviteur du signe de la splendeur dont l’a paré celui qui est la Source de toute splendeur et sa certitude d’avoir accédé en présence de Dieu par l’intermédiaire des Manifestations de sa cause. C’est cette vie bénie et éternelle qui ne périt point : qui en est animé ne connaîtra jamais la mort et perdurera aussi longtemps que perdure son Seigneur, son Créateur.

(65)
Cette vie qui a trait au corps élémental prendra fin, ainsi que Dieu l’a révélé : « Tout homme goûtera la mort » [voir: Coran 3 : 185]. Mais l’autre vie, qui émane de la connaissance de Dieu, ne connaît pas la mort, ainsi qu’il fut autrefois révélé : « Nous ressusciterons, pour une vie excellente, tout croyant » [voir: Coran, 16 : 97]. Et dans un autre passage concernant les martyrs : « Ils sont vivants ! Ils seront pourvus de biens auprès de leur Seigneur » [voir: Coran, 3 : 169], ainsi que dans la Tradition « Celui qui est un vrai croyant vit dans ce monde et dans le monde à venir [voir: Hadith]. On peut trouver de nombreuses paroles semblables dans les Livres de Dieu et dans ceux des Incarnations de sa justice. Nous nous contenterons de ces citations par souci de brièveté.

(66)
Ô mon frère ! renonce à tes désirs, tourne-toi vers ton Seigneur et ne marche pas dans les pas de ceux qui ont pris leurs inclinations corrompues pour leur dieu. Alors, tu trouveras abri au coeur de l’existence, à l’ombre rédemptrice de celui qui façonne tous les noms et attributs. Car en ce jour ceux qui se détournent de leur Seigneur sont, en vérité, comptés parmi les morts bien qu’apparemment ils foulent la terre, parmi les sourds bien qu’ils entendent et parmi les aveugles bien qu’ils voient, ainsi que l’a clairement déclaré celui qui est le Seigneur du Jour du jugement : « Ils ont des coeurs avec lesquels ils ne comprennent rien, ils ont des yeux avec lesquels ils ne voient pas...» [voir: Coran, 7 : 179]. Ils longent une berge périlleuse et côtoient un abîme de feu [voir: Coran, 9 : 109 ; 3 : 103]. Ils n’ont pas leur part des flots de cet océan qui s’enfle, riche de trésors, car ils s’amusent de leurs vaines paroles

(67)
À ce propos, nous allons te rappeler ce qui fut révélé dans le passé concernant le mot « vie » dans l’espoir que cela te détourne des instigations de l’ego, te délivre de l’étroitesse de la prison de ce lieu lugubre et t’aide à devenir l’un de ceux qui sont bien guidés dans la nuit de ce monde.

(68)
Il dit et, en vérité, il parle vrai : « Celui qui était mort, que nous avons ressuscité et à qui nous avons remis une lumière pour se diriger au milieu des hommes, est-il semblable à celui qui est dans les ténèbres d’où il ne sortira pas ? » [voir: Coran, 6 : 122]. Ce verset concernait Hamzih et Abú-Jahl. Le premier était un croyant et le second un incroyant. La plupart des dirigeants païens s’en gaussèrent, le tournèrent en ridicule et s’exclamèrent à grand bruit : « Comment Hamzih mourut-il ? Comment fut-il ramené à sa vie antérieure ? ». Si tu examines soigneusement les versets de Dieu, tu trouveras de nombreuses affirmations semblables dans le Livre.

(69)
Où trouver ces coeurs purs et sanctifiés à qui je pourrais transmettre une goutte de cet océan de la connaissance que mon Seigneur m’a accordée, afin qu’ils planent dans le ciel comme ils marchent sur le sol, qu’ils glissent sur les flots comme ils courent sur la terre et qu’ils se saisissent de leur âme pour la sacrifier dans le chemin de leur Créateur. Mais il n’est pas permis de divulguer ce grand secret. C’est un mystère enfoui de toute éternité dans les trésors de son pouvoir et un secret caché de crainte que ses fidèles serviteurs ne renoncent à leur vie dans l’espoir d’atteindre ce rang sublime dans les royaumes d’éternité. Et jamais, ceux qui errent dans cette obscurité opprimante n’y accèderont !

(70)
Ô mon frère ! à chaque fois, nous avons répété notre propos afin qu’avec le consentement de Dieu, te devienne clair le contenu de ces versets, que tu sois indépendant de ceux qui sont plongés dans l’obscurité de l’ego et qui foulent la vallée de l’arrogance et de l’orgueil, et que tu sois compté parmi ceux qui se meuvent dans le paradis de la vie éternelle.

