Religion bahá'íe

Épître au fils du Loup

Épître au fils du Loup (Bahá'u'lláh)
Auteur: Bahá'u'lláh (révélation 1880)
Edition : MEB 2001 - ISBN 2-87203-055-7

Table des matières

Introduction
Épître au fils du Loup
Index

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Introduction

Les bahá’ís qui visitent Isfahán ne manquent pas de faire au Takhti Foulad, parmi les tombes échelonnées au pied des collines, au sud du Zenda Roud, le pèlerinage à la demeure dernière de ceux qu’ils appellent « le Sultan des Martyrs » et « le Bien-Aimé des Martyrs » C’étaient deux riches seyeds bahá’ís, négociants estimés de tous, et que le grand Moudjahid d’Isfahán, Cheikh Baghir, fit mettre à mort de la façon la plus atroce, pour ne pas avoir à leur payer une dizaine de milliers de tomans qu’il se trouvait leur devoir. Ceci se passait aux environs de 1880, et cet acte du Cheikh, qui couronnait toute une série de persécutions et de rapines, lui valut parmi les amis des deux frères martyrisés le surnom odieux du « Loup », sous lequel sa notoriété se répandit dans toute la Perse. Il mourut misérablement à quelque temps de là.

Son fils, Cheikh Mohammed Taqi, plus connu sous le nom d’Agha Nadjafi, le Seigneur de Nadjaf, lui succéda dans ses redoutables fonctions. Et, bien que le nombre des persécutions sanglantes ait heureusement diminué en Perse, où la doctrine si élevée de Bahá’u’lláh ne rencontre plus d’opposition chez les membres les plus ignorants du clergé, ses déprédations lui ont acquis une impopularité aussi vive chez les musulmans que chez les bahá’ís car la largeur de ses idées lui permet de s’emparer indistinctement des biens des uns comme des autres, sans qu’il considère toujours nécessaire d’attenter à la vie de ceux dont il convoite les richesses. Il jouit, paraît-il, d’une des fortunes les plus considérables de la Perse.

C’est à lui qu’aux environs de 1890 Bahá’u’lláh adressa la sévère admonestation que nous publions aujourd’hui, et que nous considérons comme l’une de ses oeuvres les plus intéressantes. L’Épître au fils du Loup (c’est en effet sous ce nom qu’elle est connue parmi les disciples) tire pour nous sa valeur, non seulement du fait que c’est un des derniers écrits du Prophète, mais encore de ce qu’elle constitue un véritable résumé de son oeuvre fait dans l’espoir d’adoucir un des plus violents adversaires de la Cause. Bahá’u’lláh, en lui rappelant les principales étapes de sa mission ; en lui citant des passages de ses oeuvres qu’il n’était pas toujours facile de se procurer alors en Perse, montre au Nadjafi tout le bien qu’il pourrait faire à son pays en se joignant à lui, au lieu de combattre ses idées.

À un autre point de vue également, l’ouvrage est intéressant. On sait que, dès le début de sa mission, Bahá’u’lláh trouva contre lui un certain nombre de bábís qui ne pouvaient accepter l’impulsion vers l’universalisme, qu’il avait donnée à la doctrine du Báb. Ils se groupèrent autour de son demi-frère Sobhi Azal qui, jusqu’en ces derniers temps, dirigea contre la Cause la plus amère, comme la plus stérile, des luttes.

Cette impuissante opposition n’aurait jamais fait de bruit en dehors des petits groupements persans qui s’en sont servis dans leurs querelles politiques, si des historiens européens, dans un esprit d’impartialité auquel nous nous plaisons à rendre hommage, mais peut-être un peu trop légèrement, n’avaient accueilli dans leurs ouvrages l’écho des calomnies répandues par les azalís contre les bahá’ís. C’est ainsi que Bahá’u’lláh et les bahá’ís sont accusés d’amoindrir, de mépriser même, la personnalité du Báb, pour grandir celle de son continuateur, et d’empêcher ainsi tous les fidèles bábís de se joindre au mouvement. Si pareille accusation devait trouver créance, il ne semblait pas que ce pût être auprès de ceux qui, ayant été des premiers à vulgariser en Occident les oeuvres de Bahá’u’lláh, savent au contraire que ce dernier attache tant d’importance à la station de son Annonciateur, qu’il a fait de l’anniversaire de la déclaration du Báb une des quatre grandes fêtes bahá’íes. Est-il besoin de s’excuser du mot « Annonciateur » ? Qui pourrait soutenir que les prophéties relatives au Paraclet amoindrissent dans l’esprit des musulmans la personnalité de Jésus ?

En lisant l’Épître au fils du Loup, un critique impartial verra au contraire que Bahá’u’lláh tire, pour ainsi dire, des écrits du Báb les preuves eschatologiques de l’authenticité de sa mission. Il ne pourra concevoir comment une pareille accusation a pu se répandre : car amoindrir la personne du Báb, ce serait, pour Bahá’u’lláh affaiblir sa propre autorité.

Il importe d’ailleurs de comprendre que, si Sobhi Azal a prétendu être le successeur du Báb, ce qu’il n’y a pas lieu de discuter ici, cela ne pouvait vouloir dire qu’une chose : c’est qu’il était à la tête de cette organisation perpétuelle qui devait subsister jusqu’à la venue de la grande Manifestation de Dieu annoncée par le Báb. Et le jour où Bahá’u’lláh assuma la position de Man yozherohou’llâh, le rôle de son demi-frère était fini. Comment prouver la légitimité de la prétention de Bahá’u’lláh et quel critérium possèdent les contemporains pour reconnaître un Prophète ? Il semble qu’il soit impossible de trouver une autre règle que celle du Christ : « Vous les reconnaîtrez à leurs fruits » [nota : Matthieu, VII, 16]. Et les progrès que le Bahaïsme a faits, tant en Orient qu’en Occident, paraissent une preuve suffisante.

Quelqu’un ayant demandé à ‘Abdu’l-Bahá, lorsqu’il était encore emprisonné à Saint-Jean-d’Acre, dans quelles conditions s’était produite la manifestation de son père, il répondit par ces quelques lignes que nous reproduisons ici dans toute leur simplicité :
Bahá’u’lláh, dès son enfance, avait des manières, une attitude et une façon de parler extraordinaires, dont tout le monde s’émerveillait. Tous les grands de la Perse disaient : « Ce jeune homme est un être étrange » et tous attestaient ses vertus, ses perfections, son intelligence, son savoir, sa pénétration, son génie. Même chez ses ennemis, chez ceux qui étaient jaloux de lui, il était universellement établi et reconnu qu’Il n’était jamais entré dans une école, qu’Il n’avait rien appris dans les classes. Malgré cela son savoir et ses vertus étaient incontestés. Les érudits de la Perse venaient Lui exposer les problèmes qui les embarrassaient : Il résolvait leurs difficultés. Bref, en Perse, et même dans tout l’Orient personne n’aurait nié son savoir, sa perfection, sa grandeur, son pouvoir. Tout ce que disaient ses ennemis, c’est que cet homme était le destructeur des fondements de la Loi, que par le pouvoir de son intelligence, de sa pénétration, de sa subtilité, de sa raison, de sa sagacité, par l’éloquence de ses explications et la beauté de ses commentaires, il avait égaré une foule immense, et qu’il avait renversé la religion établie. Mais on ne contestait pas la grandeur de Bahá’u’lláh.
Aussi, dès le début de la Manifestation du Báb, les amis étaient humbles et respectueux (vis-à-vis de Lui), se tournaient vers Lui, et avaient le coeur attiré de son côté. Mais c’est au Concile de Bédecht que la sublimité de sa grandeur se manifesta particulièrement : de nombreux amis s’étaient spécialement tournés vers Lui. Et tous ceux qu’il rencontrait, ou qui entendaient ses paroles, étaient impressionnés, tombaient dans l’anxiété et l’impatience ; inconsciemment ils devenaient humbles et enflammés par le feu de l’amour de Dieu.
Dans les derniers jours de Téhéran, avant le voyage de Bagdad, une foule de croyants, tels que Mohammed Taqi Khan le martyr, Soleïman Khan le martyr, Djénabé Azim le martyr, Mirza ‘Ali Mohammed le martyr, Molla ‘Adbou’l Fattah le martyr, Mirza ‘Abdou’l Wahtab le martyr, Mirza Houssain Kirmâni, comprirent que Bahá’u’lláh possédait une condition supérieure, et reconnurent qu’Il était une Manifestation de Dieu. Il composa une Ode dans laquelle on trouve la mention de sa condition supérieure, et qui commence par ce vers : « La rosée de l’aveuglement tombe de notre attraction ». Tous les amis la récitaient avec l’ardeur et l’attraction les plus grandes ; tout le monde sans exception l’admirait, elle était très émouvante.
Le premier qui comprit la grandeur et la sainteté de Bahá’u’lláh et fut certain qu’il allait manifester une Cause glorieuse, fut Molla ‘Adbou’l-Karim Qazvini, que le Báb avait appelé Mirza Ahmad, et qui fut l’intermédiaire entre lui et Bahá’u’lláh; il comprit la vérité de la Cause.
Lorsque Bahá’u’lláh quitta la Perse pour Bagdad, neuf ans après la manifestation du Báb, Il se déclara à ses intimes ; et le bruit de la manifestation houssainique se répandit parmi les amis. Car les Persans croyaient qu’après la manifestation du Mahdi promis aurait lieu la manifestation houssainique, qui est celle de l’Imam Houssain martyr ; et tous les Persans sont attachés et croient à Houssain. Le Báb, dans tous ses livres et ses écrits, annonce à chacun la nouvelle de l’an 9. Entre autres : « Vous atteindrez, dans l’an 9, le Bien absolu ; vous l’atteindrez en l’an 9 ! vous l’atteindrez ! » Et de même : « Patientez jusqu’à ce que neuf ans se soient écoulés après le Bayán », puis dites : « Il est pur et sacré le Dieu qui est, etc. ». Bref, les prophéties du Báb pour l’année 9 sont tellement nombreuses qu’on ne peut les citer [toutes]. Il y eut pourtant quelques individus qui glissèrent [hors du droit chemin]. Parmi eux fut Mirza Yahyá, Seyed Mohammed Isfahání et quelques autres.
Le « Sermon sur la prière » fut révélé en l’an 9, et le commentaire du verset du Coran ; « Tous les aliments étaient licites aux enfants d’Israël sauf ceux que Jacob s’était interdit à lui-même », parut cette même année.
Lorsque Bahá’u’lláh vit l’opposition secrète de Mirza Yahyá et des autres, Il partit seul pour Soleïmanyyeh et fut pendant deux ans en retraite. Mirza Yahyá, derrière le voile du déguisement, prenait les plus grandes précautions : par crainte du consul général de Perse à Bagdad, changeant de vêtements, sous le nom de Hadji ‘Ali, il se mit à vendre des souliers à Bassorah et à Souqou’chchoyoukh dans les environs de Bagdad. La Cause s’éteignit entièrement, et la proclamation cessa tout à fait : peu s’en fallut qu’elle ne perdît toute renommée et toute beauté.
Pendant son voyage à Soleïmanyyeh, Bahá’u’lláh rédigea des écrits, parmi lesquels des prières que nous possédons aujourd’hui. De même il écrivait des traités sur le Voyage vers Dieu pour les érudits et les docteurs de l’Islam : ceux-ci existent également. Il y donne des informations, parmi lesquelles se trouvent les paroles suivantes : « Si ce n’était pas contraire à la Loi sublime, je ferais mon héritier de celui qui me tuerait. Mais que faire ? Je ne possède rien, et le Roi de la destinée en a ainsi décidé ».
Bref tous les croyants et les Ouléma de Soleïmanyyeh ont parlé de la science, des vertus, des perfections de Bahá’u’lláh, et se sont mis à l’aimer. Ils disaient que cet homme était unique et appartenait aux élus de Dieu.
Lorsqu’Il revint de Soleïmanyyeh, Bahá’u’lláh rendit Bagdad lumineux : une seconde fois la Proclamation divine retentit, et la Perse s’agita. Il se tenait dans Bagdad à la disposition de tous. À ce moment, le gouvernement persan persécutait terriblement les bábís : toutes les peuplades étaient prêtes à fomenter des persécutions et des troubles de toutes sortes. À la fin, inquiet de l’influence de Bahá’u’lláh, il pensa que Bagdad était trop près de la Perse, et que les Persans qui y passent et qui y séjournent étaient trop nombreux ; que pour éteindre ce feu il fallait envoyer Bahá’u’lláh dans des contrées plus éloignées. Le gouvernement persan se mit à ce sujet en rapport avec la Porte. On fit sortir Bahá’u’lláh de Bagdad avec les honneurs les plus grands. Et il fit sa première étape au jardin de Nadjib Pacha situé en dehors de la ville. Il y demeura douze jours. Tout le monde, grands et petits, même le gouverneur et les fonctionnaires, vinrent à sa Présence sacrée. Ces douze jours sont les jours du Rizwan. Bref, pendant ces douze jours, Il commença, par des signes et des allusions à manifester sa mission. Quelques-uns des amis le comprirent parfaitement ; d’autres au contraire, ainsi qu’il était à prévoir, ne le comprirent pas bien. Il arriva enfin à Constantinople, et la Soura du pèlerinage fut révélée, dans laquelle il ordonne la procession autour de la demeure de Bagdad. Dans cette Soura, sa Cause est déclarée, mais il ne dit pas encore « Je suis Celui que Dieu manifestera ».
Après cela le gouvernement persan le fit envoyer, de Constantinople, en Roumélie ; dans ce dernier pays, nuit et jour Il révéla de nombreuses Tablettes où Il disait « On m’a chassé de mon pays et on m’a exilé à Bagdad, puis on m’a jeté dans un lieu extrêmement lointain, afin que s’éteigne la lampe de la Direction, que soit renversée la Science de Dieu, et que cesse la Proclamation divine. Aussi avous-Nous manifesté complètement la Cause et rendu l’argument évident ; Nous avons lancé la Proclamation et brandi le drapeau de la Cause de Dieu, afin que chacun puisse voir que ces troubles, cette cruauté, cet exil, ce bannissement, ont été cause de la force de pénétration de la Parole de Dieu, et de sa renommée universelle : ainsi la voix de la Manifestation du royaume de Dieu est parvenue à l’Est et à l’Ouest. »
Cette proclamation générale eut lieu en 1280. Et tous les amis (en mettant à part la transgression de Yahyá et d’un certain nombre de ses adhérents) devinrent de fermes croyants. D’Andrinople, à maintes reprises, Il envoya des Tablettes en Perse.
Telle est l’histoire résumée de la Manifestation de Bahá’u’lláh.


Hippolyte Dreyfus


Épître au fils du Loup

Au nom de Dieu, l’Unique, l’Incomparable, le Tout-Puissant, l’Omniscient, le Très-Sage.

(1)
Louange à Dieu, l’Éternel qui ne périt point, l’Immortel qui ne décline point, l’Absolu qui ne change point. Transcendant en sa souveraineté, il est manifesté par ses signes et caché par ses mystères. Sur son ordre, l’étendard de la Parole la plus exaltée se dresse dans le monde de la création et la bannière de « Il fait tout ce qu’il veut » flotte sur tous les peuples. Il révéla sa cause afin de guider ses créatures, fit descendre ses versets pour manifester sa preuve et son témoignage, et embellit de l’ornement de la parole la préface du Livre de l’homme par ses mots : « Le Dieu de miséricorde a révélé le Coran, a créé l’homme et lui a enseigné le langage articulé. Il n’est pas d’autre Dieu que Lui, l’Unique, l’Incomparable, le Fort, le Puissant, le Bienfaisant ».

(2)
Que sur Lui, le Médiateur suprême, la Plume du Très-Haut [nota : le Médiateur suprême et la Plume du Très-Haut désignent Bahá’u’lláh], dont Dieu a fait l’Orient de ses noms et la source de ses attributs les plus nobles, repose la lumière diffusée depuis le paradis de la munificence et de la bénédiction rayonnant de l’Orient de la volonté de Dieu, le Seigneur du royaume des noms. Par Lui, la lumière de l’unité brille au-dessus de l’horizon du monde et la loi de l’unicité se révèle aux nations qui, la face radieuse, se tournent vers l’horizon suprême et reconnaissent ce que la Langue du verbe a exprimé dans le royaume de sa connaissance : « La terre et le ciel, la gloire et l’autorité appartiennent à Dieu, l’Omnipotent, le Tout-Puissant, le Seigneur de grâce abondante ».

(3)
Ô illustre savant, prête l’oreille à la voix de cet opprimé. Sincèrement, il t’exhorte pour l’amour de Dieu et te conseille ce qui te rapprochera de lui en toutes circonstances. Il est vraiment celui qui possède tout, le Suprême. Sache que l’oreille de l’homme fut créée pour écouter la voix divine en ce jour que mentionnent tous les livres, les écritures et les épîtres. Purifie d’abord ton âme aux eaux du renoncement. Puis pare ta tête de la couronne de la crainte de Dieu et ton temple de l’ornement de la confiance en lui. Ensuite, la face tournée vers la plus grande Demeure - le point autour duquel gravite tout ce qui habite sur la terre, comme le décrète le Roi éternel -, lève-toi et récite :

(4)
« Ô Dieu, mon Dieu, mon désir, mon adoré, mon maître, mon soutien, ma plus grande espérance et ma suprême aspiration ! Tu me vois tourné vers Toi, tenant fermement la corde de ta bonté, accroché au pan de ta générosité, reconnaissant la sainteté de ton être et la pureté de ton essence et témoignant de ton unité et de ton unicité. Je témoigne que tu es l’Unique, l’Incomparable, l’Éternel. Tu n’as pris ni partenaire dans ton empire, ni choisi de pair sur terre. Toute chose créée témoigne de ce que la Langue de ta grandeur déclara avant sa création. En vérité, tu es Dieu. Il n’est pas d’autre Dieu que Toi ! De toute éternité, tu es sanctifié de la mention de tes serviteurs et exalté au-delà de toute description de tes créatures. Ô Seigneur, tu vois l’ignorant chercher l’océan de ta connaissance, l’assoiffé, les eaux vives de ta parole, l’humilié, le tabernacle de ta gloire, le pauvre, le trésor de tes richesses, le suppliant, l’orient de ta sagesse, le faible, la source de ta force, l’infortuné, le ciel de ta générosité, le muet, le royaume de ta mention ».

(5)
« Ô mon Dieu et mon Roi, je témoigne que tu m’as créé pour me souvenir de toi, te glorifier et servir ta cause. Et cependant, j’ai aidé tes ennemis qui brisèrent ton alliance, rejetèrent ton Livre, ne crurent pas en toi et répudièrent tes signes. Hélas ! Hélas pour mon obstination et ma honte, pour les fautes et les méfaits qui m’ont privé des profondeurs de l’océan de ton unité et m’ont empêché de sonder la mer de ta miséricorde ! Hélas ! Trois fois hélas pour mon caractère méprisable et pour la gravité de mes transgressions ! Ô mon Dieu ! Tu m’as appelé à la vie pour exalter ta parole et manifester ta cause. Pourtant, prisonnier de mon aveuglement, j’en fus empêché au point de me lever pour anéantir tes signes et verser le sang de tes bien-aimés, Orients de tes signes, sources de ta révélation et dépositaires de tes mystères ».

(6)
« Ô Seigneur, mon Seigneur !
Ô Seigneur, mon Seigneur ! Et encore, ô Seigneur, mon Seigneur ! Je témoigne que les fruits de l’arbre de ta justice sont tombés en raison de mon iniquité, et que le feu de ma rébellion a consumé les coeurs des créatures proches de toi et fait fondre les âmes sincères parmi tes serviteurs.
Ô misérable, misérable que je suis ! Ô cruautés, flagrantes cruautés que j’ai commises ! Malheur à moi, malheur à moi pour mon éloignement, mon obstination, mon ignorance, ma bassesse, mon désaveu et mon opposition à ton égard ! Pendant combien de jours n’as-tu pas ordonné à tes serviteurs et à tes bien-aimés de me protéger, tandis que je leur commandais de te nuire et de nuire à ceux en qui tu avais confiance ! Et combien nombreuses furent les nuits durant lesquelles, par ta grâce, tu te souvins de moi et me montras ton chemin, tandis que je me détournais de toi et de tes signes ! Par ta gloire !
Ô Toi qui es l’espoir de ceux qui ont reconnu ton unité et le désir des coeurs de ceux qui sont détachés de tout sauf de toi ! Je ne trouve nul secours excepté toi, nul roi, nul refuge, nul havre en dehors de toi. Hélas, hélas ! En me détournant de toi, j’ai consumé le voile de mon intégrité et, en te reniant, j’ai déchiré ce qui protégeait mon honneur. Oh ! Que ne puis-je être au plus profond de la terre afin que mes méfaits demeurent ignorés de tes serviteurs !
Ô mon Seigneur ! Tu vois ce pécheur se tourner vers l’orient de ton indulgence et de ta générosité, et cette montagne d’iniquité chercher le ciel de ta miséricorde et de ton pardon. Hélas, hélas ! La gravité de mes péchés m’a empêché de m’approcher de la cour de ta miséricorde, et l’horreur de mes actes m’a éloigné du sanctuaire de ta présence. En vérité, je suis celui qui a failli à ses devoirs envers toi, qui a brisé ton alliance et ton pacte, et qui a commis ce qui suscita les lamentations des habitants des cités de ta justice et des Aurores de ta grâce en tes royaumes.
Ô mon Dieu ! Je témoigne que j’ai négligé tes commandements pour suivre les injonctions de mes passions, que j’ai rejeté les lois de ton Livre pour saisir le livre de mon propre désir.
Ô douleur, ô douleur ! À mesure que croissaient mes iniquités, ton indulgence à mon égard augmentait, et plus le feu de ma rébellion devenait ardent, plus ton pardon et ta grâce cherchaient à en éteindre les flammes. Par la force de ton pouvoir !
Ô Toi qui es le désir du monde et le bien-aimé des nations ! Ta longanimité m’a gonflé d’orgueil et ta patience m’a enhardi.
Ô mon Dieu ! Tu vois les larmes que fait couler ma honte et les soupirs que mon insouciance me fait exhaler. Je le jure par la grandeur de ta majesté ! Je ne puis trouver pour moi-même aucune demeure si ce n’est à l’ombre de la cour de ta générosité, aucun refuge si ce n’est sous le dais de ta miséricorde. Tu me vois plongé dans un océan de découragement et de désespoir, après que tu m’aies fait entendre ces mots : « Ne désespère point » Par ton pouvoir ! Ma cruelle injustice a coupé la corde de mon espoir et ma rébellion a noirci ma face devant le trône de ta justice.
Ô mon Dieu ! Tu vois celui qui gît devant la porte de ta faveur, honteux de chercher dans les eaux vives de ton pardon la main de ta tendre bonté. Tu m’as donné une langue pour t’évoquer et te louer ; pourtant, ce qu’elle profère a fait fondre les âmes des élus proches de toi et se consumer les coeurs des êtres sincères parmi les habitants des demeures de sainteté. Tu m’as donné des yeux pour témoigner de tes signes, lire tes versets et contempler les révélations de ton oeuvre ; mais j’ai rejeté ta volonté et j’ai commis ce qui fit gémir tes créatures fidèles et tes serviteurs détachés. Tu m’as donné des oreilles pour entendre ta louange, ta glorification, et ce que tu révélas du ciel de ta bonté et du firmament de ta volonté. Mais hélas, hélas ! J’ai abandonné ta cause et j’ai ordonné à tes serviteurs de blasphémer contre ceux en qui tu avais confiance et contre tes bien-aimés et j’ai commis, devant le trône de ta justice, des actes qui suscitèrent les douloureuses lamentations de ceux qui ont reconnu ton unité et qui te sont totalement dévoués parmi les habitants de ton royaume.
Ô mon Dieu ! Je ne sais lequel de mes méfaits mentionner devant l’océan houleux de ta faveur, ni laquelle de mes offenses déclarer, lorsque je suis face aux splendeurs des soleils de tes dons merveilleux et de tes libéralités ».

(7)
« Par les mystères de ton Livre, par ce qui est dissimulé dans ton savoir et par les perles enfouies dans les nacres de l’océan de ta miséricorde, je te supplie, en cet instant, de me compter parmi ceux que tu as mentionnés dans ton Livre et décrits dans tes épîtres.
Ô mon Dieu ! As-tu décrété pour moi quelque joie après ces tribulations, quelque soulagement pour succéder à cette affliction, quelque repos après ces malheurs ? Hélas, hélas ! Tu as ordonné que chaque chaire soit réservée à ta mention, à la glorification de ta parole et à la révélation de ta cause, et moi je suis monté pour proclamer la violation de ton alliance, y exprimer, devant tes serviteurs, des paroles telles qu’elles suscitèrent les lamentations des habitants des tabernacles de ta majesté et des résidents des cités de ta sagesse. Combien de fois n’as-tu pas fait descendre la nourriture de ta parole du ciel de ta générosité ? Et moi qui la refusais ! Combien de fois ne m’as-tu pas convié aux douces eaux de ta miséricorde ? Et moi qui choisissais de m’en détourner, pour suivre mon souhait et mon désir ! Par ta gloire ! Je ne sais pour quel péché solliciter ta clémence et implorer ton pardon, ni pour laquelle de mes iniquités me tourner vers la cour de ta générosité et le sanctuaire de ta faveur. Mes offenses et mes péchés sont tels que nul homme ne peut les dénombrer et nulle plume les décrire.
Ô Toi qui changes les ténèbres en lumière et dévoiles les mystères du Sinaï de ta révélation ! Je t’implore de m’aider, à tout instant, à placer ma confiance en toi et à m’en remettre à tes soins. Ainsi, ô mon Dieu, permets que je me contente de ce qu’a tracé le doigt de ton décret et écrit la plume de ton commandement. Tu as le pouvoir de faire ce qui te plaît et tu tiens en tes mains les rênes de tout ce qui est dans le ciel et sur la terre. Il n’est pas d’autre Dieu que Toi, l’Omniscient, le Très-Sage ».

(8)
Ô Shaykh ! [nota : « Le Fils du Loup », Shaykh Muhammad Taqí, prêtre d’Isfáhán, connu sous le nom d’Aqá Najafi. Son père avait causé la mort du Roi des Martyrs et celle du Bien-Aimé des martyrs (voir note du verset 118)] Sache que ni les calomnies des hommes, ni leurs dénégations, ni leurs ergotages ne peuvent nuire à celui qui s’est accroché à la corde de la grâce et qui a saisi le pan de la miséricorde du Seigneur de la création. Par Dieu ! Lui, la Gloire de Dieu [nota : Bahá’u’lláh], n’a point parlé mû par son désir. Celui qui lui a donné la parole est celui qui a fait parler toutes choses, afin qu’elles puissent le louer et le glorifier. Il n’est pas d’autre Dieu que Lui, le Seul, l’Incomparable, le Seigneur de force, l’Inconditionné.

(9)
Ceux dont la vue est perçante, dont les oreilles sont attentives, dont le coeur est éclairé et la poitrine dilatée, reconnaissent le vrai et le faux, et distinguent l’un de l’autre. Récite cette prière qui émane de la bouche de cet opprimé, et médite-la d’un coeur libéré de tout attachement. L’oreille pure et sanctifiée, sois attentif à sa signification en espérant inhaler le souffle du détachement et avoir pitié de toi-même et des autres :

(10)
Mon Dieu, objet de mon adoration, but de mon désir, Toi le Très-Généreux, le Très-Compatissant ! Toute vie est tienne et tout pouvoir réside dans l’étreinte de ton omnipotence. Celui que tu exaltes est élevé au-dessus des anges et atteint le rang de « En vérité, nous l’avons élevé vers une place sublime » [voir : Coran, 19 : 57] ; et celui que tu abaisses est rendu plus vil que la poussière. Que dis-je ! Il est moins que rien. Ô divine Providence ! Mauvais, coupables et intempérants, nous cherchons malgré tout auprès de toi un « séjour de vérité » [voir: Coran, 54 : 5] et désirons ardemment contempler la face du Roi omnipotent. Il t’appartient de commander, toute souveraineté est tienne et le royaume de puissance s’incline devant ton ordre. Tout ce que tu fais est pure justice, que dis-je, c’est l’essence même de la grâce. Un seul rayon des splendeurs de ton nom, l’infiniment Miséricordieux, suffit à bannir et à effacer du monde toute trace de culpabilité, et un seul souffle des brises du jour de ta révélation suffit à orner toute l’humanité d’une nouvelle parure. Ô Tout-Puissant ! Aux impuissants donne la puissance et aux morts accorde la vie : qu’ainsi ils te trouvent, qu’ils soient conduits vers l’océan de ta connaissance et restent fermes dans ta cause. Si l’une des nombreuses langues du monde, de l’Orient ou de l’Occident, diffusait au loin le parfum de ta louange, elle serait vraiment appréciée et grandement chérie. Si, toutefois, ces langues étaient dépourvues de ce parfum, elles seraient, assurément, indignes de toute mention, en parole ou même en pensée. Ô Providence ! Nous te prions de montrer ton chemin à tous les hommes et de bien les guider. Tu es, en vérité, le Fort, le Tout-Puissant, l’Omniscient, Celui qui voit tout.