(71)
Dis : Ô peuple ! L’Arbre de vie est bien planté au coeur du paradis céleste et confère la vie dans toute direction. Comment pourrais-tu manquer de le percevoir et de le reconnaître ? Il t’aidera sûrement à saisir ce que cette Âme affermie t’a dévoilé de l’essence des mystères divins. La Colombe de sainteté roucoule au ciel du paradis de l’immortalité et te conjure de te parer d’une vêture nouvelle, faite d’acier, pour te protéger des traits du doute camouflés dans les allusions des hommes : « nul, s’il ne naît d’eau et d’Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit. Ne t’étonne pas si je t’ai dit : Il vous faut naître d’en haut. » [voir: Jean, 3 : 5-7].

(72)
Prends donc ton envol vers cet Arbre divin et goûte ses fruits. Ramasse ceux qui en sont tombés et conserve-les fidèlement. Médite cette parole de l’un des prophètes lorsqu’il annonça aux âmes des hommes, en termes voilés et métaphores cachées, la bonne nouvelle concernant celui qui viendrait après lui ; ainsi tu comprendras avec certitude que leurs paroles sont insondables pour ceux qui ne sont pas doués d’un coeur compréhensif. Il dit : « Ses yeux étaient comme une flamme ardente », « ses pieds semblaient d'un bronze précieux » et « de sa bouche sort un glaive acéré » [voir: Apocalypse, 1 : 14-15 ; 19 : 15]. Comment pourrait-on donner un sens littéral à ces mots ? Si quelqu’un apparaissait avec ces signes, il ne serait pas un être humain. Et comment une seule âme pourrait-elle rechercher sa compagnie ? Quoi ! S’il se présentait dans une ville, même les habitants de la ville voisine le fuiraient, et aucune âme ne daignerait l’approcher. Mais si tu réfléchissais sur la signification de ces affirmations, tu les trouverais sublimes d’énoncé et de clarté au point d’atteindre des sommets d’éloquence et de sagesse. Je dirais que c’est par elles que les soleils d’éloquence se sont levés et que les étoiles de limpidité ont rayonné et brillé de leur éclat.

(73)
Aussi souviens-toi des insensés du temps passé et vois, en ce jour, ceux qui attendent une telle apparition. Ils ne lui feraient allégeance que s’il apparaissait dans la forme mentionnée ci-dessus. Et comme il n’en sera jamais ainsi, ils ne croiront jamais. Tel est le degré d’incompréhension de ces âmes perverses et impies ! Comment ceux qui ne peuvent comprendre la plus évidente des évidences et la plus certaine des certitudes pourraient-ils appréhender les vérités abstruses des préceptes divins et l’essence des mystères de sa sagesse éternelle ?

(74)
Je vais maintenant expliquer brièvement le vrai sens de ces paroles pour te faire découvrir leurs mystères cachés afin que tu sois de ceux qui ont compris. Examine donc et juge avec justesse ce que nous te révélons afin d’être compté aux yeux de Dieu parmi ceux qui sont impartiaux dans ces matières.

(75)
Sache donc que celui qui a prononcé ces paroles dans le royaume de gloire entendait décrire les attributs de celui qui devait venir, dans des termes particulièrement voilés et énigmatiques pour dérouter la compréhension des gens de l’erreur. Lorsqu’il dit : « Ses yeux étaient comme une flamme ardente », il fait allusion à la perspicacité et à l’acuité du Promis qui brûle de ses yeux tous les voiles et les apparences trompeuses, fait connaître au monde contingent les mystères éternels et distingue les visages obscurcis par la poussière de l’enfer de ceux qui brillent de la lumière du paradis [voir: Coran 80 : 41 ; 83 : 24]. Si ses yeux n’étaient pas faits de cette flamme ardente de Dieu comment pourrait-il consumer tous les voiles et brûler tout ce que possède le peuple ? Comment pourrait-il voir les signes de Dieu dans le royaume de ses noms et dans le monde de la création ? Comment pourrait-il voir toutes choses avec le regard perçant de Dieu ? Aussi lui avons-nous conféré en ce jour une vision pénétrante. Puisses-tu croire en les versets de Dieu ! Quel feu, en effet, est plus brûlant que cette flamme qui brille au Sinaï de ses yeux, avec lequel il consume tout ce qui recouvre d’un voile les peuples du monde ? Dieu restera immensément exalté au-dessus de tout ce qui a été révélé dans ses tablettes infaillibles à propos des mystères du commencement et de la fin jusqu’au jour où le Crieur lancera son appel, le jour où tous nous retournerons à lui.

(76)
Quant au texte : « ses pieds semblaient d'un bronze précieux », il se réfère à sa fermeté en recevant l’appel de Dieu qui lui demande : « sois droit comme tu en as reçu l’ordre » [voir: Coran 11 : 112]. Il persévérera dans la cause de Dieu et fera preuve de fermeté sur le sentier de son pouvoir au point de ne jamais vaciller dans la proclamation de sa Cause, ni de se soustraire à son commandement de promulguer ses lois, même si toutes les forces du ciel et de la terre devaient le renier. Au contraire, il se montrera aussi solide que les plus hautes montagnes et les sommets les plus élevés. Il restera inébranlable dans son obéissance à Dieu, résolu à révéler sa cause et à proclamer sa parole. Aucun obstacle ne le retiendra, aucune désapprobation du renégat ne le dissuadera, aucun rejet de l’infidèle ne le fera chanceler. Toute la haine, tout le rejet, toute l’iniquité, toute l’incroyance qu’il constatera servira seulement à renforcer son amour pour Dieu, à accroître les aspirations de son coeur, à intensifier l’exaltation de son âme et à gonfler son sein de dévotion passionnée. As-tu déjà vu en ce monde airain plus solide, lame plus acérée ou montagne plus inébranlable ? Il sera bien campé sur ses jambes pour affronter les habitants de la terre et ne craindra personne en dépit de la conduite habituelle des gens, conduite que tu connais bien. Gloire à Dieu qui l’a créé et l’a appelé ! Dieu a le pouvoir de faire ce qu’il lui plaît. En vérité, il est le Secours et l’Absolu.

(77)
Il dit aussi : « de sa bouche sort un glaive acéré ». Le glaive est un instrument qui tranche et fend. Comme ce qui sort de la bouche des prophètes et des élus de Dieu sépare le croyant de l’infidèle, l’amant de l’aimé, c’est dans ce sens que ces paroles ont été employées et aucune autre signification que la division et la séparation n’est sous-entendue. Aussi lorsque le Point premier, le Soleil éternel, désirera, avec l’assentiment de Dieu, rassembler toutes les créatures, les sortir de la tombe de leur ego et les séparer les uns des autres, il n’aura qu’un mot à prononcer, un mot qui distinguera la vérité de l’erreur à dater de ce jour et jusqu’au Jour de la résurrection. Quelle épée est plus acérée que l’épée céleste, quelle lame est plus tranchante que cet acier inaltérable qui coupe tout lien et sépare tout croyant de l’infidèle, le père du fils, le frère de la soeur, l’amant de l’aimé [voir: Luc, 12 : 53]. Ainsi celui qui croit en ce qui lui a été révélé est un vrai croyant et celui qui s’en détourne est un infidèle. Une séparation irrévocable se produit entre eux de sorte qu’ils cessent de se fréquenter et de s’associer dans ce monde. Il en est ainsi entre le père et le fils, car si le fils croit et le père ne croit pas, ils se sépareront et se dissocieront à jamais. De plus tu verras le fils frapper le père et le père frapper le fils. Jette la même lumière sur tout ce que nous t’avons expliqué et t’avons conté.

(78)
Si tu considères toute chose de l’oeil du discernement tu verras sans nul doute que cette épée divine sépare des générations. Puisses-tu le comprendre ! Si seulement le peuple était attentif aux jours de son Seigneur, il comprendrait que tout cela est dû à la parole de séparation qui est manifestée au Jour de jugement et de séparation. Si tu pouvais seulement aiguiser ta vue, affiner ton coeur, tu comprendrais que toutes les épées matérielles qui, en chaque jour et en chaque âge, ont taillé en pièces les infidèles et livré bataille contre les impies, émanaient de cette épée divine et invisible. Ouvre donc les yeux et vois tout ce que nous t’avons révélé et accède à ce que personne d’autre n’a atteint. En vérité, nous proclamons : « Louange à Dieu... le Roi du Jour du jugement » [voir: Coran 1 : 4].

(79)
Oui vraiment ! De même que ces gens n’ont pas réussi à saisir la véritable connaissance à sa source et à l’océan d’eau fraîche et limpide qui, par la grâce de Dieu, coule dans les coeurs qui sont purs et sans tache, de même ils se sont rendus sourds à ce que Dieu a voulu dire par ces paroles et ces évocations et sont restés enfermés dans la prison de leur ego.

(80)
Nous rendons grâce à Dieu pour ce qu’il nous a donné par sa munificence. C’est par lui que nous avons reçu la certitude de la vérité de sa Foi - une Foi à quoi ne peuvent résister les forces combinées de la terre et du ciel. C’est lui qui nous a rendus capables de le reconnaître au jour de sa présence, de donner à témoigner de Celui que Dieu rendra manifeste lors de la résurrection finale et d’être parmi ceux qui croient en lui avant même qu’il apparaisse, de sorte que sa grâce soit totale pour nous et pour toute l’humanité.