(11)
Nous supplions Dieu de t’aider à être juste et impartial, et de porter à ta connaissance tout ce qui était caché aux yeux des hommes. En vérité, il est le Fort, l’Indépendant. Nous te prions de réfléchir à ce qui fut révélé, et d’être loyal et juste dans ton discours afin que les splendeurs du soleil de vérité et de sincérité apparaissent, te délivrent des ténèbres de l’ignorance et éclairent le monde par la lumière de la connaissance. Cet opprimé n’a fréquenté aucune école, ni assisté aux controverses des savants. Par ma vie ! Je ne me suis pas révélé par ma volonté, mais Dieu, de son propre choix, m’a manifesté. Dans l’épître adressée à Sa Majesté le Sháh [nota : Násiri’d-Dín Sháh] - que l’assiste Dieu, béni et glorifié soit-il - les paroles suivantes se sont déversées de la bouche de cet opprimé :

(12)
Ô roi ! Je n’étais qu’un homme comme les autres, endormi sur ma couche, lorsque les brises du Très-Glorieux soufflèrent sur moi et me donnèrent la connaissance de tout ce qui fut. Ceci n’est pas de moi mais de celui qui est tout-puissant et omniscient. Il m’ordonna d’élever la voix entre ciel et terre et, pour cela, il m’advint ce qui fait couler les larmes de tout homme doué d’entendement. Le savoir courant parmi les hommes, je ne l’ai pas étudié ; leurs écoles, je ne les ai pas fréquentées. Informe-toi dans la ville où j’habitais, afin d’être assuré que je ne suis pas de ceux qui mentent. Je ne suis qu’une feuille agitée par les vents de la volonté de ton Seigneur, le Tout-Puissant, le Magnifié. Peut-elle rester immobile quand soufflent les vents tempétueux ? Non, par le Seigneur de tous les noms et attributs ! Ils la secouent comme ils veulent. L’éphémère n’est que néant face à l’Eternel. J’ai entendu ses admonitions impérieuses ; elles m’ont amené à célébrer sa louange parmi tous les hommes. En vérité, j’étais comme mort lorsque son ordre fut proféré. La main de la volonté de ton Seigneur, le Compatissant, le Miséricordieux, m’a transformé.

(13)
Le moment est venu de te purifier aux eaux du détachement qui coulent de la Plume suprême [nota : autre formulation pour la Plume du Très-Haut, désignant Bahá’u’lláh] et de réfléchir, uniquement pour l’amour de Dieu, à ces choses qui furent envoyées ou manifestées à plusieurs reprises. Ensuite par le pouvoir de la sagesse et par la force de ta parole, efforce-toi d’éteindre le feu de l’inimitié et de la haine qui couve dans le coeur des peuples du monde. Les messagers divins ont été envoyés ici-bas et leurs livres ont été révélés dans le but de faire avancer la connaissance de Dieu et de favoriser l’unité et la solidarité parmi les hommes. Mais, à présent, vois comme ils ont fait de la loi de Dieu une cause et un prétexte de perversité et de haine. Comme il est déplorable et regrettable que la plupart des hommes s’attachent à leurs possessions et s’y noient, alors qu’ils sont inconscients de ce que Dieu possède et en sont séparés comme par un voile !

(14)
Dis : Ô Dieu, mon Dieu ! Pare ma tête de la couronne de la justice et mon temple de l’ornement de l’équité. Tu es, en vérité, le Possesseur de tous les dons et de toutes les générosités.

(15)
Justice et équité sont toutes deux des gardiennes qui veillent sur les hommes. Les paroles saintes et claires qu’elles révèlent sont la source du bien-être du monde et la protection des nations.

(16)
Voici les paroles qui ont coulé de la plume de cet opprimé dans l’une de ses épîtres : Le but du seul vrai Dieu, exaltée soit sa gloire, est d’extraire les gemmes mystiques de la mine de l’homme qui est l’orient de sa Cause et le dépositaire des perles de sa connaissance ; car Dieu lui-même, glorifié soit-il, est l’Invisible, l’Unique, caché aux yeux des hommes. Considère ce que le Miséricordieux révéla dans le Coran : « Les regards des hommes ne l’atteignent pas, mais il scrute les regards. Il est le Subtil, il est parfaitement informé » [voir : Coran, 6 : 103].

(17)
Les diverses confessions de la terre et les multiples systèmes de croyances religieuses ne devraient jamais être autorisés à susciter des sentiments d’animosité parmi les hommes : c’est, en ce jour, l’essence même de la foi de Dieu et de sa religion. Ces principes et ces lois, ces systèmes fermement établis et puissants ont émané d’une seule et même source et sont des rayons d’une seule et même lumière. Qu’ils diffèrent les uns des autres doit être attribué aux nécessités changeantes des époques auxquelles ils furent propagés.

(18)
Ceins-toi les reins pour l’effort, ô peuple de Bahá [nota : les disciples de Bahá’u’lláh], afin que le tumulte des dissensions et des luttes religieuses qui agitent les peuples de la terre soit apaisé, et que toute trace en soit complètement effacée. Pour l’amour de Dieu et de ceux qui le servent, lève-toi pour aider cette sublime et suprême révélation. Le fanatisme religieux et la haine sont un feu dévorant le monde, dont nul ne peut atténuer la violence. Seule la main du pouvoir divin peut délivrer l’humanité de cette désolante affliction. Songe à la guerre qui opposa les deux nations [nota : la Russie et la Perse] et à la manière dont les deux adversaires abandonnèrent leurs possessions et leur vie. Combien de villages furent rayés de la carte !

(19)
La parole de Dieu est une lampe dont la lumière brille en ces mots : Vous êtes les fruits d’un même arbre et les feuilles d’une même branche. Dans vos rapports les uns avec les autres, faites preuve d’un amour et d’une harmonie extrêmes, ainsi que d’amitié et de fraternité. Celui qui est l’Astre de vérité m’en porte témoignage ! La lumière de l’unité est si puissante qu’elle peut illuminer la terre entière. Le seul vrai Dieu, celui qui connaît toutes choses, témoigne lui-même de la vérité de ces paroles.

(20)
Efforcez-vous d’atteindre cette condition sublime et transcendante qui peut assurer la protection et la sécurité de toute l’humanité. Ce but surpasse tout autre but et cette aspiration est la reine de toutes les aspirations. Toutefois, aussi longtemps que les nuages épais de l’oppression qui obscurcissent le soleil de la justice ne se seront pas dissipés, il sera difficile à la gloire de cette condition d’être dévoilée aux yeux des hommes. Ces épais nuages ne sont autres que les religieux de Perse, propagateurs de vaines imaginations ; nous avons, parfois, parlé le langage du législateur et, parfois, celui du chercheur de vérité et du mystique ; notre intention suprême, notre souhait le plus élevé a toujours été, cependant, de révéler la gloire et la sublimité de cette condition. En vérité, Dieu est un témoin suffisant !

(21)
Fréquentez tous les hommes, ô peuple de Bahá, dans un esprit d’amitié et de fraternité. Si vous possédez quelque vérité, joyau dont les autres sont privés, partagez-la en des termes d’une bonté et d’une bienveillance extrêmes. Si elle est acceptée et réalise son dessein, votre objectif est atteint. Si quelqu’un la refuse, laissez-le à lui-même et suppliez Dieu de le guider. Gardez-vous de le traiter avec malveillance. Un langage bienveillant est l’aimant naturel du coeur des hommes. C’est le pain de l’esprit qui donne un sens aux mots, c’est la fontaine lumineuse de la sagesse et de la compréhension.

(22)
Par « religieux », dans le passage cité plus haut, nous entendons ces hommes qui, extérieurement, se parent des habits du savoir mais qui, intérieurement, en sont dépourvus. Citons à cet égard, de l’épître adressée à Sa Majesté le Sháh, certains passages extraits des Paroles cachées qui furent révélées par la Plume d’Abhá [nota : la Plume du Très-Glorieux (autre appellation pour la Plume du Très-Haut ou la Plume suprême) est Bahá’u’lláh, dont les écrits sont inspirés par l’Esprit-Saint] sous le nom de Livre de Fátimih [nota : il s’agit, selon la tradition, du livre révélé par Gabriel pour Fátimih, destiné à la consoler de la mort de Muhammad, son père. Ce livre, selon les chiites, serait en possession du Qá’im. Comme ce dernier est caché aux yeux des croyants, Bahá’u’lláh lui a donné le nom de « Paroles cachées »] - que les bénédictions de Dieu soient sur elle !

(23)
Ô vous qui êtes sots et qui cependant passez pour sages ! Pourquoi prenez-vous l’apparence de bergers, alors qu’en vous-mêmes vous êtes devenus des loups acharnés contre mon troupeau ? Vous êtes comme l’étoile qui se lève avant l’aube et qui, bien qu’elle paraisse lumineuse et radieuse, égare les voyageurs de ma cité et les conduit sur les chemins de perdition.

(24)
De même, il dit : Ô vous qui êtes sains en apparence mais intérieurement corrompus ! Vous êtes comme de l’eau claire mais amère, apparemment pure comme du cristal, mais dont pas une goutte ne sera acceptée après avoir été éprouvée par le divin Examinateur. En vérité, le rayon de soleil éclaire identiquement la poussière et le miroir ; mais leurs images réfléchies sont aussi différentes que l’étoile l’est de la terre; Que dis-je ! Cette différence est incommensurable.

(25)
Et il dit également : Ô essence de désir ! Bien des fois à l’aurore, depuis les royaumes de l’infini, je suis venu vers ta demeure et t’ai trouvé sur la couche de repos occupé avec d’autres que moi. Aussi, tel l’éclair de l’esprit, je suis retourné aux royaumes de gloire céleste et, dans mes retraites d’en haut, je n’en ai soufflé mot aux armées de sainteté.

(26)
Et il dit encore : Ô esclave du monde ! Que de fois, à l’aurore, la brise de mon affectueuse bonté est passée sur toi et t’a trouvé profondément endormi sur la couche de l’insouciance. Alors, pleurant sur ta condition, elle est repartie d’où elle était venue.

(27)
Cependant, les savants qui sont vraiment parés de l’ornement du savoir et de la bonté sont, en vérité, comme une tête pour le corps du monde et comme des yeux pour les nations. Les hommes ont toujours été guidés par des âmes aussi nobles, et le seront toujours. Nous supplions Dieu de daigner les aider à faire sa volonté et à suivre son bon plaisir. En vérité, il est le Seigneur de tous les hommes, le Seigneur de ce monde et de l’autre.

(28)
Ô Shaykh ! Nous avons appris que tu t’es détourné de nous et que tu t’es rebellé contre nous ; tu as commandé au peuple de me maudire et tu as ordonné de verser le sang des serviteurs de Dieu. Que Dieu récompense celui qui a dit :
J’obéirai de mon plein gré au juge qui a si étrangement décrété que mon sang soit répandu à Hill et à Haram [nota : tiré d’une ode de Ibn-i-Fárid, poète soufi égyptien. Haram signifie « sanctuaire ». Cela fait référence à deux zones proches de la Kaaba dans lesquelles tout acte de vengeance sanglante était interdit, et aussi à quatre mois du calendrier arabe auxquels s’appliquait la même interdiction. Hill désigne la zone et les mois non protégés du calendrier arabe].
En vérité, je le dis ! L’âme chérit et le coeur désire tout ce qui advient sur le chemin de Dieu. En son sentier, le poison mortel est miel pur et chaque tribulation, gorgée d’eau cristalline. Dans l’épître à Sa Majesté le Sháh, il est écrit :
Par celui qui est la vérité ! Je ne redoute aucunes tribulations sur son chemin ni aucune affliction dans mon amour pour lui. En vérité, Dieu a fait de l’adversité une rosée matinale sur son vert pâturage et une mèche pour sa lampe qui éclaire le ciel et la terre.

(29)
Tourne ton coeur vers celui qui est la Kaaba de Dieu, le Secours, l’Absolu, et lève les mains avec une conviction telle qu’elle fera lever les mains de toutes choses créées vers le ciel de la grâce de Dieu, le Seigneur de tous les mondes. Puis tourne ton visage vers lui de telle manière que les visages de tous les êtres se tournent vers son horizon brillant et lumineux, et dis : « Tu me vois, ô mon Seigneur, le visage tourné vers le ciel de ta bonté et l’océan de ta faveur, détaché de tout sauf de Toi. Par les splendeurs du soleil de ta révélation brillant sur le Sinaï [nota : montagne sur laquelle la Loi fut révélée par Dieu à Moïse] et par le rayonnement de l’astre de ta grâce resplendissant à l’horizon de ton nom, le Magnanime, je te demande de m’accorder ton pardon et d’avoir pitié de moi. De ta plume de gloire, consigne pour moi ce qui, par ton nom, m’élèvera dans le monde de la création. Aide-moi, ô mon Seigneur, à me tourner vers toi et à écouter la voix de tes bien-aimés que les puissances de la terre ne purent affaiblir, que l’emprise des nations ne parvint à éloigner de toi et qui, s’avançant vers toi, dirent : « Dieu est notre Seigneur, le Seigneur de tous ceux qui sont sur la terre et de tous ceux qui sont au ciel ».

(30)
Ô Shaykh ! En vérité, je le dis, le sceau du vin de choix [nota : le vin de choix et scellé est promis aux croyants lorsque viendra le jugement dernier (Coran, 83 : 25-26) ; dans les textes bahá’ís, il s’agit des vérités restées cachées et dévoilées au Jour de la manifestation de Bahá’u’lláh] a été brisé au nom de l’Absolu ; ne t’en prive point. Cet opprimé ne s’exprime que pour l’amour de Dieu ; toi aussi tu devrais, pour l’amour de Dieu, méditer sur ce qui est envoyé et révélé afin qu’en ce jour béni, prenant ta part des effusions prodigues de celui qui est véritablement le Très-Généreux, tu n’en sois pas privé. Certes, cela ne serait pas difficile pour Dieu : Adam, né de la poussière fut, par la parole de Dieu, élevé au trône céleste ; un simple pêcheur [nota : l’apôtre Pierre] devint le dépositaire de la sagesse divine, et Abú Dhar [nota : Premier croyant après ‘Alí. Ce berger illettré devint un disciple estimé de Muhammad], le berger, devint un prince des nations !

(31)
Ô Shaykh ! Ce jour n’est pas et n’a jamais été le jour où les arts et les sciences des hommes peuvent être considérés comme une juste norme pour eux, car il est démontré que celui qui en était totalement ignorant [nota : le Báb] a gravi le trône d’or le plus pur et occupé le siège d’honneur au conseil du savoir, alors que leur interprète et dépositaire reconnu [nota : Shaykh Muhammad Hasan-i-Najafí, mujtahid ennemi de la cause de Bahá’u’lláh et du Báb] en demeurait entièrement privé. Par « arts et sciences », nous entendons ici ceux qui commencent et se terminent par des mots. Toutefois, les arts et les sciences qui donnent de bons résultats, qui produisent des fruits et contribuent au bien-être et au confort des hommes, ont été et demeurent acceptables devant Dieu. Si tu prêtais l’oreille à ma voix, tu rejetterais toutes tes possessions et tournerais ton visage vers le point d’où surgit l’océan de sagesse et de parole et d’où soufflent les douces senteurs de la tendre bonté de ton Seigneur, le Compatissant.

(32)
À ce propos, nous jugeons bon de relater brièvement certains événements passés afin qu’ils servent à défendre la cause de l’équité et de la justice. À l’époque où Sa Majesté le Sháh - que Dieu, son Seigneur, le Très-Miséricordieux, l’assiste par sa grâce fortifiante - envisageait un voyage à Isfáhání [nota : importante cité du centre de la Perse], cet opprimé, ayant obtenu son autorisation, visita les saints et lumineux tombeaux des Imáms [nota : titre des douze successeurs chiites de Muhammad. Bahá’u’lláh fit ce pèlerinage à Karbilá en 1851 où se trouvent les tombeaux de deux Imáms] - que les bénédictions de Dieu soient sur eux !
À notre retour, nous nous rendîmes à Lavásán en raison de la chaleur excessive qui régnait dans la capitale. C’est après notre départ que survint l’attentat à la vie de Sa Majesté - que l’assiste Dieu, béni et glorifié soit-il ! Ce furent des jours troubles et les feux de la haine brûlèrent violemment. Nombreuses furent les personnes arrêtées et, parmi elles, cet opprimé. Par la justice de Dieu ! Nous n’étions aucunement mêlé à cet acte infâme et notre innocence fut indiscutablement établie par les tribunaux. Néanmoins, on nous arrêta et de Níyávarán [nota : village dans lequel se trouve une résidence royale à une dizaine de kms de Téhéran], qui était alors la résidence de Sa Majesté, l’on nous conduisit, à pied, enchaîné, tête et pieds nus, à la prison de Téhéran [nota : le Síyáh-Chál]. Le cavalier brutal qui nous accompagnait arracha notre toque tandis que nous étions entraînés précipitamment par une troupe de bourreaux et de policiers.
Pendant quatre mois, nous fûmes enfermés dans un lieu infect entre tous. Une fosse étroite et sombre eut été préférable au cul de basse-fosse où furent confinés cet opprimé et d’autres comme lui. À notre arrivée, nous fûmes conduits le long d’un corridor noir comme de l’encre, d’où nous descendîmes trois volées de marches raides pour arriver au lieu de confinement qui nous était assigné. L’endroit était plongé dans une profonde obscurité et le nombre de nos compagnons de prison avoisinait les cent cinquante : voleurs, assassins et brigands. Bien qu’il fût bondé, il ne comportait pas d’autre issue que le passage par lequel nous étions entrés. Aucune plume ne peut dépeindre ce lieu, aucune langue en décrire l’infâme puanteur. La plupart de ces prisonniers n’avaient ni vêtements ni couche sur laquelle reposer. Dieu seul sait ce qui nous advint en ce lieu empesté et lugubre entre tous !

(33)
Nuit et jour, tandis que nous étions confinés dans cette prison, nous méditions sur les actes, la condition et le comportement des bábís, nous demandant ce qui avait pu conduire ce peuple si généreux, si noble et d’une telle intelligence, à perpétrer un acte aussi téméraire et aussi monstrueux contre la personne de Sa Majesté. Alors cet opprimé décida qu’après sa libération, il se lèverait pour entreprendre, avec la plus extrême vigueur, la tâche de régénérer ce peuple.

(34)
Une nuit, en rêve, ces paroles exaltées parvinrent de tous côtés à nos oreilles : « En vérité, nous te rendrons victorieux par toi-même et par ta plume. Ne t’afflige point de ce qui t’est advenu, et ne crains point, car tu es en sécurité. Bientôt, Dieu produira les trésors de la terre : des hommes qui t’assisteront par toi-même et par ton nom grâce auquel Dieu a revivifié les coeurs de ceux qui l’ont reconnu ».

(35)
Et lorsque cet opprimé quitta sa prison, conformément à l’ordre de Sa Majesté le Sháh - qu’il soit protégé par Dieu, exalté soit-il - nous voyageâmes vers l’Irak, escorté par des officiers au service des gouvernements estimés et honorés de Perse et de Russie. Après notre arrivée, avec l’aide de Dieu et de sa divine miséricorde, nous révélâmes, telle une pluie abondante, nos versets que nous envoyâmes en diverses parties du monde. Nous exhortâmes tous les hommes et ce peuple en particulier, par nos sages conseils et nos affectueuses admonitions, leur interdisant de prendre part à des séditions, des querelles, des litiges et des conflits. En conséquence, et par la grâce de Dieu, obstination et déraison se transformèrent en piété et compréhension, et les armes devinrent des instruments de paix.

(36)
En ces jours où je gisais retenu dans la prison de Téhéran, alors que le fardeau des chaînes et l’air fétide ne me laissaient que peu de sommeil, il me semblait que, lors de rares instants d’assoupissement, quelque chose coulait du sommet de ma tête sur ma poitrine, comme un puissant torrent qui se précipite sur la terre de la cime d’une haute montagne. Chaque membre de mon corps en était embrasé. À de tels moments, ma langue récitait ce que nul homme ne pourrait supporter d’entendre.

(37)
Nous citerons à présent quelques passages, extraits d’écrits révélés spécialement pour ce peuple, afin que chacun soit assuré que cet opprimé a agi d’une manière acceptable pour les hommes perspicaces, justes et équitables.

(38)
Ô amis de Dieu dans ses cités et bien-aimés de Dieu sur ses terres ! Cet opprimé vous enjoint l’honnêteté et la piété. Bénie soit la cité qui brille de leurs lumières ! Par elles, l’homme est élevé et la porte de la sécurité s’ouvre à toute la création. Heureux l’homme qui s’attache à ces deux vertus et en reconnaît la valeur ! Malheur à celui qui en nie le rang !

(39)
Une autre fois, furent révélées les paroles suivantes : Nous enjoignons aux serviteurs de Dieu et à ses servantes la pureté et la crainte de Dieu, afin qu’ils secouent la torpeur de leurs désirs corrompus et se tournent vers Dieu, le Façonneur des cieux et de la terre. Ainsi en avons-nous ordonné aux fidèles lorsque l’Astre du monde est apparu à l’horizon de l’Irak. Mon emprisonnement ne me nuit point, pas plus que les tribulations endurées ni ce que m’ont affligé mes oppresseurs. Me blesse, la conduite de ceux qui portent mon Nom et provoquent par leurs actes les lamentations de mon coeur et de ma plume. En vérité, nous désavouons ceux qui propagent le désordre dans le pays, s’emparent des biens d’autrui et pénètrent dans une maison sans l’autorisation de son propriétaire, à moins qu’ils ne se repentent et ne retournent à Dieu, le Magnanime, le Très-Miséricordieux.

(40)
Et, en une autre occasion : Ô peuples de la terre ! Empressez-vous d’accomplir le bon plaisir de Dieu et guerroyez vaillamment, comme il vous incombe de le faire, afin de proclamer sa cause irrésistible et immuable. Nous avons décrété que la guerre sera menée sur le sentier de Dieu avec les armées de la sagesse, de la parole, de la bonté et des actions méritoires. Ainsi en a-t-il été décidé par celui qui est le Fort, le Tout-Puissant. Il n’est pas de gloire pour celui qui sème le désordre sur terre après qu’elle a été si bien faite. Craignez Dieu, ô peuples, et ne soyez pas de ceux qui agissent injustement.

(41)
En une autre occasion encore : Ne vous injuriez pas. En vérité, nous sommes venu pour unir et souder tout ce qui réside sur terre. En porte témoignage ce que l’océan de notre parole a révélé aux hommes et, pourtant, la plupart d’entre eux se sont égarés. Si quelqu’un vous injurie ou que des adversités vous affectent sur le chemin de Dieu, soyez patients et placez votre confiance en celui qui entend et qui voit. En vérité, il observe, perçoit et fait ce qui lui plaît, par le pouvoir de sa souveraineté. Il est vraiment le Seigneur de force et de puissance. Dans le Livre de Dieu, le Puissant, le Grand, il vous a été interdit de vous engager dans des querelles et des conflits. Attachez-vous fermement à tout ce qui vous profitera, à vous et aux peuples du monde. Ainsi vous commande le Roi de l’éternité qui est manifeste en son plus grand Nom. En vérité, il est l’Ordonnateur, le Très-Sage.

(42)
Et encore, en une autre occasion : Prenez garde de ne point verser le sang d’autrui. Tirez l’épée de votre langue du fourreau de la parole, vous pourrez ainsi conquérir les citadelles du coeur des hommes. Nous avons aboli la loi de la guerre sainte. En vérité, la miséricorde de Dieu a embrassé toutes choses créées, si seulement vous pouviez le comprendre !

(43)
Et, à nouveau : Ô peuple ! ne sème pas le désordre dans le pays, ne verse le sang de personne, n’utilise pas à tort les biens d’autrui, ne suis pas non plus n’importe quel maudit parleur.

(44)
Et, encore : Le soleil de la parole divine ne peut jamais se coucher ni son éclat être terni. En ce jour, ces paroles sublimes ont été entendues depuis l’Arbre divin [nota : Sadratu’l-Muntahá, jujubier de la limite (Coran, 53 : 14). Littéralement, l’arbre au-delà duquel il n’y a pas de passage. Nom d’un arbre planté par les Arabes, dans les temps très anciens, à l’extrémité d’une route et destiné à guider les voyageurs. Symbolise la Manifestation divine dans les écrits bahá’ís] au-delà duquel nul ne peut passer : « J’appartiens à celui qui m’aime, qui obéit à mes commandements et qui rejette ce qui lui a été interdit dans mon Livre ».

(45)
Et en une autre occasion : Le jour est venu de faire mention de Dieu, de célébrer sa louange et de le servir ; ne vous en privez point ! Vous êtes les lettres des mots et les mots du Livre. Vous êtes les jeunes pousses que la main de la tendre bonté a plantées dans le sol de la miséricorde et qui se sont épanouies sous les ondées de la munificence ; il vous a protégés des vents violents de l’incroyance et des tempêtes de l’impiété. Il vous a nourris des mains de sa tendre providence. À présent, il est temps pour vous de vous couvrir de feuilles et de donner vos fruits. Les fruits de l’homme sont, et ont toujours été, les bonnes actions et un caractère digne de louange. Ne privez point les insouciants de ces fruits. S’ils sont acceptés, votre but est atteint, ainsi que l’objectif de votre vie. S’ils sont refusés, que les disputes continuent à être leur passe-temps [voir : "Laisse-les ensuite s’amuser à discuter" (Coran, 6 : 91)]. Ô peuple de Dieu ! Luttez pour que les eaux de votre endurance et de votre tendre bonté purifient les coeurs des divers peuples de la terre et les sanctifient de l’animosité et de la haine, afin qu’ils deviennent de dignes et honorables réceptacles des splendeurs du Soleil de vérité.

(46)
Dans la quatrième Splendeur (Ishráq) de l’épître des Splendeurs (Ishráqát), nous avons mentionné : Toute cause a besoin d’aide. Dans cette révélation, les armées capables de la rendre victorieuse sont celles des actes louables et d’un caractère droit. Le commandant en chef de ces armées a toujours été la crainte de Dieu, une crainte qui englobe toutes choses et règne sur toutes choses.

(47)
Dans la troisième Effulgence (Tajallí) du livre des Effulgences (Tajallíyát), nous avons mentionné : Les arts, les métiers et les sciences enrichissent le monde de l’existence et contribuent à son exaltation. La science est comme des ailes pour la vie de l’homme et une échelle pour son ascension. Il incombe à chacun de l’acquérir. Néanmoins, il faudrait acquérir des sciences qui soient profitables aux peuples de la terre, et non celles qui commencent par des mots et finissent par des mots. Grand est le droit des savants et des artisans sur les peuples du monde. De ceci témoigne, de manière évidente, le Livre-Mère [nota : Kitáb-i-Aqdas, le Livre-Mère de la révélation bahá’íe ; signifie aussi le savoir divin].

(48)
Certes, la connaissance est pour l’homme un véritable trésor, une source de gloire, de générosité, de joie, d’exaltation, de réjouissance et d’allégresse. Heureux l’homme qui s’y attache et malheur à l’insouciant !

(49)
En toutes circonstances, il t’incombe d’inviter les hommes à manifester des qualités spirituelles et accomplir de bonnes actions, afin que tous prennent conscience de ce qui les élève et se dirigent, par des efforts intenses, vers le rang sublime et le pinacle de gloire. La crainte de Dieu a toujours été le facteur primordial de l’éducation de ses créatures. Heureux ceux qui y sont parvenus !

(50)
La première parole qu’a révélée la Plume d’Abhá [nota : La Plume du Très-Glorieux (voir note du verset 28)] et qu’elle a inscrite sur la première feuille du Paradis [nota :c’est une citation tirée de l’épître de Bahá’u’lláh intitulé « Paroles du paradis » et qui comporte onze sections numérotées, dont chacune est appelée une « feuille »] est la suivante : En vérité je le dis, la crainte de Dieu a toujours été une défense sûre et une forteresse solide pour tous les peuples du monde. C’est la cause principale de la protection de l’humanité et l’instrument suprême de sa préservation. Il existe en fait chez l’homme une faculté qui le détourne de tout ce qui est méprisable et indécent et l’en préserve : cette faculté, c’est le sentiment de honte [nota : la conscience morale]. Ce dernier cependant se limite à quelques-uns ; tous ne l’ont pas eu et ne l’ont pas. Il incombe aux rois et aux chefs spirituels du monde de s’attacher fermement à la religion, car c’est elle qui fait apparaître la crainte de Dieu en tout ce qui n’est pas Lui.

(51)
La deuxième parole que nous avons consignée sur la deuxième feuille du Paradis est la suivante : La Plume du Très-Haut [nota : Bahá’u’lláh (voir note du verset 28)] exhorte en ce moment les manifestations de l’autorité et les sources du pouvoir, c’est-à-dire les rois et dirigeants de la terre - que Dieu les assiste -, et leur enjoint de soutenir la cause de la religion et d’y adhérer. La religion est en vérité le principal instrument pour l’établissement de l’ordre dans le monde et de la tranquillité parmi ses peuples. L’affaiblissement des piliers de la religion a fortifié les insensés, les a enhardis et rendus plus arrogants. En vérité, je le dis : plus grand est le déclin de la religion, plus affligeante est l’obstination de l’impie. Ceci ne peut mener finalement qu’au chaos et à la confusion. Écoutez-moi, ô hommes d’intuition, et soyez avertis, vous qui êtes dotés de discernement !

(52)
Nous espérons que tu prêteras attention à ce que nous avons mentionné afin que tu parviennes à détourner les hommes de ce qu’ils possèdent pour les amener à se tourner vers ce que possède Dieu. Nous supplions Dieu de délivrer la lumière d’équité et le soleil de justice des épais nuages de la rébellion, et de les faire briller sur les hommes. Aucune lumière ne peut être comparée à la lumière de la justice. C’est d’elle que dépendent l’établissement de l’ordre dans le monde et la tranquillité des nations.

(53)
Dans le Livre de la Parole, ces mots sublimes furent consignés. Dis : Ô amis ! Luttez pour que ne s’avèrent point vaines les tribulations que cet Opprimé et vous-mêmes avez subies dans le chemin de Dieu. Accrochez-vous au pan de la vertu et tenez-vous solidement à la corde de la loyauté et de la piété. Préoccupez-vous de ce qui profitera à l’humanité et non de vos désirs égoïstes et corrompus. Ô disciples de cet opprimé ! Vous êtes les bergers du genre humain ; délivrez vos troupeaux des loups des passions et des désirs funestes, et parez-les de l’ornement de la crainte de Dieu. Ceci est le ferme commandement qui, en cet instant, émane de la plume de celui qui est l’Ancien des jours. Par la justice de Dieu ! L’épée d’un caractère vertueux, d’une conduite probe, est plus tranchante qu’une lame d’acier. La voix de la vraie foi appelle, en cet instant, et dit : Ô peuple ! En vérité, le jour est venu où mon Seigneur m’a fait briller d’une lumière dont la splendeur a éclipsé les Soleils de la parole [nota : Bayán, dans le texte original]. Craignez le Miséricordieux et ne soyez pas de ceux qui se sont égarés.