(81)
Cependant, ô mon frère, écoute mes doléances au sujet de ceux qui prétendent s’ériger en partenaires de Dieu et des Manifestations de son savoir et ne suivent que leurs inclinations corrompues, dérobent les biens de leur voisin, s’adonnent à la boisson, commettent le meurtre, se livrent à l’escroquerie et à la diffamation les uns envers les autres, lancent des calomnies contre Dieu et ont l’habitude de mentir. Les gens nous attribuent tous ces méfaits, et pourtant leurs auteurs n’ont aucune honte devant Dieu. Ils refusent ce qu’il leur a enjoint et commettent ce qu’il leur a défendu. Il convient pourtant aux gens de vérité de faire resplendir leur visage par les signes de l’humilité, de faire briller leur face de la lumière de sainteté, de marcher sur la terre comme s’ils étaient en présence de Dieu et de se distinguer des habitants de la terre par tous leurs actes. Leur condition doit être telle qu’ils contemplent de leurs yeux les preuves de sa puissance, qu’ils mentionnent son nom en paroles et en esprit, qu’ils dirigent leurs pas vers les contrées de sa proximité et qu’ils saisissent ses préceptes à pleines mains. Viendraient-ils à traverser une vallée d’or pur, à pénétrer dans une mine d’argent précieux, qu’ils les considèreraient indignes de leur attention.

(82)
Les premiers se sont cependant détournés de tout cela et ont placé leur aspiration dans ce qui convient à leurs inclinations corrompues. Aussi errent-ils dans le désert de l’arrogance et de l’orgueil. Je témoigne en cet instant que Dieu les a rejetés et nous faisons de même. Nous supplions Dieu de ne pas permettre que nous nous associions avec eux dans cette vie et dans celle à venir. Il est l’éternelle Vérité. Il n’est pas d’autre Dieu que lui et sa puissance maîtrise toutes choses.

(83)
Ô mon frère, abreuve-toi aux eaux vivifiantes que nous faisons couler de l’océan de ces paroles. De lui déferlent les vagues de grandeur et les joyaux de la vertu divine scintillent en son sein et à sa surface. Dépouille-toi de ce qui t’éloigne de cette mer vermeille insondable, et au cri de : « au nom de Dieu et de sa grâce » immerge-toi dans ses flots. Ne te laisse pas détourner par la crainte de qui que ce soit. Place ta confiance en le Seigneur, ton Dieu, car il suffit à tous ceux qui lui donnent leur confiance. En vérité, il te protègera et en lui tu vivras en sécurité.

(84)
Sache, de plus, que dans cette cité sainte et glorieuse, tu trouveras le voyageur humble devant tous et modeste devant toutes choses. Car il ne voit rien sans y voir Dieu. Il contemple la gloire effulgente de Dieu dans les lumières de sa révélation qui a embrassé le Sinaï de la création. Dans cet état, le voyageur ne revendique pas le siège d’honneur dans les réunions et ne marche pas devant les autres dans le désir de se vanter et de s’exalter. Au contraire il doit se considérer toujours en présence de son Seigneur. Il ne doit souhaiter à personne ce qu’il ne souhaite pas pour lui-même, ni dire ce qu’il ne supporterait pas d’entendre de la bouche d’autrui, ni désirer pour une âme ce qu’il ne désirerait pas pour lui-même. Il lui convient plutôt de marcher sur la terre d’un pas ferme dans le royaume de sa nouvelle création.

(85)
Sache pourtant que le chercheur, au début de son cheminement, assistera à des changements et des transformations ainsi que nous l’avons déjà mentionné. C’est à coup sûr la vérité, ainsi qu’il est révélé au sujet de ces jours : « Le Jour où la terre sera remplacée par une autre terre » [voir: Coran, 14 : 48]. Ce sont vraiment des jours comme aucun oeil mortel n’en a jamais vus. Béni celui qui y accède et réalise leur véritable valeur : « Oui, nous avons envoyé Moïse avec nos Signes : “Fais sortir ton peuple des ténèbres vers la lumière ; rappelle-lui les jours de Dieu” » [voir: Coran, 14 : 5]. Et ces jours-ci sont vraiment les jours de Dieu, si seulement tu pouvais le savoir.

(86)
Dans cet état, tous les changements et variations des réalités sont manifestes devant toi. Celui qui dénie cette vérité s’écarte de la cause de Dieu, se rebelle à son commandement et réfute sa souveraineté. Celui qui a le pouvoir de changer la terre en une autre terre a aussi le pouvoir de changer tout ce qui l’habite et s’y meut. Ne t’étonne donc pas qu’il change l’obscurité en lumière et la lumière en obscurité, l’ignorance en savoir, l’erreur en bonne direction, la mort en vie et la vie en mort. C’est dans cet état que se manifeste la loi de transformation. Médite cela si tu es de ceux qui foulent ce sentier afin que devienne clair pour toi ce que tu as demandé à cette humble Personne et que tu sois admis dans les tentes de direction. Il fait, en effet, ce qu’il veut et ordonne ce qu’il lui plaît. Personne ne demandera des comptes à Dieu alors que tous les autres auront à rendre les leurs [voir: Coran 21 : 23].

(87)
Ô mon frère, à cette étape qui marque le commencement du voyage, tu verras des conditions différentes et des signes variés, comme il est mentionné au sujet de la cité de la recherche. Et cela est vrai pour tous les plans. Il convient à Ton Eminence de considérer toute chose créée à sa propre place, sans amoindrir ou exalter sa véritable condition. Par exemple si tu t’efforces de rabaisser le monde invisible au monde de la création, ce ne sera que pur blasphème et l’inverse, la quintessence de l’impiété. Par contre, si tu essayes de décrire l’invisible et le royaume de la création, chacun selon sa propre condition, ce sera vérité manifeste. En d’autres termes, si tu témoignes d’une transformation, dans le royaume de l’unité divine, aucun péché ne sera plus grand dans toute la création, mais si tu conçois la transformation à sa véritable place et l’imagine en conséquence, il ne t’adviendra aucun mal.

(88)
Par mon Seigneur ! En dépit de tout ce que nous t’avons révélé des mystères du verbe et des degrés d’explication, j’ai le sentiment que pas une seule lettre de cet océan du savoir caché de Dieu et de l’essence de sa sagesse insondable, n’a été prononcée. Que Dieu le veuille et nous accomplirons bientôt cela, le moment venu. En vérité, il se souvient de toute chose dans sa propre perspective ; en vérité, nous chantons ses louanges.

(89)
Sache en outre que l’oiseau qui prend son envol dans le royaume d’en-haut, ne pourra jamais s’élever jusqu’au ciel de la sainteté transcendante, ni goûter aux fruits que Dieu y produit, ni s’abreuver aux eaux qui y coulent selon sa volonté. S’il arrivait qu’il en partage une goutte, il périrait sur-le-champ. Vois ce qui se passe de nos jours parmi ceux qui me font allégeance, mais se livrent à de tels actes, tiennent de tels propos et avancent les revendications qu’ils se permettent. J’affirme qu’ils sont comme des morts enveloppés de leurs voiles.

(90)
De même, appréhende chaque étape, chaque signe, chaque allusion, afin de voir chaque chose à sa juste place et d’envisager chaque question à la lumière qui lui convient. Or, dans cette étape, la cité de l’unité divine, se trouvent ceux qui sont entrés dans l’arche de la providence divine et ont voyagé sur les sommets de l’unité divine. Tu verras sur leur visage les lumières de la beauté et dans leur temple humain les mystères de la gloire. Tu humeras la fragrance musquée de leurs paroles et contempleras les signes de sa souveraineté dans leurs manières et dans leurs actes. De même, tu ne seras pas aveuglé par les actes de ceux qui n’ont pas bu aux sources cristallines ni atteint les cités saintes et qui, suivant leurs désirs égoïstes, répandent le désordre dans le monde tout en se croyant bien guidés, ceux dont on a dit : « Les voici ces misérables, ces insensés qui suivent tout imposteur fort en voix et changent au gré du vent » [nota: tradition attribuée à l’Imám ‘Alí]. Les degrés de ce cheminement, les phases de cette étape, les lieux de ce séjour te sont maintenant clairs et manifestes et n’exigent pas de plus amples explications.

(91)
Maintenant tu as compris que si ce Soleil de vérité, le Point premier, s’est attribué à lui-même des titres du temps passé, c’est à cause de la faiblesse humaine et des intrigues du monde. Sinon, tous les noms et les attributs tournent autour de son essence et circulent autour du seuil de son sanctuaire. Car c’est lui qui forme les noms, révèle les attributs, confère la vie à tous les êtres, proclame les versets divins et déploie les signes célestes. Et si tu voyais de ta vision intérieure, tu saurais que tout sauf lui s’efface dans le néant, que tout s’oublie en sa sainte présence. « Dieu était seul ; il n’y avait rien d’autre que lui. Il est aujourd’hui ce qu’il a toujours été. » Puisqu’il est établi que Dieu - saint et glorifié soit-il ! - était seul et que nul n’était avec lui, comment la loi du changement et de la transformation pourrait-elle s’appliquer ici ? Si tu médites sur ce que je viens de t’exposer, le Soleil de direction resplendira devant toi en ce matin éternel et tu seras compté parmi les fidèles.

(92)
De plus, sache que tout ce que nous avons mentionné concernant ces voyages n’est destiné qu’aux élus parmi les justes. Éperonne le destrier de l’esprit à travers les prairies du paradis et tu accompliras tous ces voyages, découvriras tous les mystères en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire.