(54)
Voici la troisième parole que nous avons consignée sur la troisième feuille du Paradis : Ô fils de l’homme ! Si tes yeux sont tournés vers la miséricorde, renonce à ce qui te profite et attache-toi à ce qui profitera à l’humanité. Et si tes yeux sont tournés vers la justice, choisis pour ton voisin ce que tu aurais choisi pour toi-même. L’humilité exalte l’homme jusqu’aux cieux de la gloire et de la puissance, alors que l’orgueil l’abaisse vers les profondeurs de la misère et de la déchéance. Grand est ce jour et puissant cet appel ! Dans une de nos épîtres nous avons révélé ces paroles exaltées : « Si le monde de l’esprit devait être complètement transformé en sens de l’ouïe, il pourrait alors prétendre être digne d’écouter cette voix qui appelle de l’horizon suprême ; car sans cela, ces oreilles souillées par des histoires mensongères n’ont jamais été et ne seront jamais aptes à l’entendre ». Heureux ceux qui écoutent, et malheur aux obstinés !

(55)
Prions Dieu - exaltée soit sa gloire - dans l’espoir qu’il daigne assister les rois de la terre, manifestations de richesse et de pouvoir, aurores de souveraineté et de gloire, afin qu’ils établissent la moindre paix [nota : la paix politique que les nations établiront grâce à leurs propres efforts et qui n’englobe pas tous les aspects de la vie humaine. Se distingue de la plus grande paix]. Que Dieu les aide par sa grâce fortifiante ! Cette paix est le meilleur moyen pour assurer la tranquillité des nations. Il incombe aux souverains du monde - que Dieu les assiste - de s’y attacher fermement dans l’unité, car elle est le principal instrument de la protection de l’humanité tout entière. Nous espérons qu’ils se lèveront pour réaliser ce qui contribuera au bien-être de l’homme. Il est de leur devoir de réunir une assemblée mondiale à laquelle ils assisteront en personne ou délégueront leurs ministres, et de mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires à l’établissement de l’unité et de la concorde parmi les hommes.
Ils doivent rejeter les armes de guerre et se tourner vers les instruments de la reconstruction universelle. Si un roi se lève contre un autre, tous les autres devront s’unir pour l’en empêcher. Ainsi, leurs armes et leurs armements ne seront utiles que dans la mesure où le nécessitera la sécurité interne de leurs pays respectifs. S’ils parviennent à ce bien suprême, les citoyens de chaque nation poursuivront leurs occupations avec tranquillité et satisfaction, et les gémissements et lamentations de la plupart d’entre eux cesseront. Nous supplions Dieu de les aider à agir selon sa volonté et son bon plaisir. En vérité, il est le Seigneur du trône d’en-haut et de la terre ici-bas, le Seigneur de ce monde et du monde à venir. Il serait préférable et plus approprié que leurs Altesses, les rois, participent personnellement à une telle assemblée et promulguent leurs édits. Tout roi qui se lève et accomplit cette tâche deviendra, devant Dieu, le point de mire de tous les rois. Qu’il est heureux et que sa félicité est grande !

(56)
Dans cette région, une folle terreur s’empare de la population chaque fois que des hommes sont mobilisés dans l’armée. Les ministres de la guerre de chaque nation, insatiables dans leur désir d’ajouter de nouvelles recrues à leurs bataillons, accroissent leurs forces annuellement. Nous avons été informé que le gouvernement de Perse - que Dieu l’assiste - a également décidé de renforcer son armée. Selon l’opinion de cet opprimé, une force de cent mille hommes parfaitement équipés et bien disciplinés devrait suffire. Nous espérons que, par toi, la lumière de la justice brillera avec plus d’éclat. Par la droiture de Dieu ! La justice est une force puissante. Avant tout, elle conquiert les citadelles des coeurs et des âmes, révèle les secrets du monde de l’existence et porte les étendards de l’amour et de la générosité.

(57)
Dans les trésors de la connaissance de Dieu gît, caché, un savoir [nota : selon Shoghi Effendi, ce savoir n’a pas été révélé] qui éliminera en grande partie la peur, lorsqu’il sera appliqué. Toutefois, ce savoir devrait être enseigné dès l’enfance, car il contribuerait grandement à cette élimination. Tout ce qui diminue la peur accroît le courage. Si Dieu le voulait, un long commentaire sur ce qui vient d’être exposé coulerait de la plume du divin Interprète et révélerait ce qui renouvellerait le monde et les nations dans le domaine des arts et des sciences. De même, une parole fut inscrite et consignée par la Plume du Très-Haut dans le Livre vermeil [nota : le Livre de l’alliance de Bahá’u’lláh. Voir Dieu passe près de nous, Bruxelles, Maison d’éditions bahá’íes, 1976, p. 228], parole capable de libérer totalement la force qui est cachée en l’homme, voire d’en redoubler la puissance. Nous implorons Dieu - exalté et glorifié soit-il - de daigner aider ses serviteurs à faire ce qui lui plaît et lui est agréable.

(58)
À présent, les ennemis nous encerclent de toute part et attisent le feu de la haine. Ô peuples de la terre ! Par ma vie et par la vôtre ! Cet opprimé n’a jamais désiré et ne désire toujours pas le pouvoir. Mon but a toujours été - et est encore - de supprimer tout ce qui est source de conflit entre les peuples de la terre et de séparation entre les nations, afin que les hommes soient préservés de tout attachement terrestre et rendus libres de s’occuper de leurs propres intérêts. Nous supplions nos bien-aimés de ne pas souiller le pan de notre vêtement par la poussière de la duplicité. Qu’ils ne se permettent aucune allusion à ce qu’ils ont considéré comme des miracles et des prodiges dans le but de rabaisser notre rang et notre condition, ni ne ternissent la pureté et la sainteté de notre nom !

(59)
Dieu de grâce et de compassion ! Voici venu le jour où les gens avisés devraient solliciter l’avis de cet opprimé et demander à celui qui est la vérité ce qui contribue à la gloire et à la tranquillité des hommes. Et pourtant, ils s’efforcent tous avec ardeur d’éteindre cette glorieuse et brillante lumière, et cherchent diligemment à établir notre culpabilité ou à élever des objections à notre encontre. Ils en sont arrivés à dénaturer grossièrement la conduite de cet opprimé à bien des égards et d’une manière qu’il serait inconvenant de mentionner. L’un de nos amis a relaté qu’il avait eu le regret d’entendre l’un des habitants de la grande cité [nota : Constantinople], affirmer que, chaque année, une somme de cinquante mille túmáns était envoyée de son pays natal à Acre ! [nota : la ville-prison vers laquelle Bahá’u’lláh fut finalement exilé. Il y arriva le 31 août 1868. Elle fut appelée Saint Jean d’Acre par les croisés] Toutefois, il n’a pas été clairement établi qui avait déboursé cette somme ni par quelles mains elle était passée !

(60)
Bref, face à tout ce qui lui advint entre leurs mains et tout ce qui fut dit de lui, cet opprimé souffrit patiemment et garda le silence. Par la tendre sollicitude de Dieu - exaltée soit sa gloire - et par sa miséricorde qui surpasse toutes choses, notre intention est d’éliminer par la force de notre parole, tout conflit, toute guerre et tout bain de sang de la surface de la terre.
En toutes circonstances, quoi qu’on ait dit, nous avons souffert avec la patience qui convient et nous nous en sommes remis à Dieu. Pourtant, à cette accusation particulière, nous avons répondu : « Si son affirmation est vraie, il lui faut être reconnaissant envers le Seigneur de toute existence, le Roi du visible et de l’invisible, d’avoir suscité en Perse un être qui, bien que prisonnier et privé de toute aide et assistance, a réussi à établir son ascendant sur ce pays et à en retirer un revenu annuel. Une telle réalisation devrait être louée plutôt que censurée, s’il est de ceux qui jugent avec équité. Mais si quelqu’un désire s’informer de la situation de cet opprimé, qu’il sache que ces prisonniers, persécutés par le monde, lésés par les nations, furent, durant des jours et des nuits, entièrement privés des moyens de subsistance les plus élémentaires ». Nous répugnons à mentionner de telles choses et n’avons jamais eu - ni n’avons pas davantage à présent - le désir de nous plaindre de notre accusateur.
À l’intérieur des murs de cette prison, un homme très respectable fut obligé, pendant quelque temps, de tailler des pierres pour gagner sa vie, alors que d’autres avaient parfois à se nourrir de cette divine nourriture qu’est la faim ! Nous supplions Dieu - qu’il soit exalté et glorifié - d’aider tous les hommes à être justes et équitables, et de leur accorder la grâce de se repentir et de retourner à lui. En vérité, il entend et il est prêt à répondre.

(61)
Glorifié sois-tu, ô Seigneur mon Dieu ! Tu vois ce qui est advenu à cet opprimé livré aux mains de ceux qui l’ont rejeté et qui se sont levés pour lui nuire et l’avilir d’une manière qu’aucune plume ne peut décrire, aucune langue relater, aucun écrit supporter. Tu entends le cri de son coeur, le gémissement de son être le plus profond et tu sais ce que firent endurer aux fidèles de tes cités et aux élus de ton pays ceux qui ont brisé ton alliance et ton pacte. Ô mon Seigneur, par les soupirs de tes adorateurs à travers le monde, par leurs lamentations pour être éloignés de la cour de ta présence, par le sang versé pour l’amour de toi et par les coeurs brisés sur ton chemin, je te supplie de protéger tes bien-aimés de la cruauté de ceux qui restent ignorants des mystères de ton nom, l’Indépendant. Ô mon Seigneur ! Assiste-les, par ton pouvoir qui prévaut sur toutes choses, et aide-les à être patients et endurants. Tu es le Puissant, le Fort, le Généreux. Il n’est pas d’autre Dieu que Toi, le Munificent, le Seigneur de grâce abondante.

(62)
Loin d’être justes et équitables, certains m’attaquent à présent avec l’épée de la haine et la lance de l’inimitié ; ils oublient qu’il sied à toute personne impartiale de secourir celui que le monde a rejeté et que les nations ont abandonné, et qu’il faut cultiver la piété et la droiture. À ce jour, la plupart des hommes n’ont pu percer le dessein de cet opprimé et n’ont pu comprendre pourquoi il a consenti à endurer tant d’afflictions. En attendant, la voix de son coeur crie ces mots : « Oh ! Si mon peuple savait ! » Cet opprimé, détaché de toute chose, profère ces paroles suprêmes : « Des vagues entourent l’arche de Dieu, le Secours, l’Absolu. Ne crains point les vents tempétueux, ô marin ! Celui par qui l’aube se lève est avec toi dans cette obscurité qui sème la terreur dans les coeurs de tous les hommes à l’exception de ceux qu’il plut à Dieu, le Tout-Puissant, l’Indépendant, d’épargner ».

(63)
Ô Shaykh ! Je jure par le Soleil de vérité qui se lève et brille au-dessus de l’horizon de cette prison ! Le seul but de cet opprimé est de rendre le monde meilleur. De ceci porte témoignage tout homme de jugement, de discernement, de perspicacité et de compréhension. Bien qu’affligé d’épreuves, il s’attache fermement à la corde de la patience et de la fortitude ; content de son sort aux mains de ses ennemis, il s’écrie : « J’ai renoncé à mon désir pour ton désir, ô mon Dieu, et à ma volonté pour la révélation de ta volonté. Par ta gloire ! Je ne veux être et ne veux vivre que pour servir ta cause, et je n’aime ma personne que pour la sacrifier dans ton chemin.
Ô mon Seigneur ! Tu vois et tu sais que ceux auxquels nous avions demandé d’être justes et équitables se sont, injustement et cruellement, levés contre nous. Publiquement, ils étaient avec moi mais, secrètement, ils aidaient les ennemis qui se sont levés pour me déshonorer.
Ô Dieu, mon Dieu ! Je témoigne que tu as créé tes serviteurs pour assister ta cause et exalter ta parole ; et pourtant, ils ont aidé tes ennemis. Par ta cause qui englobe le monde de l’existence et par ton nom qui soumet le visible et l’invisible, je te supplie de parer les peuples de la terre de la lumière de ta justice et d’illuminer leur coeur de l’éclat de ta connaissance. Ô mon Seigneur ! Je suis ton serviteur et le fils de ton serviteur. Je témoigne de ton unité, de ton unicité, de la sainteté de ton être et de la pureté de ton essence.
Ô mon Seigneur ! Tu vois tes fidèles à la merci des perfides et des calomniateurs parmi ton peuple. Tu sais ce qui nous est advenu aux mains de ceux que tu connais mieux que nous. Leurs actes ont déchiré le voile [nota : Ndt : Bahá’u’lláh fait souvent référence au voile qui peut avoir plusieurs significations : tantôt il s’agit du voile des vaines imaginations humaines, tantôt il s’agit du voile qui sépare le sacré du profane. Cette ambiguïté qui se trouve dans le texte originel, a été maintenue dans la traduction] pour les créatures proches de toi. Je te supplie de les aider à obtenir ce qui leur a échappé à l’aube de ta révélation et à l’orient de ton inspiration. Tu as le pouvoir de faire ce qui te plaît et en tes mains sont les rênes de tout ce qui est au ciel et sur la terre. » La voix plaintive de la vraie foi s’est élevée. Elle s’écrie : « Ô peuple ! Par la justice de Dieu, je suis parvenue auprès de celui qui m’a manifestée et m’a envoyée sur terre. Voici le jour où le Sinaï sourit à celui qui y conversa, le Carmel à celui qui le révéla et le Sadrah [nota : Sadratu’l-Muntahá, voir note du verset 44] à celui qui l’enseigna. Craignez Dieu et ne soyez pas de ceux qui l’ont renié. Ne vous privez pas de ce qui fut révélé par sa grâce. Au nom de votre Seigneur, le Seigneur de tous les noms, prenez les eaux vives de l’immortalité et buvez en souvenir de celui qui est le Puissant, l’Incomparable ».

(64)
En toutes circonstances, nous enjoignons aux hommes ce qui est bien et leur interdisons ce qui est mal. Celui qui est le Seigneur de l’existence est témoin que cet opprimé a demandé à Dieu, pour ses créatures, tout ce qui contribue à instaurer l’unité et l’harmonie, l’amitié et la concorde. Par la justice de Dieu ! Cet opprimé est incapable de dissimulation. En vérité, il a révélé ce qu’il désirait. En vérité, il est le Seigneur de force, l’Indépendant.

(65)
Nous nous référons à nouveau à certaines des paroles sublimes révélées dans l’épître à Sa Majesté le Sháh, afin que tu saches avec certitude, que tout ce qui fut mentionné émanait de Dieu :
Ô Roi ! Je n’étais qu’un homme comme les autres, endormi sur ma couche, lorsque les brises du Très-Glorieux soufflèrent sur moi et me donnèrent la connaissance de tout ce qui fut. Ceci n’est pas de moi mais de celui qui est tout-puissant et omniscient. Il m’ordonna d’élever la voix entre ciel et terre, et pour cela, il m’advint ce qui fait couler les larmes de tout homme d’entendement. Le savoir courant parmi les hommes, je ne l’ai pas étudié ; leurs écoles, je ne les ai pas fréquentées. Informe-toi dans la ville où j’habitais, afin d’être assuré que je ne suis pas de ceux qui mentent. Je ne suis qu’une feuille agitée par les vents de la volonté de ton Seigneur, le Tout-Puissant, le Magnifié. Peut-elle rester immobile lorsque soufflent les vents tempétueux ? Non, par le Seigneur de tous les noms et attributs ! Ils la secouent comme ils veulent. L’éphémère n’est que néant face à l’Éternel. J’ai entendu ses admonitions impérieuses ; elles m’ont amené à célébrer sa louange parmi tous les hommes. En vérité, j’étais comme mort lorsque son ordre fut proféré. La main de la volonté de ton Seigneur, le Compatissant, le Miséricordieux, m’a transformé. Quelqu’un pourrait-il, de lui-même, proférer ce qui lui attirera l’hostilité des hommes, petits et grands ? Non - par celui qui enseigna à la Plume les mystères éternels - s’il n’est pas fortifié par la grâce du Tout-Puissant, de l’Omnipotent.

(66)
Ô Roi ! Considère cet opprimé avec justice, et juge impartialement ce qui lui est advenu. Il est vrai que, par sa volonté, Dieu a fait de toi son ombre parmi les hommes et le signe de son pouvoir pour ceux qui vivent sur la terre. Juge entre nous et ceux qui nous ont opprimé sans preuve et sans livre probant. Ceux qui t’entourent t’aiment dans leur propre intérêt, alors que cet Adolescent t’aime pour toi-même. Il n’a d’autre désir que de t’attirer vers le siège de la grâce et de t’amener vers la droite de la justice. Ton Seigneur est témoin de ce que je déclare.

(67)
Ô Roi ! Si tu tendais l’oreille au crissement de la Plume de gloire et au roucoulement de la Colombe d’éternité qui, sur les branches de l’Arbre sacré au-delà duquel il n’est point de passage [nota : référence au Sadratu’l-Muntahá. Voir note du verset 44], chante les louanges de Dieu, l’Auteur de tous les noms et le Créateur de la terre et du ciel, tu atteindrais un rang d’où tu ne verrais, dans le monde créé, que la splendeur de l’Adoré. Alors ta souveraineté t’apparaîtrait comme le plus méprisable de tes biens ; tu l’abandonnerais à celui qui la désire et te tournerais vers l’horizon embrasé par la lumière de sa face. Tu ne voudrais plus jamais supporter le fardeau de la souveraineté, sauf pour soutenir ton Seigneur, le Très-Haut, le Suprême. Alors l’assemblée céleste te bénirait. Ô combien merveilleux serait ce rang sublime, si tu pouvais l’atteindre par la puissance d’une souveraineté que tu reconnaîtrais comme provenant du Nom de Dieu !

(68)
Tu as dit - ou était-ce quelqu’un d’autre ? : « Que la Sourate de Tawhíd [voir : sourate 112 : L’unité] soit traduite, afin que tous sachent et soient totalement persuadés que le seul vrai Dieu n’engendre point, et qu’il n’est point engendré. Or, les bábís croient en sa divinité » [nota : celle de Bahá’u’lláh].

(69)
Ô Shaykh ! Cette condition est celle où l’on meurt à soi-même et où l’on vit en Dieu. Toutes les fois que je la mentionne, la divinité indique mon effacement complet et absolu. Dans cette condition, je n’exerce aucun contrôle ni sur mon bonheur, ni sur mon malheur, ni sur ma vie, ni sur ma résurrection.

(70)
Ô Shaykh ! Comment les religieux d’aujourd’hui expliquent-ils la gloire resplendissante que le Sadrah de la parole a répandue sur le fils de ‘Imrán [nota : Moïse] au Sinaï de la connaissance divine ? Il écouta la parole qu’avait prononcée le Buisson ardent et l’accepta ; et pourtant, la plupart des hommes sont privés du pouvoir de comprendre cela, car ils sont soucieux de leurs propres affaires et ne sont pas conscients de ce qui appartient à Dieu. Se référant à ce qui précède, le Siyyid de Findirisk [nota : célèbre poète et penseur persan, plus connu sous le nom de Mír-Abu’l Qásim-i-Findiriski (décédé vers 1640)] a dit à juste titre : « Ce thème, aucun esprit mortel ne peut le saisir, fût-ce celui d’Abú-Nasr [nota : Hájí Abú-Nasr Farabí, le fameux moraliste, philosophe et écrivain persan qui vécut au quatrième siècle de l’Hégire] ou d’Abú-‘Alí Síná [nota : Avicenne (980-1037)] «. Quelle explication peuvent-ils donner à ce qu’a dit le Sceau des prophètes [nota : titre donné à Muhammad dans le Coran (33, 40)] - que les âmes de tout autre que lui soient sacrifiées par amour pour lui : « En vérité, vous contemplerez votre Seigneur comme vous contemplez la pleine lune dans la quatorzième nuit » ? Le Commandeur des croyants [nota : Imám ‘Alí] - que la paix soit sur lui - a dit, d’autre part, dans le Khutbiy-i-Ṭutunjíyyih [nota : titre d’un sermon prononcé par l’Imám ‘Alí, commenté par Siyyid Kazim Rashtí] : « Préparez-vous à la révélation de celui qui, du buisson ardent sur le mont Sinaï, a conversé avec Moïse. » Husayn [nota : le troisième Imám des Chiites, fils de ‘Alí (an 61 après l’Hégire)], le fils de ‘Alí, - que la paix soit sur lui - a dit, de même : « Y a-t-il une révélation qui ne t’a pas été accordée et qui le sera à un autre que toi - une révélation dont le révélateur sera celui qui t’a révélé ? Aveugle, l’oeil qui ne te voit point ! »

(71)
Des paroles similaires émanant des Imáms - que les bénédictions de Dieu soient sur eux - ont été consignées ; elles sont de notoriété publique et figurent dans des ouvrages dignes de foi. Béni soit celui qui perçoit et qui dit la pure vérité. Bienheureux celui qui, aidé par les eaux vives de la parole du Désir de tous les hommes, s’est purifié des chimères et des imaginations vaines, a déchiré les voiles du doute au nom du Possesseur de toutes choses, le Très-Haut, a renoncé au monde et à tout ce qu’il renferme et s’est dirigé vers la plus grande Prison [nota : la prison d’Acre].

(72)
Ô Shaykh ! Aucune brise ne peut se comparer aux brises de la révélation divine, alors que la parole proférée par Dieu brille et étincelle, tel le soleil, parmi les livres des hommes. Heureux qui la découvre, la reconnaît et dit : « Loué sois-tu, Toi qui es le Désir du monde, et grâce te soit rendue, ô Bien-Aimé des coeurs de ceux qui te sont consacrés ! »

(73)
Les hommes n’ont pas su comprendre notre intention dans nos références à la divinité. S’ils devaient la comprendre, ils se lèveraient de leurs sièges et s’écrieraient : « En vérité, nous sollicitons le pardon de Dieu ! » Le Sceau des Prophètes - que soit offerte pour son amour toute âme autre que la sienne - dit : « Multiples sont nos relations avec Dieu. Parfois, nous sommes lui-même et il est nous-mêmes ; et, parfois, il est ce qu’il est et nous sommes ce que nous sommes [nota : Hadith] ».

(74)
Par ailleurs, comment se fait-il que tu n’aies pas mentionné ces autres conditions qu’a révélées la Plume d’Abhá ? [nota : La Plume du Très-Glorieux (voir note du verset 28)] Maintes et maintes fois, de jour comme de nuit, la langue de cet opprimé a exprimé ces sublimes paroles : « Ô Dieu, mon Dieu ! Je témoigne de ton unité et de ton unicité ; que tu es Dieu et qu’il n’est pas d’autre Dieu que Toi. Tu es de toute éternité sanctifié par-delà la mention et la louange de tout autre que toi, et tu continueras de toute éternité à être celui que tu es et as toujours été depuis le commencement. Ô Roi de l’Éternité ! Par le plus grand Nom, par les splendeurs du Soleil de ta révélation sur le Sinaï de la parole et par les flots de l’océan de ta connaissance parmi toutes choses créées, je te supplie de daigner m’assister pour que je me rapproche de toi et me détache de tout ce qui n’est pas toi. Par ta gloire, ô Seigneur de toute existence et désir de toute création, j’aimerais poser mon visage sur chaque point de ta terre afin qu’il soit honoré d’avoir touché un lieu ennobli par les pas de tes bien-aimés ! »

(75)
Par la justice de Dieu ! Les vaines imaginations ont éloigné les hommes de l’horizon de la certitude et les ont privés du vin choisi et scellé. En vérité, je dis et je déclare pour l’amour de Dieu : ce serviteur, cet opprimé ose à peine revendiquer pour lui une existence quelle qu’elle soit ; à plus forte raison, des degrés supérieurs d’existence ! Tout homme de discernement marchant sur cette terre se sent décontenancé, car il est pleinement conscient que la source de sa prospérité, de sa richesse, de sa puissance, de sa grandeur, de son avancement et de son pouvoir est le sol même que foulent les pieds de tous les hommes, ainsi que Dieu l’a ordonné. Quiconque connaît cette vérité est sans aucun doute purifié et sanctifié de tout orgueil, arrogance et vanité. Tout ce qui a été dit émane de Dieu. En vérité, il en a porté et en porte à présent témoignage ; il est, en vérité, l’Omniscient, l’Informé.

(76)
Supplie Dieu d’accorder aux hommes une oreille attentive, une vue perçante, un coeur réceptif et empli d’amour afin que ses serviteurs parviennent à celui que leur coeur désire et tournent leur visage vers leur Bien-Aimé. Des malheurs tels que nul oeil n’en vit jamais frappèrent cet opprimé. Il n’hésita jamais à proclamer sa cause. En s’adressant aux rois et aux dirigeants de la terre - que Dieu, exalté soit-il, les assiste - il leur transmit ce qui est la source du bien-être, de l’unité, de l’harmonie, de la reconstruction du monde et de la tranquillité des nations. Parmi eux, Napoléon III aurait fait, semble-t-il, une certaine déclaration qui nous incita à lui envoyer notre épître, alors que nous résidions à Andrinople. Il n’y répondit pas. Après notre arrivée dans la plus grande Prison, nous parvint une lettre de son ministre, dont la première partie était rédigée en persan et la dernière écrite de sa propre main. Dans cette lettre, il écrivait en termes cordiaux : « Sur votre demande, j’ai remis votre lettre et n’ai reçu aucune réponse à ce jour. Néanmoins, nous avons fait les recommandations nécessaires à notre ambassadeur à Constantinople et à nos consuls dans ces régions. Informez-nous de ce que vous désirez et nous le réaliserons. »

(77)
Comme ces mots l’indiquent, il comprenait que le but de ce serviteur était de solliciter une aide matérielle. C’est pourquoi nous révélâmes en son nom [nota : Napoléon III] dans la Súratu’l-Haykal [nota : épître de Bahá’u’lláh qui précède les épîtres aux Rois. Le tout fut écrit sous la forme d’une étoile à cinq branches, le symbole de l’être humain], des versets dont nous citons à présent quelques extraits, afin que tu saches que la cause de cet opprimé fut révélée pour l’amour de Dieu, et qu’elle émanait de lui :

(78)
Ô roi de Paris ! Dis aux prêtres de ne plus faire sonner les cloches. Par Dieu, le Vrai ! L’appel le plus puissant est lancé sous l’aspect de celui qui est le plus grand Nom et les doigts de la volonté de ton Seigneur, le Suprême, le Sublime, le font claironner en son Nom, le Tout-Glorieux, au ciel de l’immortalité. Ainsi, une fois encore sont descendus sur toi les puissants versets de ton Seigneur, afin que tu te lèves pour mentionner Dieu, le créateur de la terre et du ciel, en ces jours où gémissent toutes les tribus de la terre, où sont secouées les fondations des cités et où la poussière de l’irréligion enveloppe tous les hommes sauf ceux qu’il plait à Dieu, l’Omniscient, le Sage, d’épargner. Dis : Celui qui est l’Indépendant est venu sur les nuées de lumière pour vivifier toutes choses créées par les brises de son Nom, le Très-Miséricordieux, pour unifier le monde et rassembler tous les hommes autour de cette table descendue du ciel. Garde-toi de refuser la grâce de Dieu qui t’est envoyée. Elle est meilleure pour toi que tout ce que tu possèdes, car tes biens périront, tandis que ce qui vient de Dieu durera. En vérité, il ordonne ce qui lui plaît. Les brises du pardon soufflent, venant de ton seigneur, le Dieu de miséricorde ; quiconque se tourne vers elles sera purifié de ses péchés, de toute souffrance et de toute maladie. Heureux celui qui se tourne vers elles et malheur à qui s’en écarte !

(79)
Si tu tendais ton oreille intérieure vers toutes les choses créées, tu entendrais : « L’Ancien des jours est apparu dans sa grande gloire ! » Tout célèbre la louange de son Seigneur. Certains ont connu Dieu et le mentionnent, d’autres le mentionnent bien qu’ils ne le connaissent pas. Ainsi avons-nous consigné notre décret dans une épître manifeste.

(80)
Ô Souverain ! Écoute la voix venant du feu allumé dans cet arbre verdoyant, sur ce Sinaï élevé au-dessus du lieu consacré et blanc comme neige, dominant la cité éternelle : « Certes, il n’est pas d’autre Dieu que Moi, le Magnanime, le Très-Miséricordieux. » En vérité, nous avons envoyé celui que nous avons soutenu par le Saint-Esprit [nota : Jésus] afin qu’il vous annonce cette Lumière qui a brillé de l’horizon de la volonté de votre Seigneur, le Suprême, le Tout-Glorieux, dont les signes se sont manifestés en Occident. Tournez vos visages vers lui [nota : Bahá’u’lláh] en ce jour que Dieu a exalté au-dessus de tous les autres et où l’infiniment Miséricordieux a répandu la splendeur de sa gloire rayonnante sur tous ceux qui sont au ciel et tous ceux qui sont sur terre. Lève-toi pour servir Dieu et soutenir sa cause. Il t’aidera assurément par les armées du visible et de l’invisible, et fera de toi le roi de tout ce qu’éclaire le soleil. En vérité, ton Seigneur est le Tout-Puissant, l’Omnipotent.