(93)
Ô mon frère ! si tu veux être un champion dans cette arène, élance-toi dans les pays de la certitude pour, en ce jour, délivrer ton âme des liens de l’incroyance et percevoir les doux parfums qui s’élèvent de ce jardin. Les brises parfumées qui répandent la fragrance de cette cité soufflent sur toutes les régions. Ne cède pas ta part et ne sois pas des égarés. Comme il fut si bien écrit :

(94)
« Ses doux parfums qu’on respire dans tout l’Orient
Pourraient bien rendre son odorat perdu à l’Occident ! » [nota: Extrait du Díván de Ibn-i-Fárid]

(95)
À la fin de ce voyage céleste, de cette ascension mystique, le voyageur entre dans le jardin de l’émerveillement. Si je te dévoilais la réalité de cette étape, tu te répandrais en lamentations et en pleurs en voyant la situation dans laquelle se trouve ce Serviteur qui est livré aux mains des infidèles, est perplexe devant son sort et est désorienté dans cet océan sans fond. Ils complotent constamment pour me mettre à mort et ne cessent de chercher à me bannir de ce pays comme ils m’ont déjà banni d’un autre pays. Néanmoins, ce serviteur se tient devant eux, prêt et attendant les décrets du Tout-Puissant. Je ne crains personne même submergé par les souffrances et les afflictions que m’infligent les méchants et les malveillants, même entouré de tant d’épreuves et de tribulations. « Les pleurs de Noé sont à la mesure des larmes que je verse et le feu d’Abraham un bouillonnement de mon âme. Le chagrin de Jacob n’est qu’un reflet de ma peine et l’affliction de Job une parcelle de ma calamité. » [nota: Extrait du Díván de Ibn-i-Fárid]

(96)
Si je détaillais à Ton Eminence les malheurs terribles qui me sont arrivés, tu en serais si attristé que tu resterais sans voix et que tu t’oublierais toi-même ainsi que tout ce que le Seigneur a créé sur terre. Or ce n’est pas mon désir et j’ai caché dans le coeur de Bahá la révélation du décret divin et l’ai dissimulé aux yeux de tout ce qui se meut dans le royaume de la création afin qu’il demeure dans le tabernacle de l’invisible jusqu’à ce que Dieu en révèle le secret. « Rien dans le ciel et sur la terre ne peut échapper à sa connaissance. En vérité, il perçoit toute chose ». [voir: Coran, 10 : 61 ; 34 : 3]

(97)
Mais cela nous éloigne de notre thème, laissons ces allusions de côté et revenons-en à notre exposé sur cette cité. En vérité, quiconque y pénètre sera sauvé et quiconque s’en détourne assurément périra.

(98)
Ô toi qui es mentionné dans ces épîtres ! Sache que celui qui s’embarque pour ce voyage sera ébloui par les preuves de la puissance de Dieu et les merveilles de son oeuvre. L’émerveillement le saisira de toute part ainsi que l’affirme cette Essence d’immortalité issue de l’assemblée céleste : « Accrois mon émerveillement et ma surprise à ton égard, ô Dieu ! » [voir: Hadith] Il est dit aussi :

(99)
« De l’émerveillement, je ne savais rien
avant d’avoir fait de ton amour ma cause.
Que je ne sois pas étonné par toi
serait chose étonnante ! » [nota: Extrait du Díván de Ibn-i-Fárid]

(100)
Dans cette vallée, les voyageurs s’égarent et périssent avant d’atteindre leur but. Seigneur ! si grande est cette vallée, si vaste cette cité dans le royaume de la création, qu’elle semble n’avoir ni commencement ni fin. Grande est la bénédiction de celui qui termine ce voyage et traverse, avec l’aide de Dieu, le sol sacré de cette cité céleste dans laquelle les protégés de Dieu et ceux qui ont le coeur pur sont submergés par l’émerveillement. Et nous disons : « Loué soit Dieu, le seigneur des mondes. »

(101)
Et si, quittant ce monde mortel pour des lieux plus élevés, le serviteur cherchait à atteindre la demeure céleste, il quitterait cette cité pour la Cité du néant absolu, il mourrait à lui-même pour vivre en Dieu. À cette étape, dans cette habitation très exaltée, au cours de ce voyage où l’ego s’efface complètement, le voyageur oublie son âme, son esprit, son corps, son être même, plonge dans la mer de l’anéantissement et vit sur terre comme un être indigne d’être mentionné qui ne laisse aucune trace car il a disparu du royaume du visible pour atteindre les sommets de l’abnégation de soi.

(102)
Si nous devions détailler tous les mystères de cette cité, le royaume du coeur des hommes serait dévasté par l’intensité de leur désir à atteindre cette importante étape. C’est là que la gloire effulgente du Bien-aimé se révèle à l’amant sincère et que se déversent les lumières éblouissantes de l’Ami sur le coeur vacant qui lui est dévoué.

(103)
Comment l’amoureux sincère pourrait-il continuer à vivre alors que la gloire effulgente du Bien-Aimé est manifeste ? La nuit peut-elle survivre alors que le soleil brille ? Un coeur épris peut-il exister face à l’objet de son amour ? Non, par celui qui tient mon âme en sa main ! Dans cette étape, le chercheur s’abandonne et disparaît si complètement devant son créateur qu’il ne trouve plus trace de lui-même ni d’aucune autre âme, devrait-il chercher à l’Orient comme à l’Occident et traverser terres, mers, montagnes et plaines.

(104)
Par Dieu ! si ce n’était par crainte du Nemrod de la tyrannie et pour protéger l’Abraham de la justice, je te révèlerais ce qui te permettrait de te dispenser de tout et de t’approcher de cette cité à la condition d’abandonner ton ego et tes désirs. Mais sois patient jusqu’au jour où Dieu révèlera sa cause. En vérité, il récompense au-delà de toute mesure ceux qui souffrent avec patience [voir: Coran, 39 : 10]. Respire donc les doux parfums de l’esprit qui s’exhalent de l’habit des sens cachés et dis : Ô vous qui êtes immergés dans l’océan de l’anéantissement ! Entrez vite dans la cité de l’immortalité si vous cherchez à en gravir les hauteurs. Alors nous nous exclamons : « Nous appartenons à Dieu et c’est vers lui que nous retournerons. » [voir: Coran, 2 : 156]

(105)
C’est de ce rang auguste et exalté, de ce lieu sublime et glorieux que le chercheur entre dans la cité de l’immortalité pour y vivre pour toujours. Là, il se voit établi sur le trône de l’indépendance, le siège de l’élévation. Alors il comprend le sens de tout ce qui fut révélé dans le passé concernant le jour « où Dieu les enrichira tous avec abondance » [voir: Coran 4 : 130]. Heureux ceux qui sont arrivés à ce niveau et ont bu leur content dans le calice nivéen devant ce Pilier vermeil.

(106)
Au cours de ce voyage, le chercheur s’est plongé dans l’océan de l’immortalité, a détaché son coeur de tout sauf de Dieu, est arrivé aux plus hauts sommets de la vie éternelle et il ne voit plus d’anéantissement ni pour lui ni pour les autres. Il boit à la coupe de l’immortalité, marche sur ses terres, s’envole dans son atmosphère, rencontre ceux qui en sont les Incarnations, prend sa part des fruits incorruptibles et impérissables de l’arbre de l’éternité et fait pour toujours partie des habitants du royaume éternel sur les sommets de l’immortalité.

(107)
Tout ce qui se trouve dans cette cité perdurera et ne périra jamais. Si, par la grâce de Dieu, tu entrais dans ce jardin sublime et exalté, tu y verrais le soleil brillant au zénith sans jamais se coucher, sans jamais être éclipsé. Il en est de même de la lune, du firmament, des étoiles, des arbres, des océans et de tout ce qui existe là. Par celui à côté de qui il n’est pas d’autre Dieu ! si je devais détailler jusqu’à la fin des temps, ces attributs merveilleux, l’amour que mon coeur ressent pour cette cité sainte et éternelle ne serait toujours pas tari. Mais le temps est court, le questionneur impatient et je vais terminer mon sujet car ces secrets ne doivent être divulgués que par la grâce de Dieu, le Tout-Puissant, l’Irrésistible.

(108)
Avant peu, le croyant pourra voir, aux jours de la dernière résurrection, Celui-que-Dieu-manifestera descendre avec cette cité depuis le paradis de l’invisible, accompagné de ses anges favoris. Grande est la bénédiction de celui qui arrive en sa présence et contemple son visage. Nous nous attachons tous à cet espoir en nous exclamant : « Loué soit-il car il est la Vérité éternelle et c’est vers lui que nous retournerons ! »

(109)
Mais souviens-toi que si quelqu’un, embarqué pour ces voyages et arrivé jusqu’à ces hauteurs, tombait victime de l’orgueil et de la vanité, il perdrait tout à la seconde même, et sans même le comprendre, il se retrouverait à son point de départ. Ceux qui se languissent de lui et le recherchent dans ces voyages se reconnaissent à ceci qu’ils s’en remettent humblement à ceux qui croient en Dieu et en ses versets, qu’ils font preuve d’humilité devant ceux qui sont proches de lui et des Manifestations de sa beauté et qu’ils s’inclinent en signe de soumission devant ceux qui sont fermement installés sur les hauteurs de la cause de Dieu et devant sa majesté.