(81)
Les brises du Très-Miséricordieux passent sur toutes choses créées ; heureux l’homme qui découvre leur parfum et qui, d’un coeur pur, se dirige vers elles. Orne ton temple de la parure de mon nom, ta parole de mon souvenir et ton coeur de ton amour pour moi, le Tout-Puissant, le Très-Haut. Nous ne désirons pour toi que ce qui surpasse ce que tu possèdes et les trésors de la terre. Ton Seigneur est assurément celui qui sait, l’Informé. Lève-toi en mon Nom, parmi mes serviteurs, et dis : « Ô vous, peuples de la terre ! Tournez-vous vers celui qui s’est tourné vers vous. En vérité, il est la face de Dieu parmi vous ; il est son témoignage et votre guide. Il est venu vers vous avec des signes qu’il est seul à produire. » La voix du Buisson ardent retentit au centre du monde et le Saint-Esprit annonce aux nations : « Voyez ! Le Promis est venu avec un pouvoir évident ».

(82)
Ô Roi ! Les astres du ciel de la connaissance sont tombés, ceux qui cherchent à établir par leurs propres arguments la vérité de ma cause et qui font mention de Dieu en mon nom. Pourtant, quand je me suis présenté, glorieux, devant eux, ils se sont détournés. Ne sont-ils pas parmi les déchus ? C’est bien ce que l’Esprit de Dieu [nota : Jésus] annonça quand il vint vous proclamer la vérité, lui que les docteurs juifs contestèrent, au point de provoquer les lamentations du Saint-Esprit et faire couler les larmes de ceux qui sont proches de Dieu.

(83)
Dis : Ô assemblée de moines ! Ne vous isolez pas dans vos églises et vos cloîtres. Avec ma permission, quittez-les et consacrez-vous à ce qui profite aux autres et à vous-mêmes. Ainsi vous l’ordonne le Seigneur du jour du jugement. Retirez-vous dans la forteresse de mon amour. C’est la retraite qui vous convient si vous pouviez le savoir ! Est mort celui qui s’isole dans sa demeure. Il incombe aux hommes d’agir pour le bien de l’humanité. Celui qui ne produit aucun fruit est bon à jeter au feu. Ainsi vous exhorte votre Seigneur. Il est le Tout-Puissant, le Généreux. Mariez-vous afin qu’après vous, un autre se lève à votre suite. Nous vous avons interdit la luxure et non ce qui contribue à la fidélité. Etes-vous esclaves des penchants de votre nature et rejetez-vous les lois de Dieu ! Craignez Dieu et ne soyez pas insensés. Qui, sinon les hommes, me mentionneront sur terre ! Comment mes attributs et mes noms seront-ils révélés ! Réfléchissez et ne laissez pas un voile vous séparer de lui ni un profond sommeil vous envahir. Celui qui ne s’est pas marié [nota : Jésus] ne trouva pas d’endroit où demeurer ni où poser la tête à cause des agissements des perfides. Sa Sainteté n’était pas ce que vous avez cru et imaginé, mais plutôt ce qui nous appartient. Demandez à comprendre son rang qui est magnifié au-dessus des vaines imaginations des peuples de la terre. Heureux ceux qui comprennent !

(84)
Ô Roi ! Nous avons entendu ta réponse au Tsar de Russie concernant la décision de guerre [nota : guerre de Crimée]. Certes, ton Seigneur est informé de tout ; il sait. Tu as dit : « J’étais endormi sur ma couche quand les cris des opprimés qu’on noyait dans la Mer Noire m’ont réveillé. » Voilà ce que nous t’avons entendu dire ; en vérité, Dieu m’est témoin ! Nous attestons que tu n’as pas été réveillé par leurs cris, mais par l’impulsion de tes passions. Nous t’avons mis à l’épreuve et nous t’avons pris en défaut.
Comprends le sens de nos propos et sois clairvoyant. Par égard au rang que nous t’avons conféré en ce monde mortel, nous ne souhaitons pas t’adresser des paroles de blâme. Nous préférons la courtoisie, nous en avons fait le signe de ceux qui sont proches de lui. La courtoisie est réellement le vêtement qui sied à tous, jeunes ou vieux. Heureux celui qui en pare son temple et malheur à celui qui est privé de cette munificence. Si tu avais parlé avec sincérité, tu n’aurais pas rejeté le Livre de Dieu lorsque le Tout-Puissant, le Très-Sage te l’a envoyé. Par lui, nous t’avons éprouvé et ne t’avons pas trouvé tel que tu le prétendais.
Lève-toi et fais amende honorable pour ce qui t’a échappé. Bientôt, le monde et tout ce que tu possèdes périront, mais le Royaume appartiendra toujours à Dieu, ton Seigneur et le Seigneur de tes pères. Il ne convient pas que tu gères tes affaires selon les exigences de tes désirs. Redoute les lamentations de cet opprimé et protège-le des traits des fauteurs d’injustice.


(85)
Pour ce que tu as fait, ton royaume sera jeté dans la confusion ; en punition de tes actes, ton empire t’échappera. Tu comprendras alors à quel point tu t’es égaré. Dans ton pays, l’agitation s’emparera du peuple, à moins que tu ne te lèves pour soutenir cette Cause et ne suives dans ce droit chemin celui qui est l’Esprit de Dieu [nota : Jésus]. Ton faste t’a-t-il enorgueilli ? Par ma vie, il ne durera pas ! Et même, il disparaîtra bientôt, à moins que tu ne saisisses fermement cette corde solide. Nous voyons l’humiliation te menacer, et toi, tu restes insouciant. Dès que tu entends sa voix appeler du siège de gloire, il t’appartient d’abandonner tout ce que tu possèdes et de t’écrier : « Me voici, ô Seigneur de tout ce qui est sur la terre comme au ciel ! »

(86)
Ô Roi ! Nous étions en Irak quand vint l’heure de la séparation. Sur l’ordre du roi de l’islam [nota : le sultan de Turquie], nous nous dirigeâmes vers son pays. Dès notre arrivée, les méchants nous firent subir ce que les livres ne pourront jamais raconter fidèlement. C’est alors que se lamentèrent les habitants du paradis et ceux qui demeurent dans les retraites sacrées. Malgré cela, un voile épais enveloppe toujours les hommes !

(87)
En outre, nous avons dit : De jour en jour, que dis-je, d’heure en heure, notre pénible situation s’aggrava jusqu’au moment où l’on mit fin à notre réclusion [nota : le bannissement à Andrinople] pour nous enfermer, avec une injustice flagrante, dans la plus grande Prison. Et lorsque quelqu’un leur demandait : « Pour quel crime sont-ils emprisonnés ? », ils répondaient : « Ils ont cherché à remplacer la Foi par une nouvelle religion. » Si vous préférez ce qui est ancien, pourquoi avez-vous renoncé à ce qui fut envoyé dans la Torah et dans l’Évangile ? Expliquez cela, ô peuples ! Par ma vie ! Pour vous, il n’y a pas d’échappatoire en ce jour. Si c’est cela mon crime, alors Muhammad, l’Apôtre de Dieu, l’a commis avant moi et, avant lui, l’Esprit de Dieu [nota : Jésus] et, précédemment, Celui qui conversa avec Dieu [nota : Moïse]. Et si mon péché est d’avoir exalté la parole de Dieu et d’avoir révélé sa cause, alors je suis vraiment le plus grand des pécheurs ! Un tel péché, je ne l’échangerais pas contre les royaumes du ciel et de la terre.

(88)
Ailleurs, nous avons dit : À mesure que mes épreuves se multipliaient, mon amour pour Dieu et pour sa cause grandissait ; aussi, tout ce que m’infligeaient les rebelles ne pouvait me détourner de mon but. Qu’ils m’enfouissent dans les profondeurs de la terre, ils me trouveront voguant au-dessus des nuages, invoquant Dieu, le Seigneur fort et puissant ! J’ai offert ma vie dans le chemin de Dieu et aspire aux épreuves associées à mon amour pour lui et à son bon plaisir. En témoignent les maux qui m’affligent à présent, et qu’aucun autre mortel n’a jamais subis. Chacun de mes cheveux proclame le message qu’a proféré le Buisson ardent sur le Sinaï et chaque veine de mon corps invoque Dieu en ces termes : « Que n’ai-je été déchirée sur ton chemin afin que le monde soit revivifié et tous ses peuples unis ! » Ainsi en a décrété l’Omniscient, l’Informé !

(89)
Sache que tes sujets sont un dépôt que Dieu t’a confié. Aussi, veille sur eux comme sur toi-même. Prends garde et ne laisse pas les loups devenir les pasteurs du troupeau. Que ni l’orgueil ni la vanité ne t’empêchent de te soucier des pauvres et des affligés. En mon Nom, lève-toi au-dessus de l’horizon du renoncement, puis tourne-toi vers le Royaume au commandement de ton Seigneur, le Fort et le Puissant.

(90)
Ailleurs, nous avons dit : Pare ton royaume du vêtement de mon nom et lève-toi pour enseigner ma cause. Cela est mieux pour toi que tout ce que tu possèdes. Et Dieu exaltera ton nom parmi tous les rois. Il a le pouvoir sur toutes choses. Marche parmi les hommes au nom de Dieu et de son pouvoir, afin de manifester ses signes aux peuples de la terre.

(91)
Ailleurs, nous avons dit : Comment pouvez-vous vous réclamer du Dieu de miséricorde et commettre ce qu’a commis le Malin ? Non ! Par la beauté du Très-Glorifié ! Si seulement vous le saviez ! Purifiez votre coeur de l’attachement au monde, votre langue de la calomnie et vos membres de tout ce qui vous empêche de vous approcher de Dieu, le Puissant, le Magnifié. Dis : par « monde », nous entendons ce qui vous détourne de l’Orient de la révélation et vous pousse vers ce qui ne vous profite pas. En vérité, ce qui vous détourne de Dieu en ce jour, c’est par essence l’attachement aux biens de ce monde. Evitez-le et approchez-vous de la Vision sublime, cet Orient brillant et resplendissant. Ne versez le sang de personne, ô peuple, et ne jugez personne injustement. Ainsi vous l’ordonne l’Omniscient, l’Informé. Ceux qui provoquent des désordres dans un pays où l’ordre règne transgressent les limites fixées dans le Livre. Misérable sera la demeure des transgresseurs !

(92)
Ailleurs, nous avons dit : Traitez avec loyauté les biens de votre prochain. Soyez dignes de confiance ici-bas et ne privez pas les pauvres de ce que la grâce de Dieu vous a donné. En vérité, il vous accordera le double de ce que vous possédez. Il est vraiment le Très-Généreux, le Munificent. Ô peuple de Bahá ! Soumettez la citadelle des coeurs par les épées de la sagesse et de la parole. Un voile évident enveloppe ceux qui se disputent, mus par leurs désirs. Dis : L’épée de la sagesse est plus brûlante que la chaleur de l’été et plus aiguisée que des lames d’acier, si vous pouviez le comprendre ! Tirez-la en mon nom et par mon pouvoir ; avec elle, conquérez la cité du coeur de ceux qui se sont retranchés dans la forteresse de leurs désirs corrompus. Ainsi vous l’ordonne la Plume du Très-Glorieux, tandis qu’elle est menacée par les épées des rebelles. Si vous avez connaissance d’un péché commis par autrui, n’en soufflez mot afin que Dieu cache votre propre péché. En vérité, il est le Discret, le Seigneur de grâce abondante. Ô vous, les riches de la terre ! Si vous rencontrez un pauvre, ne le traitez pas avec dédain. Réfléchissez : de quoi fûtes-vous créés ? Tous, vous l’avez été d’un misérable germe.

(93)
Ailleurs, nous avons dit : Considérez le monde comme le corps d’un être affligé de maux divers dont la guérison dépend de l’agencement harmonieux de tous ses éléments. Rassemblez-vous autour de ce que nous avons prescrit et ne marchez pas sur les traces des séditieux. Méditez sur le monde et sur la condition de ses habitants. Celui pour lequel fut créé le monde a été emprisonné dans la plus désolée des cités [nota : Acre] par suite des actes de ses adversaires acharnés. De l’horizon de cette ville-prison, il appelle l’humanité à l’aurore de Dieu, le Très-Haut, le Suprême. Exultes-tu de posséder des trésors, tout en sachant qu’ils périront ? Te réjouis-tu de régner sur un arpent de terre alors que, pour le peuple de Bahá, le monde entier n’a pas plus de valeur que la pupille d’une fourmi morte ? Laisse-le à ceux qui l’aiment et tourne-toi vers celui qui est le désir du monde. Que sont devenus les orgueilleux et leurs palais ? Regarde dans leurs tombes et prends exemple sur cette leçon que nous donnons à tous ceux qui observent. Si les brises de la révélation te saisissaient, tu fuirais le monde pour te diriger vers le Royaume et tu dépenserais tout ce que tu possèdes pour te rapprocher de cette Vision sublime.

(94)
Nous chargeâmes un chrétien [nota : César Ketfagou, fils d’un consul de France en Syrie] d’expédier cette épître. Il nous informa qu’il en avait transmis l’original et la traduction. Dieu, le Tout-Puissant, l’Omniscient, a connaissance de toutes choses.

(95)
L’une des parties de la Súratu’l-Haykal est l’épître adressée à Sa Majesté le Tsar de Russie - que Dieu, le Suprême, le Glorifié, lui accorde son aide !

(96)
Ô Tsar de Russie ! Écoute la voix de Dieu, le Roi, le Saint, et tourne-toi vers le paradis où demeure celui qui, dans le concours céleste, porte les titres les plus parfaits et qui, dans le royaume de la création, est appelé par le nom de Dieu, le Resplendissant, le Très-Glorieux. Prends garde que tes désirs ne t’empêchent de tourner ton visage vers ton Seigneur, le Compatissant, le Très-Miséricordieux. Nous avons entendu la supplique que tu as adressée en secret à ton Seigneur. Aussi, les brises de ma tendre bonté ont soufflé, la mer de ma miséricorde s’est soulevée et nous t’avons répondu en toute sincérité. Ton Seigneur est, en vérité, l’Omniscient, le Très-Sage. Alors que je gisais, chargé de chaînes et de fers, dans la prison de Téhéran, un de tes ministres m’a offert son aide. C’est pourquoi Dieu t’a réservé un rang que nul autre que lui ne peut comprendre. Prends garde de ne pas aliéner cette sublime condition.

(97)
Ailleurs, nous avons dit : Celui qui est le Père est venu, et le Fils [nota : Jésus] s’écrie dans la sainte vallée : « Me voici, me voici, ô Seigneur mon Dieu ! », tandis que le Sinaï fait le tour de la demeure et que le Buisson ardent annonce à haute voix : « Le Très-Généreux est venu, chevauchant les nuages. Béni celui qui s’approche de lui et malheur à ceux qui restent éloignés ! »

(98)
Lève-toi parmi les hommes au nom de cette cause irrésistible et appelle les nations à Dieu, le Puissant, le Grand. Ne sois pas de ceux qui invoquèrent Dieu par l’un de ses noms pour le renier, s’en détourner et le condamner avec une évidente injustice lorsque parut celui qui est l’objet de tous les noms. Réfléchis et rappelle-toi les jours où vint l’Esprit de Dieu [nota : Jésus], où Hérode rendit son verdict contre lui. Mais Dieu le secourut par les armées de l’invisible, le protégea en vérité et l’envoya dans un autre pays comme il l’avait promis. En vérité, il ordonne ce qui lui plaît. Certes, ton Seigneur protège qui il veut, tant au coeur de l’océan que dans la gueule du dragon ou sous l’épée de l’oppresseur.

(99)
Ailleurs, nous avons dit : Entends ma voix s’élever de la prison pour t’annoncer ce que ma beauté endura à cause des manifestations de ma gloire [nota : les rois] et pour te faire savoir combien grande fut ma patience malgré ma puissance et immense ma longanimité malgré mon pouvoir. Par ma vie ! Si tu savais ce que ma plume a révélé, si tu découvrais les trésors de ma cause et les perles des mystères cachés au fond des océans de mes noms ainsi que dans les coupes de mes paroles, tu sacrifierais ta vie sur le chemin de Dieu et languirais d’entrer dans son royaume sublime et glorieux. Bien que mon corps soit sous les épées de mes ennemis et mes membres frappés d’innombrables afflictions, sache que mon esprit est rempli d’une allégresse sans comparaison avec les joies de la terre.

(100)
De même, mentionnons quelques versets de l’épître à Sa Majesté la Reine [nota : la Reine Victoria] - que Dieu l’assiste, exalté et glorifié soit-il ! - Nous souhaitons que les brises de la révélation soufflent sur toi et t’incitent, uniquement par amour pour Dieu, à te lever et à servir sa cause ; et que tu transmettes aux rois les épîtres qui pourraient ne pas leur avoir été remises. Cette mission est une grande mission et ce service, un grand service. Dans ces contrées, nombreux sont les religieux distingués dont ces siyyids célèbres [nota : ces Siyyids n’ont pas pu être identifiés] pour leur éminence et leur distinction. Converse avec eux et montre-leur ce qui a coulé de la Plume de gloire [nota : la « Plume de gloire » désigne Bahá’u’lláh (voir note du verset 28)] afin qu’ils bénéficient de l’aide divine pour améliorer la condition du monde et régénérer le caractère des peuples des différentes nations ; afin que, par les eaux vives des conseils de Dieu, ils éteignent la haine et l’animosité qui couvent cachées dans le coeur des hommes. Nous prions Dieu que tu sois aidée ; en vérité, cela ne lui serait pas difficile.

(101)
Ô Reine de Londres ! Ecoute l’appel de ton Seigneur, le Seigneur de l’humanité, qui, de l’Arbre divin, proclame : « En vérité, il n’est pas d’autre Dieu que Moi, le Tout-Puissant, le Très-Sage ! » Renonce à tout ce qui est sur terre et couronne la tête de ton royaume de la mention de ton Seigneur, le Très-Glorieux. Certes, il est venu en ce monde dans sa gloire suprême et tout ce qui est mentionné dans l’Evangile a été accompli. Les pas du Seigneur, le Seigneur de tous les hommes, ont honoré la terre de Syrie, et sa présence a enivré le Nord et le Sud. Béni celui qui respire le parfum du Très-Miséricordieux en cette aube resplendissante et se tourne vers l’Orient de sa beauté. La mosquée El Aqsá [nota : mosquée construite sur l’emplacement du Temple à Jérusalem] frémit sous les brises de son Seigneur, le Très-Glorieux, et Bathá [nota : La Mecque] tremble à la voix de Dieu, l’Eminent, le Très-Haut. Chacune de leurs pierres loue le Seigneur par ce grand Nom.

(102)
Ailleurs, nous avons dit : Nous te mentionnons pour l’amour de Dieu et nous désirons que Dieu, le créateur du ciel et de la terre, se souvienne de toi et magnifie ton nom. En vérité, il est témoin de mes paroles. Nous avons appris que tu as interdit le commerce des esclaves, hommes et femmes. En vérité, c’est ce que Dieu recommande dans cette merveilleuse révélation. Pour cela, il t’a certainement réservé une récompense. Il rétribuera en toute équité celui qui fait le bien, homme ou femme ; agis donc selon les exhortations de celui qui est l’Omniscient, l’Informé. Quant à celui qui s’enorgueillit et se détourne du Dispensateur des signes après les avoir clairement reçus, Dieu réduira son oeuvre à néant. Certes, il a pouvoir sur toutes choses. Les actes d’un homme ne sont acceptables que s’il a reconnu la Manifestation de Dieu. Quiconque se détourne de celui qui est la Vérité fait partie des créatures les plus voilées. Ainsi en a décrété le Fort, le Tout-Puissant.

(103)
Nous avons également appris que tu as confié les rênes du gouvernement aux représentants du peuple. Tu as certes bien agi ; ainsi, les bases de toutes tes affaires seront renforcées et le coeur de tous tes sujets, petits et grands, sera rassuré. Il convient néanmoins que ces représentants soient dignes de confiance et soient comptés parmi ses serviteurs, qu’ils se considèrent comme les délégués de tous les habitants de la terre. Tel est le conseil que donne, dans cette épître, celui qui est le Souverain, le Très-Sage. Et quand l’un de ces parlementaires entre dans l’assemblée, qu’il tourne son regard vers l’Horizon suprême et dise : « Ô mon Dieu ! Je te demande, par ton nom le plus glorieux, de m’aider à rendre prospères les affaires de tes serviteurs et florissantes tes cités. Tu as, en vérité, pouvoir sur toutes choses ! » Béni celui qui, pour l’amour de Dieu, participe à cette assemblée et rend une justice parfaite entre les hommes. En réalité, il fait partie des bienheureux.

(104)
Ô membres du Parlement de ce pays [nota : le Parlement britannique] et des assemblées des autres pays ! Délibérez entre vous et, si vous êtes vigilants, préoccupez-vous surtout de ce qui profite à l’humanité et améliore sa condition. Considérez le monde comme un corps humain créé complet et parfait que des causes diverses ont affligé de graves maladies et désordres. Il ne connait aucun jour de répit ! Au contraire, sa maladie s’aggrave sous le traitement de médecins ignorants qui donnent libre cours à leurs désirs personnels et se trompent cruellement. Même si un membre de ce corps était guéri grâce aux soins d’un médecin compétent, le reste n’en demeurait pas moins affecté comme auparavant. Ainsi vous informe l’Omniscient, le Très-Sage. Nous le voyons aujourd’hui à la merci de dirigeants si enivrés d’orgueil qu’ils ne peuvent discerner clairement où réside leur avantage, encore moins reconnaître une révélation si déroutante et pleine de défis.

(105)
Ailleurs, nous avons dit : Ce que Dieu a ordonné comme le souverain remède et l’instrument le plus puissant pour la guérison du monde est l’union de tous ses peuples en une cause universelle, une foi commune. Ceci ne peut être réalisé que par le pouvoir d’un médecin compétent, tout-puissant et inspiré. Par ma vie ! Telle est la vérité, et tout le reste n’est qu’erreur. Chaque fois que vint cet instrument tout puissant, que brilla la lumière de la Source antique, des médecins ignorants lui firent obstacle en s’interposant, tels des nuages, entre le monde et lui. Aussi le monde ne s’est-il pas rétabli et sa maladie a-t-elle persisté jusqu’à ce jour. En vérité, ces médecins ignorants ont été incapables de le protéger ou de prescrire un traitement, et leurs actes ont empêché celui qui est la manifestation du Pouvoir parmi les hommes d’atteindre son but.

(106)
Considère les jours où la Beauté antique est apparue dans le plus grand Nom pour revivifier le monde et unir ses peuples. Pourtant, ils brandirent contre lui leurs épées tranchantes et leurs actes suscitèrent les lamentations de l’Esprit fidèle. Ils finirent par l’emprisonner dans la plus désolée des cités et brisèrent l’étreinte des fidèles accrochés aux pans de son vêtement. Si quelqu’un leur disait : « Le réformateur du monde est venu », ils répondaient : « Il est prouvé qu’il n’est qu’un séditieux », alors qu’ils ne l’ont jamais fréquenté et ont admis qu’il n’a jamais cherché à se protéger un seul instant. Il fut continuellement à la merci des méchants. Ils le jetèrent d’abord en prison, puis le bannirent avant de l’exiler d’un pays à l’autre. Ainsi nous ont-ils condamné. Dieu, en vérité, sait ce que je dis.

(107)
Cette accusation de sédition fut jadis portée par les pharaons d’Égypte contre l’Interlocuteur de Dieu [nota : Moïse]. Lis ce que le Très-Miséricordieux a révélé dans le Coran. Béni et glorifié soit-il, lui qui dit : Nous avons envoyé Moïse avec nos signes et un pouvoir incontestable à Pharaon, à Hámán [nota : premier ministre du Pharaon] et à Qárún. Ils dirent : « C’est un sorcier, imposteur. » Pharaon dit : « Laissez-moi tuer Moïse ! Qu’il invoque donc son Seigneur ! Je crains qu’il n’altère votre religion et qu’il ne sème la corruption sur la terre. » Moïse dit : « Je cherche la protection de mon Seigneur et votre Seigneur contre tout orgueilleux qui ne croit pas au Jour du Jugement » [voir : Coran, 40 : 23-27].

(108)
De tout temps, les hommes ont jugé séditieux chaque réformateur universel et l’ont traité en termes que nous connaissons tous. Chaque fois que le Soleil de la révélation divine répandit son éclat depuis l’horizon de la volonté de Dieu, des hommes en grand nombre le renièrent, d’autres se détournèrent de lui, d’autres encore le calomnièrent. Ils ont ainsi privé les serviteurs de Dieu de la tendre providence du Roi de la création. De même, ceux qui, en ce jour, n’ont point rencontré cet opprimé et ne l’ont pas fréquenté, ne cessent de dire et de répéter ce que tu as entendu et que tu entends encore. Dis : « Ô peuple ! En ce jour, le Soleil de la parole darde ses rayons à l’horizon de la générosité, et l’éclat de la révélation de celui qui parla au Sinaï scintille face à toutes les religions. Purifiez et sanctifiez vos âmes, vos coeurs, vos oreilles et vos yeux par les eaux vives de la parole du Très-Miséricordieux, puis tournez-vous vers lui. Par la justice de Dieu ! Vous entendrez toutes choses proclamer : En vérité, Lui, le Véritable, est venu. Bénis ceux qui jugent avec équité, bénis ceux qui se tournent vers lui ! »

(109)
Parmi les choses qu’ils attribuèrent à l’Arbre divin [nota : Bahá’u’lláh] se trouvent de fausses accusations que dénoncent tout savant informé et tout coeur sage et éclairé. Tu as sans doute étudié les versets envoyés ici-bas à propos de l’Interlocuteur de Dieu [nota : Moïse].
Béni et glorifié soit-il, lui qui révèle : Pharaon dit : « Ne t’avons-nous pas élevé chez nous, tout enfant ? N’as-tu pas passé avec nous plusieurs années de ta vie ? Puis tu as commis l’acte que tu as commis et tu es un ingrat. » Moïse dit : « Je l’ai commis alors que j’étais au nombre des égarés. Je me suis enfui, parce que j’avais peur de vous. Mon Seigneur m’a accordé la sagesse et m’a placé au nombre des prophètes » [voir : Coran, 26 : 18 et suivants].
Béni et glorifié soit-il ! Lui qui dit par ailleurs : Moïse entra dans la ville à l’insu de ses habitants. Il y trouva deux hommes qui se battaient : un de ses partisans et un de ses adversaires. Celui qui était de son parti demanda son aide contre celui qui était au nombre de ses ennemis. Moïse lui donna un coup de poing et le tua. Il dit : « Voici une oeuvre du Démon : c’est un ennemi qui égare les hommes « Il dit : « Ô mon Seigneur ! Je me suis fait du tort à moi-même, pardonne-moi. » Dieu lui pardonna, il est, en vérité, celui qui pardonne, il est le Miséricordieux. Moïse dit : « Mon Seigneur Grâce aux bienfaits dont tu m’as comblé, je ne serai jamais l’allié des criminels. » Il se trouvait dans la ville, le lendemain matin, inquiet et regardant de tous côtés, lorsque celui qui, la veille, lui avait demandé secours l’appela à grands cris. Moïse lui dit : « Tu es manifestement égaré ! » Mais lorsqu’il voulut porter un coup à leur ennemi commun, celui-ci dit : « Ô Moïse ! Veux-tu me tuer comme l’homme que tu as tué hier ? Tu veux n’être qu’un tyran dans la terre, tu ne veux pas être au nombre des réformateurs. » [voir : Coran, sourate 28 : 14 et suivants]
Maintenant, il te faut une intelligence et une vue saintes et pures pour t’attacher à la justice et à l’équité. D’autant que Moïse lui-même reconnut son injustice ainsi que son égarement et confessa que la peur s’était emparée de lui, l’incitant à la transgression et à la fuite. Il demanda à Dieu - que sa gloire soit exaltée - de lui pardonner, et il fut pardonné.

(110)
Ô Shaykh ! Chaque fois que Dieu, le Véritable - exaltée soit sa gloire - s’est révélé en la personne de sa Manifestation, il est venu parmi les hommes avec l’étendard de : « Il fait ce qu’il veut et ordonne ce qui lui plaît. » Nul n’a le droit d’en demander les raisons sauf à se détourner de Dieu, le Seigneur des seigneurs. Au Jour de chaque manifestation, cela se reproduit de manière évidente. De même, ils ont répandu à propos de cet opprimé des calomnies dont les proches de Dieu et ceux qui lui sont dévoués ont dénoncé et dénoncent toujours la fausseté. Par la justice de Dieu ! Son manteau demeure immaculé en dépit des nombreux détracteurs qui tentent encore de le salir par leurs calomnies inconvenantes. Dieu sait, eux ne savent pas. Par la puissance et le pouvoir de Dieu, il s’est levé devant les peuples de la terre, appelant les multitudes vers l’Horizon suprême. Ils l’ont rejeté et préférèrent s’attacher à des hommes à jamais cachés derrière des voiles et préoccupés de leur propre protection. Nombreux sont encore ceux qui cherchent à propager mensonges et calomnies, et qui n’ont d’autre but que d’instiller la méfiance dans le coeur et l’âme des hommes. Dès que quelqu’un quitte la grande cité [nota : Constantinople] pour visiter ce pays, ils télégraphient aussitôt qu’il a volé de l’argent et fui vers Acre. Vers la fin de sa vie, un savant distingué et cultivé [nota : Hájí Mírzá Siyyid Hasan Afnán, surnommé Afnán-i-Kabír (le grand Afnán)] visita la Terre sainte, cherchant paix et retraite ; ce qu’ils écrivirent à son sujet fit gémir les proches de Dieu et ceux qui lui sont dévoués.

(111)
Feu son Excellence Mírzá Husayn Khán, Mushíru’d-Dawlih [nota : ambassadeur de Perse à Constantinople ; c’est par son influence que Bahá’u’lláh fut transféré de Bagdad à Constantinople (voir Dieu passe près de nous, op. cit., pp.138 et 150)] - que Dieu lui pardonne - a connu cet opprimé. Il a sans aucun doute fourni aux autorités un rapport circonstancié sur l’arrivée de cet opprimé à la sublime Porte [nota : Constantinople], ainsi que sur ses paroles et ses actes. Le jour de notre arrivée, le représentant du gouvernement chargé de recevoir les visiteurs officiels nous accueillit et nous escorta vers le lieu désigné. En vérité, le gouvernement fit preuve de la courtoisie et de la considération les plus grandes à l’égard de ces opprimés. Le lendemain, le Prince Shujá’u’d-Dawlih [nota : prince persan attaché à l’ambassade d’Istanbul durant le règne du sultan ‘Abdu’l-Azíz], accompagné de Mírzá Safá [nota : Hájí Mírzá Hasan-i-Safá, complice de Mírzá Husayn Khán, et qui fut l’ennemi de Bahá’u’lláh à Constantinople], tous deux représentant feu l’ambassadeur Mushíru’d-Dawlih, le Ministre accrédité à la cour impériale, vinrent nous rendre visite. Il en fut de même pour plusieurs ministres du gouvernement impérial, dont feu Kamál Páshá. Entièrement confiant en Dieu et sans jamais exprimer le moindre besoin ni la moindre difficulté, cet opprimé séjourna pendant quatre mois dans cette cité [nota : Constantinople]. Tous ont pu voir clairement ses actes ; nul ne saurait les nier, sauf ceux qui le haïssent et ne disent pas la vérité. Celui qui a reconnu Dieu ne reconnaît nul autre que Lui. Nous n’aimons pas faire mention de ces choses.

(112)
Chaque fois que de hauts dignitaires persans arrivaient dans cette cité, ils frappaient à toutes les portes et se donnaient le plus grand mal pour solliciter des allocations et des dons. Si cet opprimé n’a rien fait pour contribuer à la gloire de la Perse, au moins n’a-t-il rien fait pour la déshonorer. Feue Son Excellence - que Dieu exalte sa condition - n’a nullement agi par amitié pour cet opprimé, mais plutôt par sagacité et désir secret de servir son gouvernement [nota : en ne laissant pas aux Turcs le soin d’offrir l’hospitalité à Bahá’u’lláh, il rendait service à la Perse et sauvegardait la dignité de son roi]. J’atteste que la malhonnêteté, qu’il méprisait souverainement, ne joua aucun rôle dans ses activités, tellement il était fidèle à son gouvernement. C’est pourtant lui qui fut responsable de la réclusion de ces opprimés dans la plus grande Prison [nota : Acre]. Toutefois, il mérite nos éloges car il fit preuve de fidélité dans l’accomplissement de sa tâche. Cet opprimé s’est efforcé de servir et de promouvoir en tout temps les intérêts du gouvernement et du peuple, et non d’exalter sa propre condition. Aujourd’hui, des personnes ont constitué un groupe pour diffamer cet opprimé. Lui, néanmoins, supplie Dieu - béni et glorifié soit-il - de les aider à retourner à lui, à racheter leur manque de discernement, et à se repentir au seuil de sa générosité. En vérité, il est le Clément, le Miséricordieux.

(113)
Ô Shaykh ! En vérité, ma plume se lamente sur mon sort et mon épître pleure amèrement sur ce qui m’est advenu par la faute de celui [nota : Mírzá Yahyá] que nous avons protégé pendant des années et qui, jour et nuit, a servi à mes côtés, jusqu’à ce qu’il soit induit en erreur par l’un de mes serviteurs appelé Siyyid Muhammad [nota : Siyyid Muhammad Isfahání incita Mírzá Yahyá à se rebeller contre Bahá’u’lláh]. En témoignent les pieux serviteurs qui m’ont accompagné en exil de Bagdad jusqu’à cette plus grande Prison. Là, tous deux m’infligèrent ce pour quoi se lamente le savant, gémit le connaisseur et pleure le juste.

(114)
Nous prions Dieu d’aider les égarés à être justes et équitables, et de les rendre conscients de leur négligence. En vérité, il est le Très-Généreux, le Munificent. Ô mon Seigneur ! Ne refuse pas à tes serviteurs la porte de ta grâce et ne les chasse point de la cour de ta présence. Aide-les à dissiper les brumes des vaines imaginations et à déchirer les voiles des chimères et des faux espoirs. Tu es, en vérité, Celui qui possède tout, le Très-Haut. Il n’est pas d’autre Dieu que Toi, le Tout-Puissant, le Miséricordieux !

(115)
Je le jure par le Soleil du divin témoignage qui est apparu à l’horizon de la certitude ! Nuit et jour, cet opprimé s’est attaché à édifier les âmes des hommes, jusqu’à ce que la lumière de la connaissance prévale sur les ténèbres de l’ignorance.

(116)
Ô Shaykh ! Comme je l’ai déclaré à maintes et maintes reprises, je réaffirme que, par la grâce et la volonté irrésistible de Dieu, nous avons accordé pendant près de quarante ans à Sa Majesté le Sháh - que Dieu daigne l’assister - une aide que tout représentant de la justice et de l’équité considérerait comme incontestable et totale. Nul ne peut le nier, à moins d’être un transgresseur et un pécheur, à moins de nous haïr ou de douter de notre vérité.
Comme c’est étrange ! Jusqu’à présent, les ministres de l’État et les représentants du peuple n’ont pas compris la valeur d’un service aussi évident et aussi indéniable ; s’ils en ont eu connaissance, ils ont choisi, pour des raisons personnelles, de sciemment l’ignorer. Il y a quarante ans régnaient en permanence controverses et conflits qui tourmentaient les serviteurs de Dieu. Mais depuis, aidés par les armées de la sagesse, de la parole, de l’exhortation et de la compréhension, ils se sont accrochés fermement à la corde de la patience et au pan resplendissant de la fortitude. Ainsi, ce peuple maltraité endura avec ténacité tout ce qui lui advint et s’en remit entièrement à Dieu. Et pourtant, dans le Mázindarán [nota : province du nord de la Perse] et à Rasht [nota : ville de la province de Gilán, dans le nord de la Perse], un grand nombre d’entre eux furent affreusement tourmentés. Parmi ces derniers figurait Hájí Nasir [nota : de Qazvín ; un marchand dont le nom complet était Hájí Muhammad-Nasir; il fut martyrisé à Rasht en 1300 après l’Hégire (1882-83 après J.C.)] qui était, sans conteste, une brillante lumière à l’horizon de la résignation. Après l’avoir martyrisé, on lui arracha les yeux, on lui coupa le nez, puis on lui infligea de telles indignités que des étrangers pleurèrent et se lamentèrent ; ces derniers collectèrent secrètement des fonds pour soutenir sa femme et ses enfants.

(117)
Ô Shaykh ! Ma plume est atterrée par le récit de ce qui s’est passé. Au pays de Sád [nota : Isfahán], le feu de la tyrannie brûla d’une flamme si ardente que tous les justes gémirent. Par ta vie ! Les cités du savoir et de l’entendement versèrent de telles larmes que les âmes pieuses et craignant Dieu en furent consternées. Hasan et Husayn [nota : deux frères, citoyens riches et honorés d’Isfahán; tous deux Siyyids, ils furent martyrisés comme bahá’ís, à la demande de l’Imám-jum’ih de cette ville, Mír Muhammad Husayn, le « Serpent » (successeur, à ce poste, de son frère Mír Siyyid Muhammad qui donna son amitié au Báb, voir la Chronique de Nabíl, Bruxelles, Maison d’éditions bahá’íes, 1986). Avec « Le Loup », Shaykh Muhammad Báqir, il persécuta les bahá’ís et causa la mort de Mírzá Muhammad Hasan et de Mírzá Muhammad Husayn (respectivement le roi et le bien-aimé des martyrs)], ces deux brillantes lumières, offrirent spontanément leur vie dans cette ville. Ni la fortune, ni la richesse, ni la gloire ne purent les en dissuader ! Dieu sait ce qui leur advint et, pourtant, la plupart l’ignorent !

(118)
Avant eux, un nommé Kázim [nota : Mullá Kázim, martyrisé à Isfahán. (voir Edward G. Browne, A Traveller’s Narrative, Amsterdam, Philo Press, 1975, note de la p. 400)] et ses compagnons et, après eux, le très honoré Ashraf [nota : Áqá Mírzá Ashraf, d’Ábádih, martyrisé à Isfahán en octobre 1888], burent tous à la coupe du martyre avec une ferveur et un désir extrêmes ; ils se hâtèrent vers le Compagnon suprême. De même, au temps de Sardár ‘Azíz Khán [nota : il était présent à Zanján lors de l’attaque des bábís par les troupes du Sháh. (Voir A Traveller’s Narrative, op. cit., note en p.181). Au cours de son mandat de gouverneur de Tabríz, plusieurs croyants furent exécutés dans cette ville], le pieux Mírzá Mustafá [nota : de Naráq ; l’un des disciples du Báb, qui fut exécuté à Tabríz (voir ‘Abdu’l-Bahá, Memorials of the Faithful, Wilmette, Illinois, Bahá’í Publishing Trust, 1971, pp. 148-150)] et ses compagnons de martyre furent arrêtés et envoyés vers l’Ami suprême, vers le très-glorieux Horizon. Bref, dans chaque cité, les preuves d’une tyrannie sans égale étaient indubitablement claires et manifestes ; pourtant, nul ne se leva pour se défendre ! Rappelle-toi du glorieux Badí [nota : “Le merveilleux” ; Áqá Buzurg du Khurásán, porteur de l’épître au Sháh (voir : Dieu passe près de nous, op. cit., p.191)], qui porta l’épître à Sa Majesté le Sháh, et réfléchis à la manière dont il sacrifia sa vie. Ce chevalier qui éperonna son destrier dans l’arène de la renonciation, jeta à terre la précieuse couronne de la vie pour l’amour de l’incomparable Ami.

(119)
Ô Shaykh ! Si l’on nie de telles choses, que jugera-t-on digne de foi ? Fais éclater la vérité pour l’amour de Dieu, et ne sois pas de ceux qui se taisent. On arrêta l’honorable Najaf-‘Alí [nota : l’un des 44 survivants de Zanján qui furent amenés à Téhéran où ils furent tous exécutés sauf Najaf-‘Alí, dont un officier eut pitié. Quelques années plus tard, toutefois, il fut à nouveau arrêté et décapité (voir : “Dieu passe près de nous”, p. 169)] qui, avec ravissement et désir ardent, se hâta vers le champ du martyre en prononçant ces paroles : « Nous avons reçu tout à la fois Bahá et le khún-bahá ! » [nota : jeu de mots entre Bahá (arabe), Bahá’u’lláh, et khún-bahá (persan), le prix du sang] Sur ces mots, il rendit l’âme. Médite sur la splendeur et la gloire répandues par la lumière du détachement qui brille du coeur exalté de Mullá ‘Alí-Ján [nota : croyant du Mázindarán, martyrisé à Téhéran (voir : “Dieu passe près de nous” p.192)]. Il était si enthousiasmé par les brises de la Parole sublime et par le pouvoir de la Plume de gloire qu’à ses yeux, le champ du martyre égalait, que dis-je, surpassait les endroits enchanteurs de la terre. Réfléchis à la conduite de ‘Abá-Basír [nota : fils d’un martyr de Zanján et lui-même décapité pour sa foi dans cette ville] et de Siyyid Ashraf-i-Zanjání [nota : martyrisé en même temps que ‘Abá Basír (voir Dieu passe près de nous, op. cit., p.191 et Extraits des Écrits de Bahá’u’lláh, Bruxelles, Maison d’éditions bahá’íes, 1990, p.89)]. On fit venir la mère d’Ashraf pour qu’elle le dissuade dans sa détermination, mais elle l’encouragea à persévérer et à subir le plus glorieux des martyres.

(120)
Ô Shaykh ! Ce peuple a franchi le détroit des noms et dressé ses tentes sur les rives de la mer du renoncement. Il sacrifierait volontiers des myriades de vies, plutôt que de prononcer le mot attendu par ses ennemis. Il s’est attaché à ce qui plaît à Dieu, entièrement détaché et libéré des choses terrestres. Ces croyants ont préféré avoir la tête tranchée plutôt que proférer une seule parole inconvenante. Médite cela en ton coeur. N’ont-ils pas étanché leur soif à l’océan du détachement ? La vie en ce monde ne les pas empêchés de subir le martyre sur le chemin de Dieu.

(121)
Dans le Mázindarán, on a exterminé un grand nombre de serviteurs de Dieu. Sous la pression des calomniateurs, le gouverneur [nota : ce gouverneur n’a pas été identifié. Plusieurs gouverneurs se sont succédé dans la province de Mázindarán entre 1844 et 1891, tous plus ou moins hostiles aux bahá’ís] s’appropria une grande part de leurs biens. Il les accusa notamment d’avoir amassé des armes, alors que l’enquête démontra qu’ils n’avaient rien d’autre qu’un fusil non chargé ! Juste ciel ! Ce peuple n’a que faire d’armes de destruction, puisqu’il s’est mobilisé pour reconstruire le monde. Ses armées sont les nobles actions, ses armes, les bonnes moeurs et son étendard, la crainte de Dieu. Heureux celui qui juge avec équité. Par Dieu ! La patience, le calme, la résignation et le contentement de ces hommes étaient si grands qu’ils devinrent les manifestations de la justice. Telle fut leur résistance qu’ils acceptèrent d’être tués plutôt que de tuer. Pourtant, ces opprimés de la terre ont enduré des tribulations telles que l’histoire du monde n’en a jamais connues et l’oeil des nations jamais vues. Comment ont-ils pu se résigner à ces cruelles épreuves et refuser de tendre la main pour s’en préserver ? Quelle est la cause de tant d’abnégation et de sérénité ? La vraie raison doit se chercher aussi bien dans l’interdit imposé jour et nuit par la Plume de gloire [nota : Bahá’u’lláh] que dans notre possession des rênes du pouvoir octroyées par la force et la puissance du Seigneur de toute l’humanité.

(122)
Souviens-toi du père de Badí’ [nota : « Le merveilleux ». Áqá Buzurg du Khurásán, porteur de l’épître au Sháh (voir Dieu passe près de nous, op. cit ., p.191)]. On arrêta ce malheureux et on lui ordonna de maudire et d’insulter sa foi. Par la grâce de Dieu et la miséricorde de son Seigneur, il choisit et subit le martyre. Si tu voulais compter le nombre des martyrs sur le chemin de Dieu, tu ne le pourrais point. Considère l’honorable Siyyid Ismá’íl [nota : croyant de l’époque du Báb qui sacrifia sa vie par amour pour Bahá’u’lláh et à qui fut conféré le titre de Zabih] - que la paix de Dieu et sa tendre bonté soient sur lu - ; Il avait coutume de balayer avant le lever du jour le seuil de ma demeure avec son propre turban. Finalement, alors qu’il se tenait sur la rive du fleuve, les yeux fixés sur cette maison, il sacrifia sa vie de sa propre main.

(123)
Médite sur l’influence irrésistible de la parole de Dieu. On ordonna à chacune de ces âmes de blasphémer et d’insulter sa foi ; pourtant aucune d’elles ne préféra sa volonté à la volonté de Dieu.

(124)
Ô Shaykh ! Dans le passé, celui qui avait été choisi pour être tué n’était qu’une seule personne [nota : Ismaël dans la tradition musulmane, Isaac pour les juifs], alors qu’aujourd’hui cet opprimé a suscité pour toi ce qui émerveille toute personne sensée. Juge avec impartialité, je t’en adjure, et lève-toi pour servir ton Seigneur ! En vérité, il te réservera une récompense que ne sauraient égaler ni les trésors de la terre, ni toutes les possessions des rois et des dirigeants. Pour toutes tes affaires, place ta confiance en Dieu et remets-les à sa garde ! Il t’accordera une récompense que le Livre veut grande. Au cours des jours éphémères de ta vie, accomplis des actions qui répandront le parfum du bon plaisir de Dieu et seront parées de l’ornement de son acceptation. Les actes de Balál, l’Ethiopien, furent tellement acceptables aux yeux de Dieu que le « sín » de sa langue bégayante surpassa le « shín » prononcé par le monde entier [nota : esclave éthiopien, un des premiers adeptes de Muhammad. Le Prophète lui confia la tâche d’appeler les fidèles à la prière, et il devint le premier Mu’adhdhin de l’islam malgré son défaut de prononciation. Comme il bégayait et prononçait la lettre arabe « Shín » comme le « Sín », il ne pouvait énoncer correctement l’adhán, mais la perfection de son coeur compensait cette déficience physique]. Voici le jour où tous les peuples doivent répandre la lumière de l’unité et de la concorde. Bref, l’orgueil et la vanité de certaines gens ont fait beaucoup de tort à la vraie compréhension et dévasté la demeure de la justice et de l’équité.

(125)
Ô Shaykh ! Ce qu’a subi cet opprimé est sans pareil, sans égal. Nous avons tout supporté avec la meilleure volonté et la plus grande résignation, afin d’édifier les âmes des hommes et d’exalter la parole de Dieu. Enfermé dans la prison de la terre de Mím [nota : Amul dans le Mázindarán], nous fûmes un jour livré aux mains des dignitaires religieux. Tu peux imaginer ce qui nous advint. Si jamais tu devais visiter le cachot souterrain de Sa Majesté le Sháh, demande au directeur, chef des geôliers, de te montrer les deux chaînes connues sous les noms de Qará-Guhar et Salásil. Je jure par le Soleil de la justice que, quatre mois durant, cet opprimé fut tourmenté et entravé par l’une ou l’autre. « Mon tourment dépasse tous les maux dont se plaignit Jacob et toutes les afflictions de Job ne sont qu’une part de mes peines ! » [nota : vers faisant partie du Qasídiy-i-Varqá’íyyih (Ode à la colombe), révélé par Bahá’u’lláh lors de sa retraite dans le Kurdistan]

(126)
De même, médite sur le martyre de Hájí Muhammad-Ridá [nota : Bahá’í de ‘Ishqábád grandement respecté, martyrisé en 1889] dans la cité de l’amour [nota : ‘Ishqábád]. Les tyrans de la terre ont soumis ce malheureux à de telles épreuves qu’elles suscitèrent les pleurs et les lamentations de nombreux étrangers. Ainsi que rapporté et certifié, son corps béni présentait non moins de trente-deux blessures. Et pourtant, pas un seul des fidèles ne transgressa mon commandement ou ne leva la main en signe de résistance. Quoi qu’il advînt, ils mirent l’ordonnance du Livre au-dessus de leurs inclinations, bien qu’ils aient résidé - et résident encore - en très grand nombre dans cette ville.

(127)
Nous supplions Sa Majesté le Sháh - que l’assiste Dieu, béni et glorifié soit-il - de réfléchir à tout cela et de juger avec équité et justice. Dans la plupart des villes de Perse, de nombreux fidèles ont accepté, ces dernières années, d’être tués plutôt que de tuer. Pourtant, la haine qui couvait en certains coeurs a éclaté plus violente que jamais. Que des victimes d’oppression intercèdent en faveur de leurs ennemis est, aux yeux des dirigeants, un acte princier. D’aucuns ont certainement appris que ces opprimés avaient intercédé auprès du gouverneur de cette ville [nota : ‘Ishqábád. Les assassins de Hájí Muhammad Ridá furent condamnés à mort par les autorités russes. Les bahá’ís intercédèrent pour que la sentence soit adoucie] en faveur des assassins et avaient sollicité l’atténuation de leur sentence. Prenez donc exemple, vous qui êtes perspicaces !

(128)
Ô Shaykh ! Ces versets limpides furent révélés par la Plume d’Abhá [nota : La Plume du Très-Glorieux (voir note du verset 28)] dans l’un de ses écrits : « Ô serviteur, écoute la voix de cet opprimé ! Il a enduré des vexations et des épreuves cruelles sur le chemin de Dieu, le Seigneur de tous les noms, et fut finalement jeté en prison dans le pays de Ṭá [nota : Téhéran]. Il appela les hommes au paradis sublime et, pourtant, ils se saisirent de lui et le traînèrent à travers villes et campagnes. Pour mes bien-aimés, combien de nuits sans sommeil à cause de leur amour à mon égard ! Pour moi, combien de jours face aux attaques des populations ! Par la justice de Dieu ! Que je sois au sommet de montagnes, que je sois dans les profondeurs de la prison de Ṭá, sous les chaînes et les carcans, je lui suis reconnaissant, chantant en toutes circonstances ses louanges, occupé à le célébrer, tourné vers lui, satisfait de son bon plaisir, humble et soumis devant lui. Ainsi s’écoulèrent mes jours jusqu’à ce qu’ils finissent dans cette prison [nota : Acre] qui fait trembler la terre et soupirer les cieux. Heureux qui a rejeté ses vaines imaginations lorsque celui qui était caché vint avec les étendards de ses signes ! En vérité, nous avons annoncé aux hommes cette très grande révélation et, cependant, ils sont dans un état d’étrange stupeur. »

(129)
Sur ce, une voix s’éleva du Hijáz, appelant en ces termes : « Grande est ta bénédiction, ô Acre, car Dieu a fait de toi la source de sa voix la plus douce et l’aurore de ses signes les plus puissants ! Heureuse es-tu, car le trône de justice s’est établi en tes murs et le Soleil de la tendre bonté et de la générosité de Dieu s’est levé à ton horizon ! Bienheureuse toute personne qui a jugé avec équité celui qui est le plus grand Souvenir, malheur à qui s’est égaré dans le doute ! »

(130)
Suite à la mort de quelques martyrs, l’épître de la Preuve [nota : Lawh-i-Burhán, adressée par Bahá’u’lláh en 1879 à Shaykh Muhammad Baqír (le Loup), père du destinataire de la présente épître] descendit du ciel de la révélation, envoyée par celui qui est le Seigneur des religions :

(131)
Il est le Tout-Puissant, l’Omniscient, le Très-Sage ! Les vents de la haine ont encerclé l’arche de Bathá [nota : La Mecque] à cause des actes des oppresseurs. Ô toi qui es réputé pour ton savoir ! Tu as rendu un jugement contre ceux sur qui ont pleuré les livres du monde, en faveur de qui ont témoigné les écritures de toutes les religions.
En vérité, toi, l’égaré, tu es enveloppé d’un voile épais. Par Dieu ! Tu as prononcé une sentence contre ceux qui ont illuminé l’horizon de la foi. En témoignent ceux qui sont les Sources de la révélation et les Manifestations de la cause de ton Seigneur, le Très-Miséricordieux, et qui ont sacrifié leur vie et tous leurs biens dans son droit chemin. Partout, la foi de Dieu a pleuré à cause de ta tyrannie, et toi, tu te divertis et tu es de ceux qui exultent. Il n’y a pas de haine dans mon coeur, ni pour toi, ni pour personne. Tout homme intelligent te voit, toi et tes semblables, sombrer dans une grande déraison. Si tu réalisais ce que tu as fait, tu te jetterais dans le feu, ou tu abandonnerais ta demeure pour t’enfuir dans les montagnes, ou encore tu gémirais jusqu’à ton retour vers le lieu que t’a assigné le Seigneur de force et de puissance.
Ô toi qui n’es rien ! Déchire les voiles des vaines chimères et des futiles imaginations, afin de contempler le Soleil de la connaissance qui brille de cet horizon resplendissant. Tu as mis en pièces des rejetons [nota : le Bien-aimé et le Roi des Martyrs, tous deux siyyids (descendants de Muhammad), voir note du verset 118] du Prophète lui-même et tu t’es imaginé que tu avais aidé la foi de Dieu. Telle fut l’incitation de ton âme, tu es vraiment parmi les insouciants. Ton acte a consumé les coeurs de l’assemblée céleste et de ceux qui gravitent autour de la cause de Dieu, le Seigneur des mondes. L’âme de la chaste Fátimih se lamente de ta cruauté et les habitants du paradis pleurent amèrement en ce lieu béni.


(132)
Par Dieu, je t’adjure d’être équitable. Quelle preuve produisirent les docteurs juifs pour condamner l’Esprit de Dieu [nota : Jésus] lorsqu’il vint à eux au nom de la vérité ? Quelle preuve produisirent les pharisiens et les prêtres idolâtres pour renier Muhammad, l’Apôtre de Dieu, lorsqu’il vint à eux avec un Livre qui séparait la vérité de l’erreur avec une pertinence qui éclaira les ténèbres de la terre et captiva les coeurs de ceux qui le connaissaient ? En fait, tu reproduis en ce jour les mêmes preuves que celles qui sont avancées par ces théologiens insensés. En témoigne le Souverain du royaume de grâce en cette grande Prison. En vérité, tu as marché sur leurs traces - que dis-je ! - Tu les as surpassés en cruauté, pensant que tu aidais la foi et défendais la loi de Dieu, l’Omniscient, le Très-Sage. Par celui qui est le Vrai ! Ton iniquité fait gémir Gabriel et pleurer la loi de Dieu, par laquelle les brises de la justice soufflent sur tous ceux qui sont au ciel et sur terre. Te figurais-tu naïvement tirer profit du jugement que tu as prononcé ? Non, par le Roi de tous les noms ! Témoigne de ta perte celui qui a connaissance de toutes les choses mentionnées dans le Livre préservé.

(133)
Ô toi qui t’es égaré ! Tu ne m’as jamais vu, jamais fréquenté, tu n’as jamais été mon compagnon, ne fût-ce qu’un instant. Comment se fait-il que tu aies ordonné de me maudire ? As-tu suivi en cela tes propres désirs ou as-tu obéi à ton Seigneur ? Produis donc un signe, si tu es de ceux qui sont sincères. Nous attestons que tu as tourné le dos à la loi de Dieu et que tu as donné libre cours aux incitations de tes passions. En vérité, Dieu est l’Incomparable, l’Informé, et rien n’échappe à sa connaissance. Ô insouciant ! Écoute ce que le Miséricordieux a révélé dans le Coran : « Ne dites pas à celui qui vous offre la paix : Tu n’es pas croyant. » [voir : Coran, 4 : 94] Ainsi en a décrété celui qui tient dans sa main les royaumes de la révélation et de la création, si tu es de ceux qui écoutent. Tu as rejeté le commandement de Dieu pour suivre les incitations de ton propre désir. Malheur à toi, ô toi qui doutes ! Si tu me renies, par quelle preuve peux-tu soutenir la vérité que tu revendiques ? Produis-la donc, ô toi qui donnes des partenaires à Dieu et te détournes de sa souveraineté qui embrasse les mondes !

(134)
Sache qu’il est réellement savant, celui qui reconnaît ma révélation, boit à l’océan de ma connaissance, s’élève dans l’atmosphère de mon amour, rejette tout ce qui n’est pas moi et saisit fermement ce qui est envoyé du royaume de ma parole prodigieuse. Il est vraiment comme un oeil pour l’humanité, comme l’esprit de vie pour le corps de toute la création. Glorifié soit l’infiniment Miséricordieux qui l’a éclairé et l’a incité à servir sa cause grande et puissante. L’assemblée céleste et ceux qui demeurent dans le tabernacle de grandeur le bénissent, eux qui, en mon nom, l’Omnipotent, le Tout-Puissant, vident les coupes de mon vin cacheté. Si tu es de ceux qui occupent un rang aussi sublime, produis donc un signe émanant de Dieu, le créateur des cieux.
Et si tu reconnais ton impuissance, maîtrise tes passions et retourne vers ton Seigneur ; peut-être te pardonnera-t-il tes péchés par lesquels les feuilles de l’Arbre divin se sont consumées, le Rocher [nota : le rocher de Jérusalem où devait s’accomplir le sacrifice d’Ismaël (Isaac) et d’où Muhammad fit son ascension nocturne] s’est lamenté et les yeux des hommes intelligents ont pleuré. À cause de toi, le voile de la divinité s’est déchiré, l’arche s’est écroulée, la chamelle eut les jarrets coupés [nota : la chamelle du prophète Salih dont les infidèles avaient coupé les jarrets] et l’Esprit [nota : Jésus] gémit dans sa sublime retraite. Contestes-tu celui qui est venu vers toi avec les preuves et les témoignages divins que toi et ceux qui vivent sur terre possédez ?
Ouvre les yeux afin de contempler cet opprimé qui brille au-dessus de l’horizon de la volonté de Dieu, le Souverain, le Vrai, le Resplendissant. Puis ouvre l’oreille de ton coeur et écoute le discours de l’Arbre divin qu’a fait croître Dieu, le Tout-Puissant, le Bienfaisant. Malgré ce qui lui est advenu à cause de tes transgressions et de celles de tes semblables, cet Arbre claironne et appelle tous les hommes au Sadratu’l-Muntahá [nota : voir note du verset 44] et à l’Horizon suprême. Heureuse l’âme qui contemple le Signe le plus puissant et l’oreille qui écoute sa voix la plus douce. Malheur à celui qui s’en détourne et s’égare.


(135)
Ô toi qui t’es éloigné de Dieu ! Si tu daignais regarder l’Arbre divin avec l’oeil de l’équité, tu reconnaîtrais les stigmates de ton épée sur ses rameaux, ses branches et ses feuilles. Et pourtant, Dieu t’a créé pour le reconnaître et le servir. Réfléchis afin d’admettre ton iniquité et d’être compté parmi les repentis. Penses-tu que nous craignions ta cruauté ? Sache avec certitude que, depuis le premier jour où la voix de la Plume suprême s’est élevée entre la terre et le ciel, nous avons offert notre âme, notre corps, nos fils et nos possessions sur le chemin de Dieu, le Suprême, le Grand. Nous nous en glorifions parmi toutes choses créées et parmi l’assemblée céleste. En témoigne ce qui nous advint sur cet étroit sentier.
Par Dieu ! Nos coeurs furent consumés, nos corps crucifiés et notre sang versé, pendant que nos yeux fixaient l’horizon de la tendre bonté de leur Seigneur, celui qui témoigne et voit tout. Plus cruels étaient leurs maux, plus grand était l’amour du peuple de Bahá. De leur sincérité porte témoignage ce que l’infiniment Miséricordieux a révélé dans le Coran. Il dit : « Souhaitez donc la mort si vous êtes sincères. » [voir : Coran, 2 : 94] Qui préférer ? Celui qui s’abrite derrière des voiles ou celui qui s’offre dans le chemin de Dieu ? Juge avec équité, ne sois pas de ceux qui errent, égarés, dans le désert du mensonge. Les eaux vives de l’amour du Très-Miséricordieux les enivrèrent au point que ni les armes du monde ni les épées des nations ne les dissuadèrent de tourner leur visage vers l’océan de la munificence de leur Seigneur, le Dispensateur, le Généreux.