(110)
Car s’ils arrivaient au but ultime de leur recherche de Dieu et parvenaient en sa présence, ils n’auraient fait qu’atteindre la demeure élevée dans leur propre coeur. Comment pourraient-ils prétendre atteindre ces royaumes qui ne leur sont pas destinés et qui ne furent pas créés pour leur condition ? Qu’ils voyagent depuis l’éternité jusqu’à l’éternité, ils n’arriveront jamais jusqu’à celui qui est le coeur même de l’existence et le centre de la création tout entière, celui d’où sortent, par la main droite, les mers de grandeur, d’où jaillissent, par la main gauche, les rivières de puissance, celui dont la cour est inaccessible à tous, sans parler de sa demeure elle-même ! Car il demeure dans l’arche de feu, traverse, dans cette sphère de feu, l’océan de feu, et se déplace dans l’atmosphère de feu. Comment celui qui fut créé d’éléments différents pourrait-il s’approcher de ce feu et même y entrer ? S’il le faisait, il serait instantanément consumé.

(111)
Sache, de plus, que si la corde de l’aide qui relie ce puissant pivot aux habitants de la terre et du ciel se rompait, ils périraient tous. Dieu, Très-Haut ! Comment l’humble poussière pourrait-elle jamais atteindre le Seigneur des seigneurs ? Dieu est immensément plus exalté que ce qu’ils conçoivent dans leur coeur, incommensurablement plus glorieux que ce qu’ils lui attribuent.

(112)
Oui, le chercheur atteint un lieu dans lequel ce qui lui est destiné n’a pas de limite. Le feu de l’amour brûle en son coeur à tel point qu’il ne connaît plus de retenue. L’amour pour son Seigneur augmente sans cesse et le rapproche de son Créateur en sorte que, si son Seigneur était à l’orient de la proximité et que lui habitait à l’occident de l’éloignement, possédant tout ce que la terre contient d’or et de rubis, il abandonnerait tout pour se précipiter vers la terre du Désiré. Si tu le voyais agir différemment, sache qu’il ne serait qu’un imposteur et un menteur. Nous appartenons tous à celui que Dieu manifestera dans la dernière Résurrection et par lui nous serons ressuscités.

(113)
Parce qu’aujourd’hui, nous n’avons pas encore levé les voiles qui cachent la réalité de la cause de Dieu, ni dévoilé aux hommes les fruits qui poussent en ces lieux qu’il nous est interdit de décrire, tu les vois tous ivres d’insouciance. Car si la splendeur de ce rang était révélée aux hommes ne serait-ce que dans la proportion d’un grain de moutarde, tu les verrais se rassembler devant le seuil de la miséricorde divine et s’avancer de tous côtés vers la cour de proximité dans les royaumes de la gloire divine. Mais nous l’avons caché, comme déjà dit, afin que ceux qui croient se distinguent de ceux qui nient et que ceux qui se tournent vers Dieu se différencient de ceux qui s’en détournent. Je proclame en vérité : « Il n’est pouvoir et force qu’en Dieu, le Secours, l’Absolu. »

(114)
C’est de là que le voyageur s’élève jusqu’à une cité sans nom ni description, dont on n’entend jamais parler. Là ondoie l’océan d’éternité alors que la cité elle-même tourne autour du siège d’éternité. Le soleil de l’Invisible y brille resplendissant au-dessus de l’horizon de l’Invisible, un soleil qui a son propre ciel et ses propres lunes partageant sa lumière, s’élevant et se couchant sur l’océan de l’Invisible. Je ne peux même pas espérer partager une goutte de ce qui y fut décrété car nul ne connaît ses mystères sauf Dieu, son créateur et façonneur, et ses Manifestations.

(115)
Sache enfin que lorsque nous entreprîmes de révéler ces paroles et d’en écrire quelques-unes, nous avions l’intention d’élucider pour Ton Éminence, avec les doux accents des bienheureux et des favoris de Dieu, tout ce que nous avions précédemment mentionné des paroles des Prophètes et des dires des Messagers. Mais le temps manque et l’émissaire que tu m’envoyas est pressé de repartir. Ainsi avons-nous coupé court à notre discours et nous sommes-nous contenté de ce qui précède, sans décrire complètement ces étapes d’une manière adéquate. Nous avons omis de décrire de grandes cités et d’impressionnants voyages. La hâte du messager était si grande que nous avons même négligé de mentionner ces deux voyages importants de la résignation et du contentement.

(116)
Pourtant, si Ton Éminence médite sur ce bref exposé, tu acquerras sans doute toute connaissance, tu trouveras l’objet de tout savoir et tu t’exclameras : « Ces paroles suffisent à toute la création visible et invisible. »

(117)
Et si, le feu de l’amour se déclarant en ton âme, tu demandes : « Y en a-t-il encore ? » [voir: Coran, 50 : 30], nous disons : « Loué soit Dieu, le seigneur des mondes ! »


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