(136)
Par Dieu ! Les difficultés n’ont pu me faire perdre courage et le reniement des religieux n’a pu m’affaiblir. J’ai parlé et parle toujours devant tous : « La porte de la grâce est ouverte et celui qui est l’Aurore de justice est apparu avec des signes clairs et des preuves évidentes envoyés par Dieu, le Seigneur de force et de puissance. » Présente-toi devant moi afin d’entendre les mystères qu’entendit le fils de ‘Imrán [nota : Moïse] sur le Sinaï de la sagesse. Ainsi te commande, de sa grande Prison, l’Orient de la révélation de ton Seigneur, le Dieu de miséricorde.

(137)
Après quoi, les cris et les lamentations de la vraie foi s’élevèrent de nouveau en ces termes : En vérité, le Sinaï s’écrie : Ô peuple du Bayán ! Craignez le Miséricordieux ! Je suis parvenu auprès de celui qui m’a interpellé. L’extase de ma joie a saisi les pierres et la poussière de la terre. Et le Buisson ardent de s’exclamer : Ô peuple du Bayán ! Jugez avec impartialité ce qui a été vraiment proclamé. En vérité, il est à présent manifesté le Feu que Dieu révéla à Celui qui conversait avec lui [nota : Moïse]. De ceci porte témoignage tout homme intelligent et clairvoyant.

(138)
Nous avons mentionné quelques martyrs de cette révélation et, de même, nous avons cité quelques versets descendus à leur sujet du royaume de notre parole. Nous voudrions espérer que, libéré de tout attachement au monde, tu réfléchisses à ce que nous avons mentionné.

(139)
Il t’incombe à présent de considérer le cas de Mírzá Hádí Dawlat-Ábádí [nota : Azalí (partisan de Mírzá Yahyá, surnommé Subh-i-Azal) notoire qui abjura sa foi après ces accusations, tout en se prétendant secrètement un leader azalí] et de Sád-i-Isfahání [nota : Sadru’l-‘Ulamá, mujtahid et imám de la mosquée de Siyyid ‘Azizu’lláh à Téhéran, disciple de Mírzá Yahyá], qui résident au pays de Ṭá [nota : Téhéran]. Apprenant qu’on l’avait traité de bábí, le premier en fut si perturbé qu’il perdit toute assurance et dignité. Il monta en chaire et proféra des paroles indignes. De tout temps, la fange du monde, par son seul amour du pouvoir, a perpétré des actes qui ont égaré les hommes. Mais ne t’imagine pas que tous les fidèles ressemblent à ces deux-là. Nous t’avons décrit la constance, la fermeté, l’opiniâtreté, la certitude, le sang-froid et la dignité des martyrs de cette révélation afin que tu sois bien informé. En citant les passages des épîtres aux rois et à d’autres personnes, je voulais que tu aies cette certitude : cet opprimé n’a pas dissimulé la cause de Dieu ; ce qu’il avait été chargé d’exposer, il l’a proclamé et transmis à la face du monde dans le plus éloquent des langages. Toutefois, des êtres timorés, tels que Hádí et consorts, ont falsifié la cause de Dieu ; préoccupés de cette vie éphémère, ils ont dit et fait ce qui fit pleurer l’0eil de la justice et gémir la Plume de gloire ; tout cela en dépit de leur ignorance des principes de cette cause, alors que cet opprimé l’a révélée pour l’amour de Dieu.

(140)
Ô Hádí ! Tu as rendu visite à mon frère. À présent, tourne-toi vers la cour de cet opprimé, afin que les brises de la révélation et les souffles de l’inspiration t’assistent et te permettent d’atteindre ton but. Quiconque, en ce jour, contemple mes signes, distinguera la vérité de l’erreur comme le soleil de l’ombre, et en connaîtra le but. Dieu m’est témoin ! Il sait que tout fut mentionné uniquement par amour pour lui, afin que tu guides les hommes et délivres les peuples du monde des vaines chimères et des futiles imaginations. Dieu de miséricorde ! Jusqu’à maintenant, les dissidents qui m’ont renié n’ont pu reconnaître l’Auteur du message envoyé au Héraut, le Point premier ! La connaissance en appartient à Dieu, le Seigneur des mondes.

(141)
Ô Shaykh, fais des efforts et lève-toi pour servir cette cause. En ce jour, le vin cacheté [nota : voir note du verset 30. Les vérités cachées seront révélées lors du Jugement dernier (Coran 83 : 25-26)] est descellé aux yeux des hommes. Saisis-le au nom de ton Seigneur, et bois-en à satiété en souvenir du Puissant, de l’Incomparable. Jour et nuit, cet opprimé s’est attaché à unir les coeurs des hommes et édifier leurs âmes. Les événements qui se déroulèrent en Perse dans les premiers temps ont vraiment attristé les êtres nobles et sincères. Chaque année connaissait un nouveau massacre, un pillage ou un bain de sang. Un jour, à Zanján [nota : ville de la Perse occidentale qui fut le théâtre du martyre de 1.800 bábís avec, à leur tête, Mullá Muhammad ‘Alí, surnommé Hujjat], les événements suscitèrent la plus grande consternation, une autre fois, ce fut à Nayríz [nota : ville du sud de la Perse, proche de Shíráz, où eut lieu une autre résistance des bábís avec à leur tête Siyyid Yahyáy-i-Dárábí, surnommé Vahíd], puis encore à Ṭabarsí [nota : sanctuaire situé à 20 km au sud-est de Bárfurúsh, où Quddús, Mullá Husayn et de nombreux bábís éminents subirent le martyre] ; finalement, il y eut l’épisode de la terre de Ṭá [nota : allusion aux sept martyrs de Téhéran, dont l’oncle du Báb, Hájí Mírzá Siyyid ‘Alí (voir Dieu passe près de nous, op. cit., p.44)]. Depuis lors, cet opprimé, aidé du seul vrai Dieu - exaltée soit sa gloire - fait connaître à ce peuple maltraité ce qui lui convient. Tous se sont détachés de leurs possessions et de celles des autres ; ils ont fixé leur regard sur ce qui est à Dieu et s’y sont attachés.

(142)
À présent, il incombe à Sa Majesté le Sháh [nota : Násiríd’Dín-Sháh] - que Dieu, l’Exalté, le protège - de se comporter envers ce peuple avec bonté et miséricorde. Devant la divine Kaaba, cet opprimé jure que ce peuple, outre la vérité et la loyauté, ne manifeste rien qui contredise, de quelque manière, les vues édifiantes de Sa Majesté. Chaque nation doit respecter le rang de son souverain ; elle doit lui être soumise, exécuter ses ordres et soutenir fermement son autorité. Les souverains de la terre ont toujours été les manifestations du pouvoir, de la grandeur et de la majesté de Dieu. Cet opprimé ne s’est jamais comporté avec hypocrisie envers quelqu’un. Tout le monde le sait et en témoigne. Le respect du rang des souverains est un commandement divin, comme l’attestent clairement les paroles des prophètes de Dieu et de ses élus.
Comme l’on demandait à l’Esprit [nota : Jésus] - que la paix soit sur lui - : Ô Esprit de Dieu ! Est-il licite de rendre hommage à César ? Il répondit Oui, rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu [voir : Matthieu, 22 : 21]. Et il ne l’interdit point. Selon le jugement d’hommes clairvoyants, ces deux paroles n’en font qu’une, car il aurait interdit ce qui appartenait à César si cela ne venait pas de Dieu. Et de même, dans le verset sacré : Obéissez à Dieu ! Obéissez au Prophète et à ceux d’entre vous qui détiennent l’autorité [voir : Coran, 4 : 59]. Par « ceux qui détiennent l’autorité », nous entendons en premier lieu et plus spécialement les Imáms - que les bénédictions divines reposent sur eux ! En vérité, ils sont les manifestations du pouvoir de Dieu, les sources de son autorité, les dépositaires de son savoir et les aurores de ses commandements. En second lieu, ces paroles se réfèrent aux rois et aux dirigeants, tout au moins ceux qui illuminent et font briller les horizons du monde par la lumière de leur justice. Nous voudrions espérer que Sa Majesté le Sháh brille de cette lumière de justice qui enveloppe de son éclat toutes les familles de la terre. Il incombe à chacun de supplier de sa part le seul vrai Dieu afin qu’il lui accorde ce qui sied en ce jour.

(143)
Ô Dieu, mon Dieu, mon maître, mon soutien, mon désir et mon bien-aimé ! Par les mystères cachés en ta connaissance, par les signes répandant le parfum de ta tendre bonté, par les flots de l’océan de ta munificence, par le ciel de ta grâce et de ta générosité, par le sang versé en ton sentier et par les coeurs consumés dans leur amour pour toi, je te demande d’aider Sa Majesté le Sháh de ton pouvoir et de ta souveraineté, afin qu’il manifeste ce qui demeurera éternellement inscrit dans tes livres, tes écritures et tes épîtres. Ô mon Seigneur ! Tiens sa main dans la main de ta toute-puissance, éclaire-le de la lumière de ta connaissance et revêt-le de la parure de tes vertus. Tu as le pouvoir de faire ce qui te plaît et en tes mains sont les rênes de toutes choses créées. Il n’est pas d’autre Dieu que Toi, le Magnanime, le Très-Généreux.

(144)
Dans l’épître aux Romains [voir : Romains, 13 : 1-2], Saint Paul a écrit : Que tout homme soit soumis aux autorités qui exercent le pouvoir, car il n’y a d’autorité que par Dieu et celles qui existent sont établies par lui. Ainsi, celui qui s’oppose à l’autorité se rebelle contre l’ordre voulu par Dieu.
Et plus loin, Saint Paul a écrit : En punissant, elle est au service de Dieu pour manifester sa colère envers le malfaiteur [voir : Romains, 13 : 4] . Il dit que l’apparence des rois, leur majesté et leur pouvoir viennent de Dieu.

(145)
En outre, les traditions anciennes rapportent des références que les théologiens ont vues et entendues. Ô Shaykh, nous supplions Dieu, le Seigneur des mondes - béni et glorifié soit-il - de t’aider à saisir fermement ce qui est descendu du ciel de sa générosité Les théologiens doivent s’associer à Sa Majesté le Sháh et s’attacher à ce qui garantira la protection, la sécurité, le bien-être et la prospérité des hommes. Un roi juste, plus que quiconque, est proche de Dieu. En témoigne celui qui parle dans sa plus grande Prison. Par Dieu ! Il n’est pas d’autre Dieu que Lui, l’Unique, l’Incomparable, le Tout-Puissant, l’Omniscient, le Très-Sage.

(146)
Pour l’amour de Dieu, médite, ne fût-ce qu’une heure, sur les événements d’hier et d’aujourd’hui. Tu te détournerais alors de ce qui est à toi pour t’attacher à ce qui est à Dieu, et tu contribuerais à exalter sa parole. Depuis la création du monde jusqu’à ce jour, les tribus de la terre n’ont-elles jamais accepté une lumière ou une révélation née de l’aurore de la volonté divine et reconnu sa cause ? Où peut-on la trouver, et quel est son nom ? Le Sceau des Prophètes [nota : Muhammad] - que lui soit sacrifié tout ce qui n’est pas lui -, avant lui l’Esprit de Dieu [nota : Jésus] et en remontant dans le temps jusqu’à la première Manifestation, tous ont cruellement souffert lors de leur apparition. Certains furent tenus pour possédés, d’autres déclarés imposteurs et traités d’une manière que la plume répugne à décrire. Par Dieu ! Toute la création soupire devant ce qui leur advint et pourtant la plupart des gens sont plongés dans une ignorance évidente ! Nous prions Dieu de les aider à retourner à lui et à se repentir au seuil de sa miséricorde. Il a pouvoir sur toutes choses.

(147)
En ce moment, la voix perçante de la Plume suprême s’élève et s’adresse à moi en ces termes : « Exhorte le Shaykh comme tu as exhorté l’une de tes branches [nota : Mírzá Badi’u’lláh, frère de Mírzá Muhammad ‘Alí, demi-frères de ‘Abdu’l-Bahá] afin que les brises de ta parole l’attirent et le rapprochent de Dieu, le Seigneur des mondes ».

(148)
Sois généreux dans la prospérité et reconnaissant dans l’adversité. Sois digne de la confiance de ton voisin et regarde-le avec un visage radieux et amical. Sois un trésor pour le pauvre, un avertissement pour le riche, un écho au cri du nécessiteux, et préserve la sainteté de ton engagement. Sois impartial dans tes jugements et réservé dans tes paroles. Ne sois injuste envers personne et sois humble devant tous les hommes. Sois une lampe pour ceux qui marchent dans les ténèbres, une joie pour ceux qui souffrent, une mer pour les assoiffés, un havre pour ceux qui sont dans la détresse, un soutien et un défenseur pour la victime de l’oppression. Que l’intégrité et la droiture caractérisent tous tes actes. Sois un foyer pour l’étranger, un baume pour celui qui souffre, une tour de puissance pour le fugitif. Sois les yeux de l’aveugle, un phare pour guider les égarés. Sois un ornement pour le visage de la vérité, une couronne au front de la fidélité, un pilier au temple de la rectitude, un souffle de vie au corps de l’humanité, un emblème pour les armées de la justice, un luminaire à l’horizon de la vertu, une goutte de rosée sur le sol du coeur humain, une arche sur l’océan de la connaissance, un soleil au ciel de la générosité, une pierre sur le diadème de la sagesse, une brillante lumière au firmament de ta génération, un fruit sur l’arbre de l’humilité. Nous prions Dieu de te protéger du feu de la jalousie et de la froidure de la haine. En vérité, il est proche, prêt à répondre.
Ainsi ma langue s’adressa-t-elle à l’une de mes branches [nota : Mírzá Badi’u’lláh (voir note du verset 147)] ; nous l’avons mentionné à nos bien-aimés qui ont rejeté leurs vaines imaginations et se sont accrochés à ce qui leur fut prescrit le jour où s’est levé le Soleil de la certitude à l’horizon de la volonté de Dieu, le Seigneur des mondes. C’est en ce jour que l’oiseau de la parole a chanté sa mélodie sur les branches, au nom de son Seigneur, le Dieu de miséricorde. Heureux qui, sur les ailes du désir, s’élève vers Dieu, le Seigneur du jour du Jugement !

(149)
Le seul vrai Dieu sait sans conteste que cet opprimé fut en tous temps confronté à d’extrêmes périls, ainsi que le confirme la compagnie de ses fidèles. Sans les tribulations qui m’ont frappé sur le chemin de Dieu, la vie n’aurait eu pour moi nulle douceur et mon existence ne m’aurait été d’aucun profit. Pour ceux qui sont doués de discernement et dont le regard est fixé sur la Vision sublime, ce n’est point un secret que j’ai vécu la plus grande partie de ma vie comme un esclave, assis sous une épée suspendue à un fil, ignorant si elle tomberait tôt ou tard. En dépit de tout cela, nous rendons grâce à Dieu, le Seigneur des mondes. Ma langue intérieure récite cette prière jour et nuit :
Gloire à toi, ô mon Dieu ! Sans les tribulations endurées dans ton chemin, comment pourrait-on reconnaître tes vrais amants. Et sans les épreuves subies par amour pour toi, comment le rang de ceux qui te désirent pourrait-il être révélé ? Ta puissance m’en est témoin ! Ceux qui t’adorent ont pour compagnon les pleurs qu’ils versent, ceux qui te cherchent ont pour consolateurs les gémissements qu’ils poussent et ceux qui courent à ta rencontre ont pour nourriture les fragments de leur coeur brisé. Combien douce est à mon palais l’amertume de la mort rencontrée sur ton sentier et combien précieux sont à mes yeux les traits que tes ennemis envoient lorsqu’ils sont reçus pour que ta parole soit exaltée ! Ô mon Dieu et mon Maître ! Laisse-moi savourer chaque gorgée de ce que tu désires pour moi dans ta cause, et envoie-moi tout ce que tu as décrété dans ton amour. Par ta gloire ! Je ne souhaite que ce que tu souhaites, et ne chéris que ce que tu chéris. De tout temps, j’ai placé en toi toute ma foi et ma confiance. Tu es, en vérité, Celui qui possède tout, le Très-Haut. Ô mon Dieu, je te supplie d’élever au rang de défenseurs de cette révélation ceux qui sont dignes de ton nom et de ta souveraineté, afin qu’ils évoquent mon souvenir parmi tes créatures et hissent les étendards de ta victoire sur ton royaume. Pare-les également de tes vertus et de tes commandements. Tu fais ce qui te plaît. Il n’est pas d’autre Dieu que toi, le Secours, l’Absolu.

(150)
Puis la voix de la vraie foi s’élève et appelle encore et encore en ces termes : « Ô assemblée de la terre ! Par Dieu ! Je suis la vraie foi de Dieu parmi vous. Gardez-vous de me renier. Dieu m’a manifestée par une lumière qui a embrassé tous ceux qui sont sur la terre et dans les cieux. Ô peuple ! Juge équitablement ma manifestation, la révélation de ma gloire et l’éclat de ma lumière, et ne sois point de ceux qui font preuve d’iniquité ».

(151)
Ô Shaykh ! Cet opprimé supplie Dieu - béni et glorifié soit-il - de faire de toi celui qui ouvre la porte de la justice et révèle sa cause parmi ses serviteurs. En vérité, il est le Tout-Puissant, l’Omnipotent, le Très-Généreux.

(152)
Ô Shaykh ! Implore le seul vrai Dieu de sanctifier les oreilles, les yeux et les coeurs de l’humanité, et de la protéger des désirs d’une inclination corrompue. En effet, la malveillance est une grave maladie qui empêche l’homme de reconnaître le grand Être et lui interdit les splendeurs du soleil de certitude. Nous prions et espérons que Dieu, dans sa grâce et sa miséricorde, supprimera ce puissant obstacle. En vérité, il est le Puissant, le Conquérant, l’Omnipotent.

(153)
À cet instant, une voix s’élève de la droite du Lieu lumineux : « Par Dieu ! Il n’est pas d’autre Dieu que Lui, l’Ordonnateur, le Très-Sage ! Récite au Shaykh les derniers versets de l’épître de la Preuve [nota : Lawh-i-Burhán] afin qu’ils l’attirent vers l’horizon de la révélation de son Seigneur, le Dieu de miséricorde. Peut-être se lèvera-t-il alors pour aider ma cause par des signes clairs et des témoignages exaltés, et proclamera-t-il aux hommes ce qu’a proféré la Langue du témoignage : le Royaume est à Dieu, le Seigneur des mondes ! »

(154)
Lis attentivement le Kitáb-i-Íqán [nota : Le livre de la certitude, révélé par Bahá’u’lláh à Bagdad en 1862] et ce que l’infiniment Miséricordieux révéla au roi de Paris [nota : l’empereur Napoléon III], ainsi qu’à ses semblables, afin de te tenir informé des événements du passé et d’être persuadé que nous n’avons pas cherché à propager le désordre dans le pays où l’ordre régnait. Nous exhortons ses serviteurs, uniquement pour l’amour de Dieu. Que celui qui le désire se tourne vers lui et que celui qui le désire s’en détourne. Notre Seigneur, le Miséricordieux, est vraiment celui qui suffit à tout, le Très-Loué. Ô familles de la terre ! En ce jour, aucune chose ni aucun nom ne peut vous être de quelque profit, hormis ce nom dont Dieu a fait la manifestation de sa cause et l’aurore de ses titres les plus excellents pour les habitants du royaume de la création. Béni celui qui reconnaît la fragrance de l’infiniment Miséricordieux et qui est compté parmi les âmes résolues ! Vos sciences ne vous profiteront point en ce jour, ni vos arts ni vos trésors ni votre gloire. Rejetez-les tous derrière vous et tournez vos visages vers la Parole suprême qui met distinctement en valeur les écritures, les livres et cette épître limpide. Ô peuple, rejette ce qu’a composé la plume de tes vaines chimères et futiles imaginations. Par Dieu ! Le soleil de la connaissance s’est levé à l’horizon de la certitude.

(155)
Ô toi qui t’es égaré ! Si tu as quelque doute concernant notre conduite, sache que nous attestons ce que Dieu lui-même attesta avant la création de la terre et des cieux : il n’est pas d’autre Dieu que Lui, le Tout-Puissant, le Très-Généreux. Nous témoignons qu’il est un dans son essence, un dans ses attributs. Nul ne peut l’égaler dans tout l’univers, ni lui être associé dans toute la création. Il a envoyé ses messagers et révélé ses livres afin d’indiquer le droit chemin à ses créatures.

(156)
Le Sháh fut-il informé de tes actes et choisit-il de fermer les yeux ? Ou bien fut-il effrayé par le hurlement d’une bande de loups qui ont quitté le chemin de Dieu pour te suivre sans livre ni preuve évidente ? Nous avons entendu dire que les provinces de Perse étaient parées de l’ornement de la justice. Toutefois, en les observant attentivement, elles sont à nos yeux les orients de la tyrannie et les aurores de l’injustice. Nous voyons la justice entre les griffes de la tyrannie. Nous supplions Dieu de la délivrer par le pouvoir de sa puissance et de sa souveraineté. En vérité, il éclipse tout ce qui est sur la terre et dans les cieux. Que personne ne s’arroge le droit de protester contre quiconque au sujet de ce qu’a subi la cause de Dieu ! Il incombe à celui qui a tourné son visage vers l’Horizon sublime de s’accrocher fermement à la corde de la patience et de placer sa confiance en Dieu, le Secours, l’Indépendant. Ô vous, bien-aimés de Dieu ! Buvez longuement à la source de la sagesse, élancez-vous vers le ciel de la sagesse, exprimez-vous avec les mots de la sagesse et de l’éloquence. Ainsi vous commande votre Seigneur, le Tout-Puissant, l’Omniscient.

(157)
Ô insouciant ! Ne compte ni sur ta gloire ni sur ton pouvoir. Tu es semblable au tout dernier rayon du soleil sur la cime des montagnes. Bientôt il disparaîtra comme l’a décrété Dieu, le Possesseur de toutes choses, le Très-Haut. Ta gloire et la gloire de tes semblables vous ont été retirées. En vérité, en ordonna ainsi celui auprès de qui repose le Livre-Mère [nota : le Livre originel et symbolique, préservé aux cieux, d’où sont tirés tous les Livres saints]. Où est-il, celui qui lutta contre Dieu ? Où s’en est-il allé, celui qui renia ses signes et se détourna de sa souveraineté ? Où sont-ils, ceux qui ont tué ses élus et répandu le sang de ses saints, Réfléchis ! Peut-être percevras-tu les relents de tes actes, ô fol incrédule ! À cause de toi, l’Apôtre [nota : Muhammad] se lamenta et la chaste Fátimih pleura, les pays furent dévastés et les ténèbres s’abattirent sur toutes les régions de la terre. Ô assemblée de religieux ! À cause de vous, le peuple fut avili, la bannière de l’islam amenée et son puissant trône renversé. Chaque fois qu’un homme clairvoyant s’est évertué à promouvoir ce qui exalterait l’islam, vos clameurs se sont élevées, empêchant cet homme d’atteindre son but et laissant le pays dans un triste délabrement.

(158)
Ô ma Plume suprême ! Souviens-toi du serpent [nota : Mir Muhammad Husayn, Imám-Jum’ih d’Isfahán] dont la cruauté provoqua les gémissements de la création et fit trembler les membres des saints. Ainsi te l’ordonne de ce rang glorieux le Seigneur de tous les noms.
La chaste Fátimih gémit de ton iniquité et toi, tu t’imagines être de la famille de l’Apôtre de Dieu ! Telle est l’incitation de ton âme, ô toi qui t’es détourné de Dieu, le Seigneur de tout ce qui a été et qui sera. Juge équitablement, ô serpent ! Pour quel crime as-tu mordu les enfants de l’Apôtre de Dieu et as-tu pillé leurs biens ? [nota : Siyyid Hasan et Siyyid Husayn, respectivement le roi et le bien-aimé des martyrs, descendants de Muhammad] As-tu renié celui qui te créa par son injonction « sois, et cela fut » ? Tu as traité les enfants de l’Apôtre de Dieu comme ne l’ont fait ni ‘Ád avec Húd [nota : prophète envoyé à la tribu de ‘Ád, qui descendait de Shem et était hautement civilisée. Il invita le peuple à adorer un seul Dieu, mais il fut rejeté (Coran 7 : 63-70, etc.)], ni Thamúd avec Sálih [nota : prophète arabe postérieur à Húd, qui formula un avertissement similaire à la tribu de Thamúd. Il fut, lui aussi, rejeté par le peuple (Coran, 7 : 71 et 9 : 71)], ni les juifs avec l’Esprit de Dieu [nota : Jésus], le Seigneur de toute existence. Vas-tu nier les signes de ton Seigneur qui, à peine révélés au ciel de sa cause, firent s’incliner devant eux tous les livres du monde ?
Médite afin de prendre conscience de ton acte, ô créature réprouvée et insouciante ! Bientôt les souffles du châtiment se saisiront de toi comme ils se saisirent d’autres avant toi. Ô toi qui associes des pairs à Dieu, le Seigneur du visible et de l’invisible, prends garde ! Voici le jour que Dieu annonça par la bouche de son Apôtre. Réfléchis afin de comprendre ce que l’infiniment Miséricordieux envoya dans le Coran et dans cette épître gravée. Voici le jour où celui qui est l’Aurore de la révélation vient avec des signes évidents et innombrables. Voici le jour où tout homme doué de perception découvre le parfum de la brise de l’infiniment Miséricordieux dans le monde de la création, où tout homme doué d’intuition se hâte vers les eaux vives de la clémence de son Seigneur, le Roi des rois. Ô insouciant ! À nouveau, le récit du sacrifice [nota : le sacrifice d’Ismaël, selon le Coran] a été relaté : celui qui devait être offert a dirigé ses pas vers le lieu du sacrifice et n’en est point revenu en raison de tes actes, ô créature perverse et haineuse ! Imagines-tu que le martyre puisse affaiblir cette cause ? Non, par celui dont Dieu a fait le dépositaire de sa révélation, si tu es de ceux qui comprennent. Ô toi qui associes des pairs à Dieu ! Malheur à toi et malheur à ceux qui, sans signe évident ni livre probant, t’ont choisi pour chef.
Combien d’oppresseurs avant toi se sont levés pour éteindre la lumière de Dieu, combien d’impies ont tué et pillé jusqu’à ce que les coeurs et les âmes des hommes gémissent de leur cruauté ! Le soleil de justice est obscurci par celui qui incarne la tyrannie sur le trône de la haine, et pourtant, le peuple ne comprend point. Ô insensé ! Tu as tué les enfants de l’Apôtre et pillé leurs possessions. Dis ! Selon toi, étaient-ce eux ou leurs possessions qui renièrent Dieu ? Juge avec équité, ô ignorant qu’un voile sépare de Dieu ! Tu t’accroches à la tyrannie et rejettes la justice ; sur quoi, toutes choses créées se lamentent, et tu fais toujours partie des rebelles. Tu as mis à mort les vieillards et pillé les biens des jeunes.
Crois-tu que tu profiteras de ce que ton iniquité a entassé ? Non, par moi-même ! Ainsi t’informe celui qui connaît toutes choses. Par Dieu ! Tu ne profiteras pas de ce que tu possèdes ni de ce que tu as accumulé par ta cruauté. Ainsi témoigne ton Seigneur, l’Omniscient. Tu t’es levé pour éteindre la lumière de cette cause, mais sous peu, ton propre feu s’éteindra sur son ordre. En vérité, il est le Seigneur de force et de puissance. Ni les transformations et soubresauts du monde, ni les pouvoirs des nations ne peuvent l’arrêter. Il fait ce qui lui plaît et ordonne ce qu’il veut par le pouvoir de sa souveraineté.
Considère la chamelle [nota : la chamelle du prophète Sálih, dont les infidèles avaient coupé les jarrets]. Bien qu’elle ne soit qu’un animal, l’infiniment Miséricordieux l’a si bien exaltée que les langues de la terre l’ont mentionnée et ont célébré sa louange. En vérité, il couvre de son ombre tout ce qui est sur la terre et dans les cieux. Il n’est pas d’autre Dieu que Lui, le Tout-Puissant, le Très-Haut. Ainsi, des soleils de nos paroles avons-nous paré le ciel de notre épître. Heureux celui qui est parvenu jusqu’à eux et est éclairé par leur lumière. Malheur à ceux qui se sont détournés, nous ont renié et errent loin de nous ! Louange à Dieu, le Seigneur des mondes !

(159)
Ô Shaykh ! Nous t’avons permis d’entendre les mélodies du Rossignol du paradis et t’avons dévoilé les signes que Dieu, par son irrésistible commandement, a révélés dans la plus grande Prison, afin que ton oeil se réjouisse et que ton âme soit sereine. Certes, il est le Dieu de toute bonté, le Généreux. Par le pouvoir de son témoignage, lève-toi pour servir la cause de Dieu, ton Seigneur, le Dieu de miséricorde. Si ta foi est hésitante, prends mon épître et garde-la dans le giron de la confiance. Lorsque tu atteindras le lieu de résurrection et que Dieu te demandera par quelle preuve tu as cru en cette révélation, produis cette épître et dis : « Par ce livre, sacré, puissant, incomparable. » Sur quoi, tous tendront les mains vers toi, se saisiront de l’épître, la presseront sur leurs lèvres et respireront le parfum de la parole de Dieu, le Seigneur des mondes.
Si Dieu devait te tourmenter pour avoir cru en ses signes dans cette révélation, pour quelle raison tourmenterait-il ceux qui ont méconnu Muhammad, l’Apôtre de Dieu, et avant lui Jésus, le fils de Marie, et avant lui Moïse, l’Interlocuteur de Dieu, et avant lui Abraham, l’Ami de Dieu, et ainsi de suite jusqu’à la première Manifestation créée par la volonté de ton Seigneur, le Puissant, l’Universel. Ainsi avons-nous révélé nos versets à un autre avant toi et te les rappelons-nous en ce jour, afin que tu comprennes et ne doutes point. Ô toi qui prétends être la voix de la connaissance ! Cette cause est trop évidente pour être obscurcie, trop manifeste pour être cachée. Elle brille comme le soleil en sa gloire méridienne. Nul ne peut la nier, à moins de haïr ou de douter.

(160)
À présent, il convient de nous tourner vers le Désiré et de nous attacher à ces sublimes paroles : « Ô Dieu, mon Dieu ! Tu as allumé la lampe de ta cause avec l’huile de la sagesse ; protège-la des vents contraires. La lampe est à toi, le verre est à toi et toutes choses sur la terre et dans les cieux sont dans les mains de ton pouvoir. Confère la justice aux dirigeants et aux clercs l’impartialité. Tu es le Tout-Puissant qui, par le mouvement de sa plume, a aidé sa cause irrésistible et guidé ses bien-aimés sur le droit chemin. Tu es le possesseur du pouvoir et le roi de la puissance. Il n’est pas d’autre Dieu que Toi, le Fort, l’Indépendant. » Puis dis : « Ô Dieu, mon Dieu ! Je te rends grâce, car la main généreuse de ton nom, l’Absolu, m’a fait boire de ton vin cacheté. Par les splendeurs de l’Aurore de ta révélation, par la puissance de ton Verbe sublime et par le pouvoir de ta Plume sublime, dont le mouvement enchante les réalités de toutes choses créées, je te supplie d’aider Sa Majesté le Sháh à rendre ta cause victorieuse, à se tourner vers l’horizon de ta révélation et à diriger son visage vers les lumières de ta face. Ô mon Seigneur ! Aide-le à se rapprocher de toi ; puis, aide-le par les armées de la terre et des cieux. Ô toi qui es le Seigneur de tous les noms et le créateur des cieux ! Par la lumière de ta cause et par le feu de l’arbre divin de ta tendre bonté, je t’implore d’aider Sa Majesté à révéler ta cause parmi tes créatures. Aussi, ouvre devant elle les portes de ta grâce, de ta miséricorde et de ta munificence. Tu as le pouvoir de faire ce qui te plaît par ta parole : Sois, et elle est [voir : Coran, 16 : 40].

(161)
Ô Shaykh ! Nous avions saisi les rênes de l’autorité par le pouvoir de Dieu et sa divine puissance, comme seul peut le faire celui qui est le Puissant, le Fort. Nul n’avait le pouvoir de provoquer discorde ou sédition. Mais à présent, comme ils n’ont pas su apprécier cette tendre bonté et ces générosités, ils ont été et continueront à être affligés par les châtiments inhérents à leurs actes.
Tenant compte des progrès secrets de la Corde offerte [nota : Alliance renouvelée par Bahá’u’lláh, Kitáb-i-Aqdas, op. cit., §117 : « Tenez-vous fermement à cette poignée sûre et à la corde de ma cause puissante et inattaquable »], les fonctionnaires de l’État ont, par tous les moyens, poussé et aidé mes adversaires à me nuire. Dans la grande cité [nota : Constantinople], ils ont incité un très grand nombre de personnes à s’opposer à cet opprimé. Les choses en sont arrivées à un point tel que les autorités de cette ville ont agi en faisant honte au gouvernement et à la population. Un éminent siyyid [nota : Hájí Mírzá Siyyid Hasan Afnán, un beau-frère du Báb], considéré par tous comme un marchand très honoré dont l’intégrité notoire, le comportement irréprochable et la réputation en matière commerciale étaient reconnus par la majorité des personnes impartiales, visita un jour Beyrouth. En raison de son amitié pour cet opprimé, les dites autorités informèrent par télégraphe le drogman persan [nota : Interprète dans les pays du Levant] que ce siyyid, accompagné de son serviteur, avait, entre autres, volé une somme d’argent avant de se rendre à Acre.
Leur dessein, dans cette affaire, était de déshonorer cet opprimé. Et pourtant, les habitants de ce pays sont loin de se laisser détourner du droit chemin de la vérité et de la rectitude par ces récits malséants. Bref, ces autorités m’attaquent de toutes parts et soutiennent mes adversaires. Toutefois, cet opprimé supplie le seul vrai Dieu d’assurer à chacun ce qui convient en ces jours. Jour et nuit, je fixe mon regard sur ces paroles limpides que je prononce : « Ô Dieu, mon Dieu ! Par le soleil de ta grâce, par l’océan de ta connaissance et par le ciel de ta justice, je te supplie d’amener ceux qui t’ont renié à se repentir, ceux qui se sont détournés de toi à revenir vers toi et ceux qui t’ont calomnié à être justes et impartiaux. Ô mon Seigneur ! Aide-les à retourner vers toi et à se repentir au seuil de ta grâce. Tu as le pouvoir de faire ce que tu veux, entre tes mains sont les rênes de tout ce qui est sur la terre et dans les cieux. Louange à Dieu, le Seigneur des mondes ! »

(162)
Le temps est proche où ce qui est caché dans l’âme et le coeur des hommes sera dévoilé. C’est le jour dont Luqmán [nota : célèbre figure légendaire connue pour sa sagesse (voir Coran, sourate 31)] parla à son fils, jour que le Seigneur de gloire annonça et fît connaître par ces paroles à son Ami [nota : Muhammad] - exalté soit-il - : Ô mon fils ! En vérité, Dieu dévoilera toutes choses, même grosses comme un grain de moutarde, même cachées dans une roche, sur la terre ou dans les cieux car Dieu est clairvoyant, omniscient... En ce jour, les apparences et tout ce que les hommes dissimulent en leur sein seront dévoilés et mis à nu devant le trône de sa révélation. Rien, absolument rien, ne peut échapper à sa connaissance. Il entend, il voit, car il est en vérité Celui qui entend tout, Celui qui voit tout. Comme il est étrange qu’ils ne distinguent pas le loyal du perfide !

(163)
Si seulement Sa Majesté le Sháh de Perse - que Dieu perpétue sa souveraineté - daignait s’enquérir auprès des consuls de l’honorable gouvernement persan qui séjournèrent dans ce pays, afin d’être informé des activités et du comportement de cet opprimé ! En résumé, ils excitèrent un grand nombre de personnes, comme Akhtar [nota : « L’Étoile », journal réformiste persan publié à Constantinople et influencé par les Azalís] et les autres ; ils s’emploient toujours à propager des calomnies. Il est clair qu’on assaille avec l’épée de la haine et les flèches de l’inimitié celui qu’on sait proscrit parmi les hommes, banni d’un pays à l’autre. Ce n’est ni la première fois qu’une telle iniquité est perpétrée, ni la première coupe jetée à terre, ni le premier voile coupé en deux sur le chemin de Dieu, le Seigneur des mondes. Cependant, cet opprimé demeurait calme et silencieux dans la plus grande Prison, occupé par ses propres affaires, entièrement détaché de tout ce qui n’est pas Dieu. L’iniquité s’intensifia si cruellement que les plumes du monde sont impuissantes à la décrire.

(164)
À ce sujet, il convient de mentionner un événement afin que les hommes s’accrochent fermement à la corde de la justice et de la loyauté : Hájí Shaykh Muhammad ‘Alí [nota : négociant bahá’í de Qazvín, en Perse, connu sous le nom de Nabíl Ibn-i-Nabíl; il vécut à Istanbul à partir de 1882 et se suicida dans cette ville le 1er mars 1890 après J.C] - que la gloire de Dieu, l’Éternel, soit sur lui - était un marchand d’excellente renommée, bien connu de la plupart des habitants de la grande Cité [nota : Constantinople]. On observa, il n’y a guère, la profonde détresse de cette âme pieuse et sincère alors que l’ambassade de Perse à Constantinople s’évertuait en secret à répandre des calomnies. Si bien qu’une nuit, il se jeta dans la mer, mais fut sauvé par des passants qui heureusement arrivaient à cet instant. On commenta longuement son acte qu’on interpréta de diverses manières.
Une nuit, il se rendit à une mosquée. Selon le gardien, il veilla jusqu’au matin, offrant prières et supplications, plein d’ardeur et les yeux baignés de larmes. Comme le gardien l’entendit interrompre subitement ses dévotions, il alla vers lui et constata qu’il avait rendu l’âme. L’on trouva auprès de lui un flacon vide : il s’était empoisonné. Stupéfait, le gardien transmit en quelques mots la nouvelle à la population. L’on découvrit alors que le défunt avait laissé deux testaments. Dans le premier, il reconnaissait et confessait l’unicité de Dieu, déclarait que son Être exalté n’a ni pair ni égal et que son essence est glorifiée au-dessus de toutes louange et description. Il témoignait également de la révélation des prophètes et des saints, et reconnaissait ce qui est mentionné dans les livres de Dieu, le Seigneur de tous les hommes. Sur une autre page, il avait rédigé une prière qu’il concluait par ces mots : « Ce serviteur et les bien-aimés de Dieu sont perplexes. D’une part, la Plume du Très-Haut a interdit à tous les hommes la sédition, la contestation ou les conflits, d’autre part, la même Plume a révélé ces sublimes paroles : Si quelqu’un, en présence de la Manifestation, découvrait une intention maligne chez quiconque, il ne devrait pas s’opposer à lui, mais le laisser entre les mains de Dieu. » Comme ce commandement est clair et fermement établi, que par ailleurs, des calomnies humainement insupportables ont été proférées, ce serviteur a choisi de commettre ce très grave péché.
Je tourne mes supplications vers l’océan de la générosité de Dieu et vers le paradis de la miséricorde divine, et j’espère qu’il absoudra, par la plume de sa grâce et de sa munificence, les méfaits de ce serviteur. Bien que mes péchés soient multiples, mes méfaits innombrables, je m’accroche avec ténacité à la corde de sa bonté et au pan de sa générosité. Dieu m’en est témoin, ceux qui sont proches de son seuil le savent, ce serviteur ne pouvait supporter d’entendre les mensonges proférés par les âmes perfides. Aussi ai-je commis cet acte. Si Dieu me châtie, qu’il soit loué pour ce qu’il fait, et s’il me pardonne, que son commandement soit obéi ».

(165)
Ô Shaykh ! Réfléchis maintenant à l’influence de la parole de Dieu, peut-être te tourneras-tu alors de la gauche des vaines imaginations vers la droite de la certitude. Dans la cause de Dieu, cet opprimé n’a jamais agi avec hypocrisie envers qui que ce soit ; il a vigoureusement proclamé la parole de Dieu à la face de ses créatures. Que celui qui le souhaite se tourne vers elle, et que celui qui le souhaite s’en détourne. Toutefois, si des choses aussi claires, manifestes et indubitables sont niées, quelles sont celles qui peuvent être jugées acceptables et dignes de foi aux yeux des hommes perspicaces ? Nous supplions Dieu - béni et glorifié soit-il - de pardonner à celui que j’ai mentionné plus haut [nota : Hájí Shaykh Muhammad-‘Alí] et de changer ses méfaits en bonnes actions. En vérité, il est le Tout-Puissant, le Très-Généreux.

(166)
Il s’est produit de telles choses dans cette révélation que les interprètes de la science et du savoir ou les manifestations de la justice et de l’équité n’ont d’autre choix que de les reconnaître. En ce jour, il t’incombe de te lever, animé d’un pouvoir céleste, et de dissiper, aidé de la connaissance, les doutes des peuples du monde, afin qu’ils soient sanctifiés, qu’ils dirigent leurs pas vers le très grand Océan et qu’ils adhèrent fermement au dessein de Dieu.

(167)
Quiconque s’est détourné de moi s’est attaché à ses vaines paroles et a opposé ses objections à celui qui est la vérité. Dieu de miséricorde ! Les références à la divinité que firent les saints et les élus de Dieu sont cause de reniements et de rejets. L’Imám Sádiq [nota : Ja’far-i-Sádiq, le sixième Imám chiite (83-148 après l’Hégire)] a dit : « La servitude est une substance dont l’essence est la divinité. » Le Commandeur des fidèles [nota : Imám ‘Alí] répondit à un Arabe qui l’interrogeait au sujet de l’âme : « La troisième est l’âme qui est divine et céleste. C’est une énergie divine, une substance simple et autonome. » Et, plus loin, il dit - que la paix soit sur lui - : « Par conséquent, elle est l’essence sublime de Dieu, l’arbre de la béatitude, l’arbre au-delà duquel il n’est point de passage, le jardin du repos. »
L’Imám Sádiq a dit : « Lorsque notre Qá’im [nota : littéralement : « Celui qui se lèvera », le Promis de l’islam chiite] se lèvera, la terre brillera de la lumière de son Seigneur. » De même, on attribue à Abí-‘Abdi’lláh [nota : nom donné dans la littérature islamique à l’Imám Ja’fár Sádiq] - que la paix soit sur lui - une longue tradition dans laquelle on trouve ces paroles sublimes : « Et après cela, celui qui est l’Irrésistible - exalté et glorifié soit-il - descendra des nuages avec les anges. » Dans le divin Coran, on peut lire : « Que peuvent-ils attendre, sinon que Dieu descende vers eux entouré de nuages ? » Et dans la tradition de Mufaddal [nota : Abú Ja’far-i-Ṭúsí, surnommé Mufaddal, disciple dévoué de l’Imám Sádiq, dont il a transmis de nombreuses traditions], il est dit : « Le Qá’im appuiera le dos contre le sanctuaire [nota : La Kaaba : édifice en forme de cube, au centre de la mosquée à La Mecque, qui renferme la Pierre noire], il tendra la main, et voici qu’elle sera blanche comme neige mais intacte. Et il dira : « Ceci est la main de Dieu, la main droite de Dieu, qui émane de Dieu, sur l’ordre de Dieu ! » Quelle que soit la manière d’interpréter ces traditions, il convient d’interpréter de même les écrits de la Plume suprême.
Le Commandeur des croyants [nota : Imám ‘Alí] a dit : « Je suis celui qui ne peut être ni nommé ni décrit. » De même, il a dit : « Extérieurement, je suis un Imám ; intérieurement, je suis l’Invisible, l’Inconnaissable. » Abú-Ja’far-i-Ṭúsí relate : « Je dis à Abí ‘Abdu’lláh : Vous êtes la voie mentionnée dans le livre de Dieu, vous êtes le tribut, vous êtes le pèlerinage.
Il répondit : Ô homme ! Nous sommes la voie mentionnée dans le livre de Dieu - exalté et glorifié soit-il -, nous sommes le tribut et nous sommes le jeûne, nous sommes le pèlerinage et nous sommes le mois sacré, nous sommes la ville sainte et nous sommes la Kaaba de Dieu, nous sommes la Qiblih de Dieu et nous sommes la face de Dieu ».
Jábir [nota : Abú-Ja’far-i-Ṭúsí et Jábir, comme Mufaddal, transmirent les traditions émanant de l’Imám Sádiq] rapporte qu’Abú-Ja’far - que la paix soit sur lui - s’adressa à lui en ces termes : « Ô Jábir ! Porte ton attention sur le Bayán et les Ma’ání » Il ajouta - que la paix soit sur lui - : « Quant au Bayán [nota : le principal ouvrage doctrinal du fondateur de la dispensation bábíe], il consiste en ce que tu reconnaisses en Dieu - glorifié soit-il - celui qui n’a point d’égal, à ce que tu l’adores et refuses de lui associer des pairs. Quant aux Ma’ání [nota : référence aux Imáms en tant que dépositaires des significations secrètes de la Parole de Dieu], nous sommes sa signification, son flanc, sa main, sa langue, sa cause, son commandement, son savoir et son droit. Si nous souhaitons quelque chose, c’est Dieu qui le souhaite, et il désire ce que nous désirons. »
De plus, le Commandeur des croyants [nota : Imám ‘Alí] - que la paix soit sur lui - a dit : « Comment puis-je adorer un Seigneur que je n’ai pas vu ? » Et ailleurs : « Je n’ai perçu aucune chose si je n’ai pas perçu Dieu avant, Dieu après ou Dieu avec elle ».

(168)
Ô Shaykh ! Médite sur ce qui précède. Par le pouvoir du nom de l’Absolu, peut-être boiras-tu du vin cacheté et trouveras-tu ce que nul n’est capable de comprendre. Ceins-toi les reins pour l’effort et dirige-toi vers le royaume sublime afin de percevoir les souffles de la révélation et de l’inspiration tandis qu’ils descendent sur moi. Puisses-tu ainsi en profiter ! En vérité, je le dis : pour la cause de Dieu, il n’y a jamais eu et il n’y aura jamais de pair ni d’égal. Déchire les voiles des vaines imaginations. En vérité, il te fortifiera et t’assistera en gage de sa grâce. Il est vraiment le Fort, le Conquérant, le Tout-Puissant. L’Arbre sacré lance toujours son appel parmi les hommes, ne souffre point d’en être privé tandis qu’il en est temps encore. Place ta confiance en Dieu, remets-lui tes affaires et entre dans la plus grande Prison, afin d’entendre ce qu’aucune oreille n’a jamais entendu et de voir ce qu’aucun oeil n’a jamais vu. Après un tel exposé, peut-il encore y avoir place pour le doute ? Non, par Dieu qui veille sur sa cause ! En vérité, je le dis : ce jour, ces paroles sacrées « mais il est l’Apôtre de Dieu et le Sceau des prophètes » ont trouvé leur accomplissement dans le verset Le jour où les hommes se tiendront devant le Seigneur des mondes [voir : Coran, 83 : 6]. Rends grâce à Dieu pour cette générosité.

(169)
Ô Shaykh ! Les brises de la révélation ne peuvent jamais être confondues avec d’autres brises. À présent, l’Arbre au-delà duquel il n’est point de passage [nota : Bahá’u’lláh (voir note du verset 47)] se tient devant toi, chargé de fruits innombrables ; ne te souille pas de vaines chimères, comme d’autres le font dans le passé. Ces paroles proclament d’elles-mêmes la vraie nature de la foi de Dieu. C’est lui qui témoigne de toutes choses. Pour démontrer la vérité de sa révélation, il ne dépend et n’a jamais dépendu de qui que ce soit. Près d’une centaine de recueils de versets évidents et de paroles limpides ont déjà été envoyés du ciel de la volonté du Révélateur des signes ; ils sont à la disposition de tous. Il t’appartient de te diriger vers le But ultime, la Fin suprême, le Sommet sublime, afin d’entendre et de contempler ce qui a été révélé par Dieu, le Seigneur des mondes.

(170)
Médite un instant sur les versets relatifs à la présence divine [nota : dans le Coran, il est question de « Rencontre de Dieu ou vision de Dieu ». Shoghi Effendi a traduit par « Présence divine »], révélés dans le Coran par le Seigneur du royaume des noms ; peut-être découvriras-tu le droit chemin et deviendras-tu un instrument qui guidera ses créatures. Il faut que des gens comme toi se lèvent aujourd’hui pour servir cette cause. L’avilissement de cet opprimé, de même que ta gloire passeront. Efforce-toi d’accomplir une oeuvre dont le parfum ne disparaîtra jamais de la terre. À propos de la présence divine, aucun négateur n’a été ni ne sera capable de réfuter ou de rejeter ce qui a été révélé.
Il dit - béni et exalté soit-il - : Dieu est celui qui a élevé les cieux sans colonnes visibles. Il s’est ensuite assis en majesté sur le Trône. Il a soumis le soleil et la lune - chacun d’eux poursuit sa course vers un terme fixé -, il dirige toutes choses avec attention et il explique les Signes. Peut-être croire-vous fermement à la rencontre de votre Seigneur ! [voir : Coran, 13 : 2]
Il dit aussi : Pour celui qui espère la rencontre de Dieu, le terme fixé par Dieu approche. Dieu est celui qui entend et qui sait. [voir : Coran, 29 :5]
Il dit encore - exalté soit-il - Ceux qui sont incrédules à l’égard des Signes de Dieu et de sa Rencontre, voilà ceux qui désespèrent de ma miséricorde, voilà ceux qui subiront un châtiment douloureux [voir : Coran 29 : 23].
De même : Ils disent : « Après que nous aurons disparu dans la terre, redeviendrons-nous une nouvelle création ? » car ils ne croient pas à la Rencontre de leur Seigneur [voir : Coran 32 : 10].
De même, il dit : Ne doutent-ils pas de la Rencontre de leur Seigneur ? La Science de Dieu n’enveloppe-t-elle pas toute chose ?
Et, encore : Quant à ceux qui n’attendent pas notre rencontre, à ceux qui sont satisfaits de la vie de ce monde, à ceux qui y trouvent la tranquillité et qui restent indifférents à nos Signes : Voilà ceux dont le refuge sera le Feu, pour prix de ce qu’ils ont fait [voir : Coran, 10 : 7-8].
Également : Ceux qui n’attendent pas notre Rencontre disent, lorsque nos Versets leur sont lus comme autant de preuves évidentes : « Apportez-nous un autre Coran ! » ou bien « Change celui-ci ! » Dis : « Il ne m’appartient pas de le changer de mon propre chef ; je ne fais que me conformer à ce qui m’est révélé. Oui, je crains, si je désobéis à mon Seigneur, le châtiment d’un Jour terrible » [voir : Coran, 10 : 15].
De même, il dit : Nous avons ensuite donné le Livre à Moïse ; il est parfait pour celui qui l’observe de son mieux ; c’est une explication de toute chose ; une Direction et une Miséricorde. Peut-être croiront-ils à la rencontre de leur Seigneur [voir : Coran, 6 : 154].
Plus loin : Tels sont ceux qui ne croient pas aux Signes de leur Seigneur et à sa rencontre. Leurs actions sont vaines et nous n’attribuons aucun poids à celle-ci le Jour de la Résurrection. Leur rétribution sera la Géhenne, parce qu’ils n’ont pas cru et qu’ils se sont moqués de mes Signes et de mes envoyés [voir : Coran 18 : 105-106].
Il dit également : Est-ce que l’histoire de Moïse t’est parvenue ? Il vit un feu et dit à sa famille : « Restez ici ! J’aperçois un feu ; peut-être vous apporterai-je un tison ou ce feu me fera-t-il trouver une direction ? » Comme il s’approchait, on l’appela : « Ô Moïse ! Je suis, en vérité, ton Seigneur ! Ôte tes sandales : tu es dans la vallée sainte de Tuwa [nota : Vallée sacrée dans le Sinaï]. Je t’ai choisi ! Écoute ce qui t’est révélé : Moi, en vérité, je suis Dieu ! Il n’y a de Dieu que moi. Adore-moi donc ! »
De même, il dit : N’ont-ils pas réfléchi en eux-mêmes ? Dieu n’a pas créé les cieux et la terre, et ce qui se trouve entre les deux qu’en toute vérité et pour un temps déterminé Beaucoup d’hommes, cependant, nient la Rencontre de leur Seigneur [voir : Coran, 30 : 8].
Plus loin : Ne pensent-ils pas qu’ils seront ressuscités un Jour terrible, le Jour où les hommes se tiendront debout devant le Seigneur des mondes ?
Et encore : Nous avons donné le Livre à Moïse. Ne doute pas de sa rencontre [voir : Coran 32 : 23].
Également : Non !... Quand la terre sera réduite en poudre ; quand ton Seigneur viendra ainsi que les Anges, rang par rang [voir : Coran 89 : 21-22].
Il dit aussi : Ils voudraient, avec leur bouche, éteindre la lumière de Dieu, alors que Dieu ne veut que parachever sa lumière, en dépit des incrédules [voir : Coran 9 : 32].
Enfin : Lorsque Moïse voyageait avec sa famille, après avoir accompli le temps fixé, il aperçut un feu du côté du Mont. Il dit à sa famille : « Demeurez ici ; j’aperçois un feu, peut-être vous en apporterai-je une nouvelle ou bien, un tison ardent ; peut-être vous réchaufferez-vous. » Quand il y fut arrivé, on l’appela du côté droit de la vallée dans la contrée bénie et du milieu de l’arbre : « Ô Moïse ! Je suis, en vérité le Seigneur des mondes ! » [voir : Coran, 28 : 29-30]

(171)
Dans tous les livres divins, la promesse de la présence divine est explicitement mentionnée. Et cette présence, c’est la présence de celui qui est l’Aurore des signes, l’Orient des preuves évidentes, la Manifestation des noms excellents et la Source des attributs du vrai Dieu - exaltée soit sa gloire -. Dieu, en son essence et en son être même, a toujours été invisible, inaccessible et inconnaissable. Par présence, il faut comprendre la présence de celui qui est le représentant de Dieu parmi les hommes. En outre, Dieu n’a jamais eu et n’aura jamais de pair ni de semblable. Car si c’était le cas, comment pourrait-on démontrer que son être est exalté au-dessus de toute comparaison et ressemblance, et que son essence en est sanctifiée ? En résumé, ce qui fut révélé dans le Kitáb-i-Íqán [nota : Le livre de la certitude, révélé par Bahá’u’lláh à Bagdad en 1862] concernant la présence et la révélation de Dieu suffit aux justes. Nous le supplions - exalté soit-il - d’aider chacun à devenir l’essence de la loyauté et à se rapprocher de lui. En vérité, il est le Seigneur de force et de pouvoir. Il n’est pas d’autre Dieu que Lui, Celui qui entend tout, le Seigneur de la parole, le Tout-Puissant, le Très-Loué.

(172)
Ô toi qui es réputé pour ton savoir ! Ordonne aux hommes de faire ce qui est louable et ne sois pas de ceux qui tardent. Observe d’un regard perçant ! Sur ordre du Seigneur du royaume de la parole le Roi du ciel de la connaissance, le Soleil de vérité luit, resplendissant, au-dessus de l’horizon de la cité-prison d’Acre. Les opposants ne l’ont point voilé et dix mille armées déployées contre lui n’ont pu l’empêcher de briller. Tu n’as plus d’excuse : tu dois soit le reconnaître, soit - Dieu t’en garde - te lever pour renier tous les prophètes !

(173)
Ô Shaykh, songe à la secte chiite [nota :l’une des deux grandes sectes de l’islam, qui prédomine en Perse]. Combien d’édifices n’ont-ils pas bâtis des mains des vaines chimères et des futiles imaginations et combien de cités n’ont-ils pas construites ! Finalement, ces superstitions se transformèrent en balles destinées au Prince du monde [nota : allusion à l’exécution du Báb]. Pas une seule âme parmi les dirigeants de cette secte ne le reconnut au jour de sa révélation ! Chaque fois que son nom béni était mentionné, tous disaient : « Que Dieu hâte la joie qu’apportera sa venue ! ». Mais au jour de la révélation de ce Soleil de vérité, tous, comme il fut observé, s’exclamèrent : « Que Dieu hâte son châtiment ! » Celui qui était l’Essence de l’être et le Seigneur du visible et de l’invisible fut attaché, et ils commirent ce qui fit pleurer la tablette et gémir la plume. Les cris des âmes sincères éclatèrent et les larmes des élus coulèrent.

(174)
Ô Shaykh ! Médite et sois juste dans tes paroles. Avec l’aide de Dieu, les disciples de Shaykh-i-Ahsá’í [nota : Shaykh Ahmad, fondateur de l’école shaykhí qui annonça l’imminence de l’arrivé du Qa’im] ont perçu ce qui avait été voilé à la compréhension des autres et ce dont ils furent privés. Bref, en chaque âge, en chaque siècle, des divergences provoquées par des âmes menteuses et impies sont apparues au jour de la manifestation des Aurores de la révélation, des Orients de l’inspiration, des Dépositaires de la connaissance divine. Il n’est pas permis de s’étendre sur ce point. Tu es toi-même le mieux informé et le plus familiarisé avec les vaines chimères des superstitieux et les futiles imaginations de ceux qui doutent.

(175)
En ce jour, cet opprimé te demande, ainsi qu’aux autres religieux qui ont bu à la coupe de la connaissance de Dieu et sont éclairés par les paroles resplendissantes du Soleil de justice, de désigner quelqu’un, sans en parler à personne, et de l’envoyer à Chypre en lui permettant d’y demeurer quelque temps et d’y rencontrer Mírzá Yahyá [nota : le plus jeune des demi-frères de Bahá’u’lláh et son implacable ennemi]. Peut-être deviendra-t-il conscient des principes essentiels de cette foi et de la source des lois et des commandements de Dieu.

(176)
Pour peu que tu médites, tu témoigneras de la sagesse, du pouvoir et de la souveraineté de Dieu - exaltée soit sa gloire. Quelques-uns qui ignoraient cette cause et ne nous avaient pas rencontré, ont proféré de telles calomnies que toutes choses, notamment les âmes convaincues, heureuses et agréables à Dieu, ont dû donner un démenti à ces imposteurs. Si tu t’en donnes maintenant la peine, la vérité de cette cause deviendra évidente pour l’humanité et ses peuples seront délivrés de cette obscurité cruelle et oppressante. Qui d’autre que Bahá peut s’exprimer à la face des hommes et qui d’autre que lui a le pouvoir d’annoncer ce que lui ordonna Dieu, le Seigneur des armées ?

(177)
Cet insouciant [nota : Mírzá Yahyá] s’est maintenant attaché à la pratique de Rawdih-Khání [nota : lamentation traditionnelle pour l’Imám Husayn]. Je le jure par Dieu ! Il est manifestement dans l’erreur. Car ce peuple croit que lors de la révélation du Qá’im, les Imáms - que la paix de Dieu soit sur eux - se sont levés de leurs tombeaux. Telle est la vérité, cela ne fait aucun doute. Nous supplions Dieu d’accorder aux superstitieux une part des eaux vives de la certitude qui jaillissent de la source de la Plume suprême, afin que chacun obtienne ce qui convient à ces jours.

(178)
Ô Shaykh ! Entouré de tribulations, cet opprimé consigne ces paroles. De toutes parts, on aperçoit la flamme de l’oppression et de la tyrannie. Ainsi, la nouvelle nous parvient que nos bien-aimés [nota : Hájí Mullá ‘Alí-Akbar et Hájí Amín, Mains de la cause, arrêtés en 1891 et incarcérés dans la prison de Qazvín] ont été arrêtés en terre de Ṭá [nota : Téhéran], bien que le soleil, la lune, la terre et la mer témoignent que ce peuple est paré de l’ornement de la loyauté, qu’il ne s’attache et ne s’attachera à rien d’autre que ce qui garantit la grandeur du gouvernement, le maintien de l’ordre au sein de la nation et la tranquillité des habitants.

(179)
Ô Shaykh ! Combien de fois ne l’avons-nous pas répété : pendant bien des années, nous avons soutenu Sa Majesté le Sháh. Aucun incident fâcheux ne s’est produit en Perse depuis bien longtemps. Le Pouvoir a tenu fermement en ses mains les rênes des agitateurs au sein des diverses sectes. Personne n’a transgressé ses limites. Par Dieu ! Cette communauté n’est pas, et n’a jamais été, encline à commettre des méfaits. Son coeur est illuminé de la lumière de la crainte de Dieu et paré de l’ornement de son amour. Sa préoccupation est, aujourd’hui comme hier, le mieux-être du monde. Son but est d’éliminer les divergences, d’éteindre la flamme de la haine et de l’inimitié, afin que la terre entière soit considérée comme un seul et même pays.

(180)
De même, les officiels de l’ambassade de Perse dans la grande Cité [nota : Constantinople] cherchent avec détermination et constance à exterminer ces opprimés. Ils désirent une chose et Dieu en désire une autre. Considère maintenant ce qui advient en chaque pays aux fidèles de Dieu : tantôt ils sont accusés de vol et de larcin, tantôt ils sont calomniés d’une manière sans équivalent dans le monde. Réponds honnêtement : quelles pouvaient être les conséquences à l’étranger, de l’accusation de vol portée par l’ambassade de Perse contre ses propres sujets ? Cet opprimé en ressentit de la honte, non pas en raison de l’humiliation subie, mais plutôt à cause de la perception par des ambassadeurs étrangers de l’incompétence et de l’incompréhension de personnalités éminentes de l’ambassade de Perse.
« Lances-tu tes calomnies à la face de ceux dont le seul vrai Dieu a fait les dépositaires des trésors de son septième ciel ? » [nota : vers du Mathnavi du poète persan Rumí]
Bref, au lieu de chercher, comme ils auraient dû le faire, à parvenir aux rangs les plus élevés grâce à celui qui occupe cette condition sublime et à requérir son avis, ils s’efforcent toujours d’éteindre sa lumière. Toutefois, comme rapporté, Son Excellence l’ambassadeur Mu’ínu’l-Mulk, Mírzá Muhsin Khán - que Dieu l’assiste - était absent de Constantinople à ce moment. Cela s’est produit parce que l’on croyait Sa Majesté le Sháh de Perse - que le Très-Miséricordieux l’assiste - courroucée contre ceux qui ont atteint et côtoient le Sanctuaire de la sagesse. Dieu est témoin et sait que cet opprimé s’est toujours attaché à tout ce qui contribuait à la gloire du gouvernement et de la nation. En vérité, Dieu est un témoin suffisant.

(181)
Décrivant le peuple de Bahá, la Plume suprême a révélé ces paroles : « En vérité, ce sont des hommes qui ne s’attardent point lorsqu’ils passent dans des cités d’or pur et se détournent lorsqu’ils rencontrent les femmes les plus belles et les plus gracieuses. »
Voilà ce qu’a révélé la Plume suprême pour le peuple de Bahá, de la part du Conseiller, de l’Omniscient. Dans les derniers passages de l’épître à Sa Majesté l’Empereur de Paris [nota : Napoléon III] ont été révélées ces paroles exaltées :
Te réjouis-tu des trésors que tu possèdes, sachant qu’ils périraient ? Te réjouis-tu de gouverner un empan de terre quand, pour le peuple de Bahá, le monde entier ne vaut pas plus que la pupille de l’oeil d’une fourmi morte ? Abandonne-les à ceux qui s’y attachent et tourne-toi vers le Désir du monde.

(182)
Seul Dieu - exaltée soit sa gloire - connaît ce qui advint à cet opprimé. Chaque jour apporte à l’ambassade de Constantinople un nouveau récit d’incidents dirigés contre nous. Dieu de miséricorde ! L’unique objet de leurs machinations est d’éliminer ce serviteur. Ils oublient, toutefois, que l’humiliation dans le chemin de Dieu est ma gloire véritable. Dans les journaux, on pouvait lire notamment : « À propos des agissements frauduleux de certains exilés d’Acre et de leurs exactions contre plusieurs personnes, etc... »
Pour les partisans de la justice et les aurores d’équité, l’intention de l’auteur était évidente et explicite son objectif. En résumé, celui-ci m’infligea toutes sortes de cruautés, d’injustices et de tourments. Par Dieu ! Cet opprimé n’échangerait point ce lieu d’exil pour la demeure la plus sublime. Aux yeux de toute personne perspicace, ce qui advient dans le sentier de Dieu est gloire manifeste et rang suprême. Nous avons dit précédemment :
« Gloire à toi, ô mon Dieu ! Sans les tribulations endurées dans ton chemin, pourrait-on reconnaître tes vrais amants ; et sans les épreuves subies par amour pour toi, comment le rang de ceux qui te désirent pourrait-il être révélé ? »

(183)
Chaque jour, ils répandaient de nouvelles calomnies et telle était notre humiliation. Mais cet opprimé ne se départit pas de la patience qui s’imposait. Si seulement Sa Majesté le Sháh demandait un rapport sur ce qui nous advint à Constantinople afin d’être pleinement informé des faits réels ! Ô Sháh ! Par ton Seigneur, le Dieu de miséricorde ! Je t’adjure d’examiner cette affaire d’un oeil impartial. Trouvera-t-on un juste qui, en ce jour, jugera selon ce que Dieu a envoyé dans son Livre ? Où est la personne impartiale qui examinera équitablement ce qui fut perpétré contre nous sans preuve ni témoignage irréfutable ?

(184)
Ô Shaykh ! Médite sur le comportement des hommes. Les habitants des cités de la connaissance et de la sagesse sont perplexes et se demandent pourquoi la secte chiite qui, de tous les peuples du monde, se considère comme la plus savante, la plus honnête et la plus dévote, s’est égarée au jour de sa révélation et a fait preuve d’une cruauté sans précédent. Il t’incombe de réfléchir un instant. Depuis les débuts de cette secte jusqu’à maintenant, combien de religieux dont aucun n’a compris la nature de cette révélation ! Quelle peut être la cause de cette négligence ? Si nous devions la mentionner, leurs membres se briseraient. Qu’ils méditent des milliers d’années durant ! Peut-être obtiendront-ils quelques gouttes de l’océan de la connaissance et découvriront-ils ce qu’ils négligent aujourd’hui.

(185)
Alors que je marchais sur la terre de Ṭá [nota : Téhéran], l’aurore des signes de ton Seigneur, j’entendis les lamentations des minbars [nota : chaire d’une mosquée] et leurs supplications vers Dieu, béni et glorifié soit-il. Ils s’écriaient : « Ô Dieu du monde et Seigneur des nations ! Tu vois notre condition et ce qui nous est advenu par la cruauté de tes serviteurs. Tu nous créas et tu nous révélas pour te glorifier et te louer. À présent, tu entends ce que les rebelles proclament à notre sujet en tes jours. Par ta puissance ! Notre âme fond et nos membres frissonnent. Hélas, hélas ! Puisses-tu ne nous avoir jamais créés, jamais révélés ! »

(186)
À ces paroles, le coeur des proches de Dieu se consume et s’élèvent les cris des serviteurs dévoués. Maintes et maintes fois avons-nous, pour l’amour de Dieu, convoqué des religieux éminents et les avons-nous invités vers l’Horizon sublime afin qu’aux jours de sa révélation ils puissent obtenir leur part de l’océan de la parole du Désir du monde et n’en demeurent pas totalement privés.

(187)
Dans la plupart de nos épîtres, cette exhortation retentissante est descendue du ciel de sa miséricorde qui englobe toutes choses. Nous avons dit notamment :
Ô assemblée de dirigeants et de religieux ! Tendez l’oreille vers la voix s’élevant de l’horizon d’Acre. En vérité, elle vous dirige dans le droit chemin, vous rapproche de Lui et vous conduit à la condition dont Dieu a fait la source de sa révélation et l’orient de ses splendeurs. Ô peuples du monde ! Le plus grand Nom est apparu de la part de l’antique Roi. Il a annoncé aux hommes la révélation cachée dans sa connaissance, préservée dans le trésor de sa protection et consignée par la Plume suprême dans les livres de Dieu, le Seigneur des seigneurs. Ô peuple de Shín ! [nota : Chiráz] As-tu oublié ma tendre bonté et ma miséricorde surpassant toutes choses créées et procédant de Dieu qui courbe l’échine des hommes ?

(188)
Le Kitáb-i-Aqdas [nota : Le Très-Saint Livre de Bahá’u’lláh, renfermant sa Loi et constituant la charte de son nouvel ordre mondial, (1873)] révèle ce qui suit :
Dis : Ô chefs religieux ! Ne pesez pas le Livre de Dieu selon les normes et les connaissances qui ont cours parmi vous, car le Livre est lui-même l’infaillible balance établie parmi les hommes. Cette balance parfaite doit peser ce que possèdent tous les peuples et les gens de la terre et ses poids doivent être vérifiés d’après son propre étalon, puissiez-vous le savoir. L’oeil de ma tendre bonté pleure douloureusement sur vous, car vous n’avez pas su reconnaître celui que vous appeliez de jour et de nuit, soir et matin.
Ô peuple ! Le visage blanc comme neige et le coeur radieux, avance vers le sanctuaire vermeil et béni où s’écrie l’Arbre au-delà duquel il n’y a pas de passage [nota : Sadratu’l-Muntahá : arbre planté par les Arabes dans les temps anciens à l’extrémité d’une route. Symboliquement, la Manifestation divine (voir note du verset 47)] : « En Vérité, il n’est pas d’autre Dieu que Moi, l’omnipotent Protecteur, l’Absolu ! »
Ô chefs religieux de Perse ! Qui, parmi vous, peut rivaliser avec moi en perspicacité ou en intuition ? Où est celui qui osera se prétendre mon égal en paroles ou en sagesse ? Non, par mon Seigneur, le Très Miséricordieux ! Tous sur terre passeront ; et voici la Face de votre Seigneur, le Tout-Puissant, le Bien-Aimé. [nota : selon le Coran, tout sera anéanti sur la terre lors du jugement dernier, seule la Face de Dieu demeurera. Selon l’interprétation bahá’íe, tout sera récréé par la nouvelle révélation]
Ô peuple, nous avons décrété que la fin suprême et dernière de toute étude est la reconnaissance de celui qui est l’objet de tout savoir ; et, pourtant, voyez comme vous avez laissé votre science s’interposer, telle un voile, entre vous et celui qui est l’Aurore de cette lumière, par qui chaque chose cachée fut révélée.
Dis : Voici en vérité le ciel où le Livre-Mère [nota : le Livre originel et symbolique, préservé aux cieux, d’où sont tirés tous les Livres saints] est précieusement gardé, si seulement vous pouviez le comprendre. Il est celui qui a fait crier le Rocher [nota : Abraham], celui qui a poussé le Buisson ardent [nota : Moïse] à élever la voix sur le mont dominant la Terre sainte et à proclamer : « Le royaume est à Dieu, le souverain Seigneur de tous, le Tout-Puissant, Celui qui aime ! « Nous n’avons fréquenté aucune école ni lu aucun de vos commentaires.
Prêtez l’oreille aux paroles de celui qui ne possède pas une science acquise, paroles par lesquelles il vous appelle à Dieu, l’Éternel. Cela vaut mieux pour vous que de posséder tous les trésors de la terre, puissiez-vous le comprendre ! Quiconque interprète ce qui est envoyé du ciel de la révélation et en altère le sens évident fait assurément partie de ceux qui ont perverti la sublime parole de Dieu ; il est compté parmi les égarés dans le Livre lumineux. [nota : Kitáb-i-Aqdas, op. cit., §99 à 105]


(189)
Puis nous entendîmes les plaintes de la vraie Foi et nous lui dîmes : « Ô vraie Foi ! Pourquoi t’entends-je crier dans la nuit, gémir pendant le jour et te lamenter à l’aurore ? » Elle répondit : « Ô Prince du monde, manifesté par le plus grand Nom ! Les insouciants ont tailladé les jarrets de ta blanche chamelle [nota : la chamelle du prophète Sálih dont les infidèles avaient coupé les jarrets], fait sombrer ton arche vermeille, voulu éteindre ta lumière et voiler la face de ta Cause. C’est pourquoi s’élève la voix de mes lamentations, comme se lamentent toutes choses créées. Cependant, la plupart des hommes n’en sont pas conscients ». Aujourd’hui, la vraie Foi s’agrippe au pan de notre générosité et gravite autour de notre personne.

(190)
Ô Shaykh ! Entre en ma présence, contemple ce que n’a jamais contemplé l’oeil de l’univers et entends ce que n’a jamais entendu l’oreille de la création tout entière. Ainsi pourras-tu te libérer du bourbier des vaines chimères et tourner ton visage vers le rang suprême d’où cet opprimé proclame : « Le royaume est à Dieu, le Tout-Puissant, le Très-Loué ! » Nous aimerions que, grâce à tes efforts, les ailes des hommes soient purifiées de la boue de l’ego et du désir, qu’elles soient rendues dignes de s’élever jusqu’au ciel de l’amour divin. Les ailes souillées de fange ne pourront jamais s’envoler. En témoignent les défenseurs de la justice et de l’équité [nota : les Manifestations de Dieu]. Pourtant, le peuple est en proie à un doute évident.

(191)
Ô Shaykh ! De tous côtés s’élèvent contre nous des objections telles que notre plume a honte de les rapporter. Néanmoins, en vertu de notre grande miséricorde, nous y avons répondu, en fonction de la compréhension des hommes afin qu’ils soient sauvés du feu de la négation et du refus et soient illuminés par la lumière de la confirmation et de l’acceptation. L’équité est bien rare, et la justice est morte.

(192)
En réponse à certaines personnes, nous avons entre autres révélé, du royaume de la science divine, ces versets limpides :
Ô toi qui as tourné ton visage vers les splendeurs de ma face ! De vagues chimères ont circonvenu les habitants de la terre et les ont empêchés de se tourner vers l’horizon de la certitude, vers son éclat, ses manifestations et ses lumières. Les superstitions les séparent de celui qui ne dépend que de lui-même. Mus par leurs propres fantaisies, ils parlent et ne comprennent point.
Ainsi, il y a ceux qui disent : « Les versets furent-ils révélés ? » Dis : « Oui, par le Seigneur des cieux ! »
« L’heure est-elle venue ? » « Bien plus, elle est passée, par le Dispensateur des signes évidents ! En vérité, l’Inévitable est là, et lui, le Vrai, est apparu avec preuves et témoignages. Le chemin est grand ouvert, l’humanité est cruellement affligée et apeurée. Les peuples, secoués par des tremblements de terre, se lamentent par crainte de Dieu, le Fort, l’Irrésistible. »
Dis : « La sonnerie assourdissante de la trompette a retenti et ce jour est le jour de Dieu, l’Unique, l’Indépendant. »
« La catastrophe est-elle passée ? » Dis : « Oui, par le Seigneur des seigneurs ! » « La résurrection est-elle arrivée ? » « Bien plus, l’Indépendant est apparu avec le royaume de ses signes ! »
« Vois-tu des hommes abattus ? » « Oui, par mon Seigneur, l’Exalté, le Très-Haut ! »
« Les souches d’arbres furent-elles déracinées ? » « Oui, et plus encore : les montagnes sont réduites en poussière par le Seigneur des attributs ! »
Ils disent : « Où est le paradis ? Où est l’enfer ? » Dis : « Le premier est réunion avec moi, le second, ton ego, ô toi qui associes des pairs à Dieu, toi qui doutes. »
Ils disent : « Nous ne voyons pas la balance. » Dis : « Assurément, par mon Seigneur, le Dieu de miséricorde ! Nul ne peut la voir, excepté ceux qui sont clairvoyants. »
« Les étoiles sont-elles tombées ? » Dis : « Oui, lorsque l’Indépendant résidait au pays du mystère [nota : Andrinople].
Soyez avertis, vous qui êtes doués de discernement ! » Tous les signes apparurent quand nous sortîmes la main de pouvoir du sein de la majesté et de la puissance. En vérité, le héraut appela à grands cris quand fut venu le temps promis. Ceux qui reconnurent les splendeurs du Sinaï se sont évanouis dans le désert de l’hésitation devant la terrifiante majesté de ton Seigneur, le Seigneur de la création.
La trompette interroge : « A-t-on donné du clairon ? » Dis : « Oui, par le roi de la révélation ! Lorsqu’il gravit le trône de son nom, l’Infiniment Miséricordieux. » L’aurore de la clémence de ton Seigneur, source de toute lumière, a chassé les ténèbres. La brise du Très-Miséricordieux a soufflé et a revivifié les âmes dans le tombeau de leurs corps. Ainsi le décret fut accompli par Dieu, le Puissant, le Bienfaiteur.
Ceux qui se sont égarés disent : « Quand les cieux furent-ils fendus ? » Dis : « Pendant que vous gisiez dans les tombes de la rébellion et de l’erreur ! » Parmi les négligents, il y a celui qui se frotte les yeux et regarde à droite et à gauche. Dis : « Tu es aveugle ! Il n’est pas de refuge où tu pourrais fuir. »
Et si parmi eux, un autre dit : « Des hommes furent-ils rassemblés ? » Dis : « Oui, par mon Seigneur ! pendant que tu gisais dans le berceau des chimères. »
A celui d’entre eux qui dit : « Le Livre a-t-il été envoyé par le pouvoir de la vraie Foi ? », dis : « La vraie Foi elle-même est stupéfaite. Craignez Dieu, ô vous, les sages ! »
Il y aussi celui qui dit : « Suis-je associé à d’autres et aveugle ? » Dis : « Oui, par Celui qui chevauche les nuages ! » Le paradis est couvert de roses mystiques et l’enfer brûle du feu des impies.
Dis : « La lumière a jailli de l’horizon de la révélation et la terre tout entière s’est illuminée dès la venue de celui qui est le Seigneur du jour de l’alliance ! » Ont péri ceux qui doutaient et prospéré celui qui s’est tourné vers l’Orient de la certitude, guidé par la lumière de la sécurité.
Béni sois-tu, toi qui as fixé ton regard sur moi, car je t’ai révélé cette épître qui élève l’âme des hommes. Apprends-la par coeur et récite-la. Par ma vie ! C’est la porte de la clémence de ton Seigneur.
Bienheureux qui la récite soir et matin. En vérité, nous entendons ton éloge de cette cause qui pulvérise la montagne de la connaissance et fait trébucher les hommes. Que ma gloire soit sur toi et sur qui se tourne vers le Tout-Puissant, le Très-Généreux ! L’épître est terminée, mais le thème est inépuisable. Sois patient, car ton Seigneur est patient.


(193)
Ces versets, nous les avons révélés peu après notre arrivée dans la ville-prison d’Acre et nous te les adressons pour que tu apprennes ce que leurs bouches mensongères ont proféré lorsqu’ils connurent la puissance et la souveraineté de notre cause. Les fondements des vaines chimères ont tremblé, le ciel des futiles imaginations s’est déchiré et, pourtant, les hommes sont dans le doute et en conflit avec Lui. Ils renient le témoignage de Dieu et sa preuve alors qu’il vint du ciel du pouvoir avec le monde de ses signes. Ils rejettent ce qui est prescrit et commettent ce qui leur est interdit dans le Livre. Ils abandonnent leur Dieu et s’attachent à leurs désirs. Quelle négligence et quelle erreur ! Ils lisent les versets et les renient. Ils contemplent les signes évidents et s’en écartent. Certes, ils sont plongés dans un étrange aveuglement.

(194)
Nous exhortons nos bien-aimés à craindre Dieu car la crainte de Dieu est la source de tous les actes nobles et de toutes les vertus. Elle commande les armées de la justice dans la cité de Bahá. Heureux l’homme qui s’abrite sous son lumineux étendard et s’y attache fermement. En vérité, il est du nombre des compagnons de l’Arche vermeille mentionnée dans le Qayyúm-i-Asmá. [nota : commentaire de la Sourate de Joseph, le premier ouvrage révélé par le Báb]

(195)
Dis : « Ô peuple de Dieu ! Ornez vos coeurs de la parure de la loyauté et de la piété, puis aidez votre Seigneur avec les armées des actes nobles et un caractère louable. Dans nos livres, nos écrits, nos manuscrits et nos épîtres, nous vous avons interdit les dissensions et les conflits, ne souhaitant rien d’autre que votre élévation et votre progrès. En témoignent les cieux et leurs étoiles, le soleil et son éclat, les arbres et leurs feuilles, les mers et leurs vagues, la terre et ses trésors. Nous prions Dieu d’assister ses bien-aimés et de leur dispenser ce qui leur convient dans cette bienheureuse, puissante et merveilleuse condition spirituelle ».

(196)
Dans une autre épître, nous avons dit :
Ô toi qui as fixé ton regard sur ma face ! Exhorte les hommes à craindre Dieu. Par Dieu ! Cette crainte commande de l’armée de ton Seigneur. Des actes nobles et un caractère louable en sont les troupes. De tout temps, elle a conquis la cité du coeur des hommes et levé les étendards de l’autorité et du triomphe au-dessus de tous les autres étendards.

(197)
Nous te citerons à présent la fidélité et son rang aux yeux de Dieu, ton Seigneur, le Seigneur du trône puissant. Un jour, nous nous rendîmes dans notre île verdoyante. À notre arrivée, nous contemplâmes les eaux rapides de sa rivière et ses arbres luxuriants au travers desquels se jouait le soleil. Regardant vers la droite, nous vîmes ce que la plume est impuissante à décrire ; elle est incapable de relater ce que vit l’oeil du Seigneur de l’humanité en ce lieu sanctifié et sublime, exalté et béni. Nous tournant alors vers la gauche, nous contemplâmes l’une des beautés du paradis suprême qui, dressée sur une colonne de lumière, s’écriait avec force :
« Ô habitants du ciel et de la terre ! Voyez ma beauté, mon apparence, ma splendeur et mon éclat. Par Dieu, le vrai ! Je suis la Fidélité, sa manifestation et sa beauté. Je récompenserai quiconque s’attachera à moi, reconnaîtra mon rang et ma condition, et se tiendra fermement au pan de ma robe. Je suis le plus grand ornement du peuple de Bahá et l’habit de gloire pour tous ceux qui sont dans le royaume de la création. Je suis l’instrument suprême de la prospérité du monde et l’horizon de certitude pour tous les êtres. »
Ainsi t’avons-nous révélé ce qui rapprochera les hommes du Seigneur de la création.

(198)
Cet opprimé a toujours convié les peuples du monde à ce qui les élève et les rapproche de Dieu. De l’horizon suprême est apparu ce qui ne laisse aucune place à l’hésitation, au rejet ou au reniement. Toutefois, les obstinés n’en ont pas profité et n’ont fait qu’aggraver leur perte.

(199)
Ô Shaykh ! Il incombe aux religieux de s’unir à Sa Majesté le Sháh - que Dieu l’assiste - et de s’attacher, nuit et jour, à rehausser l’état du gouvernement et de la nation. Ce peuple s’efforce d’éclairer les âmes des hommes et de réhabiliter leur condition. En témoigne ce que la Plume suprême révèle dans cette épître limpide. Comme les choses sont souvent simples et faciles à accomplir ! Pourtant, la plupart des hommes restent insouciants et se préoccupent de ce qui leur fait perdre leur temps !

(200)
Un jour à Constantinople, Kamál Páshá [nota : premier ministre à la Cour du Sultan ‘Abdu’l-‘Azíz] rendit visite à cet opprimé. Notre conversation porta sur des sujets bénéfiques à l’homme. Il dit qu’il avait appris plusieurs langues. À cela, nous observâmes : « Vous avez perdu votre temps. Il vous appartient, à vous et aux autres membres du gouvernement, de vous réunir pour choisir une des langues et une des écritures existantes, ou bien de créer une langue et une écriture nouvelles, à enseigner aux enfants des écoles du monde entier. Ainsi ils n’apprendraient que deux langues : leur langue maternelle et la langue dans laquelle s’entretiendraient tous les peuples du monde. Si l’on s’en tient à ce qui vient d’être mentionné, la terre entière sera considérée comme un seul pays, et ses habitants libérés de la nécessité d’apprendre et d’enseigner des langues différentes. » Devant nous, il acquiesça et manifesta même une grande joie et une entière satisfaction. Nous lui demandâmes alors de soumettre la question aux fonctionnaires et aux ministres du gouvernement, afin que ce projet puisse être mis en oeuvre dans les différentes provinces. Toutefois, bien qu’il revînt souvent nous voir par la suite, il ne fit jamais plus référence à ce sujet ; pourtant, notre suggestion aurait contribué à la concorde et à l’unité des peuples du monde.

(201)
Nous souhaiterions que le gouvernement persan adopte le projet et en assure la mise en oeuvre. Actuellement, une langue et une écriture nouvelles ont été créées [nota : l’espéranto fut créé en 1887 par Zamenhof et le Volapük en 1890 par Johan Martin Schleyer. On ne sait pas à qui Bahá’u’lláh fait ici allusion]. Si tu le désires, nous te les communiquerons. Notre but est que tous les hommes s’emploient à réduire le travail et les efforts inutiles afin que leur vie s’écoule et s’achève utilement. En vérité, Dieu est le Secours, le Savant, l’Ordonnateur, l’Omniscient.

(202)
Si Dieu le veut, la Perse pourra se parer de ce qui lui a manqué jusqu’à présent. Dis : « Ô Sháh ! Efforce-toi d’illuminer tous les peuples du monde par les éclats resplendissants du soleil de ta justice. Cet opprimé ne souhaite que la fidélité, la sincérité, la pureté et tout ce qui profite à l’humanité. » Ne le considère point comme un traître. Glorifié es-tu, ô mon Dieu, mon maître et mon soutien ! Aide Sa Majesté le Sháh à exécuter tes lois et tes commandements et à manifester ta justice parmi tes serviteurs. Tu es, en vérité, le Très-Généreux, le Seigneur de grâce abondante, le Tout-Puissant. La cause de Dieu est venue en signe de sa grâce. Heureux ceux qui agissent ; heureux ceux qui comprennent ; heureux celui qui s’est attaché à la vérité, détaché de tout ce qui est sur la terre et dans les cieux !

(203)
Ô Shaykh ! Dirige-toi vers le rivage du très grand océan, puis pénètre dans l’Arche vermeille [nota : chacune des révélations du passé était désignée comme « Arche ». C’est ici une référence à la cause de Bahá’u’lláh] que Dieu, dans le Qayyúm-i-Asmá [nota : commentaire de la Sourate de Joseph, le premier ouvrage révélé par le Báb], a réservée au peuple de Bahá. En vérité, elle vogue sur terre et mer. Quiconque y pénètre est sauvé ; qui s’en détourne, est perdu. Si tu devais l’atteindre et y entrer, tourne ton visage vers la Kaaba de Dieu, le Secours, l’Absolu, et dis : « Ô mon Dieu ! Je te supplie par ta lumière la plus glorieuse, et en vérité toutes tes lumières sont glorieuses. » Alors les portes du royaume s’ouvriront toutes grandes devant toi, tu contempleras ce que les yeux n’ont jamais contemplé et entendras ce que les oreilles n’ont jamais entendu. Cet opprimé t’exhorte comme il le fit auparavant ; il n’a jamais eu d’autre désir que de te voir pénétrer dans l’océan de l’unité de Dieu, le Seigneur des mondes. Voici le jour où toutes choses créées proclament et donnent aux hommes la bonne nouvelle de cette révélation par laquelle apparaît ce qui était caché et préservé dans la science de Dieu, le Puissant, le Magnifié.

(204)
Ô Shaykh ! Tu as entendu les douces mélodies des colombes de la parole roucoulant sur les branches de l’arbre de la connaissance. Écoute à présent les chants des oiseaux de la sagesse s’élevant dans le paradis suprême. En vérité, ils t’apprendront ce que tu ignorais. Prête l’oreille à ce qu’a proféré la langue de la puissance et du pouvoir dans les livres de Dieu, le Désir des coeurs qui comprennent. En ce moment, une voix s’élève de l’Arbre au-delà duquel il n’est point de passage, au coeur du paradis suprême ; elle m’ordonne de te relater ce qu’ont révélé les livres et les épîtres et ce qu’a proféré mon précurseur qui sacrifia sa vie pour cette grande nouvelle et ce droit chemin. Il a dit et, assurément, il dit la vérité :
Pour le mentionner, j’ai écrit ces mots semblables à des pierres précieuses : « Aucune de mes allusions, aucune mention dans le Bayán, ne peut lui rendre justice. »
Plus loin, au sujet de cette puissante révélation et de cette suprême proclamation, il dit - exalté et glorifié soit-il - :
Il est élevé et sanctifié au-dessus de toute tentative de le révéler, si ce n’est par lui-même, et au-dessus de toute description par l’une de ses créatures. Moi-même, je ne suis que le premier serviteur à croire en lui et en ses signes, à prendre ma part des doux parfums de ses paroles exhalés par les prémices du paradis de sa connaissance. Oui, par sa gloire ! Il est la vérité. Il n’est pas d’autre Dieu que Lui. Tous se sont levés à son commandement.
Telles sont les paroles chantées par la colombe de vérité sur les branches de l’arbre divin. Heureux celui qui a prêté l’oreille à son chant et bu aux océans de la Parole divine que recèle chacun de ces mots. Dans d’autres circonstances, la voix du Bayán s’est fait entendre des plus hautes branches.
Il dit - béni et glorifié soit-il -: En l’an neuf [nota : la neuvième année de la révélation bábíe, 1269 de l’hégire, pendant laquelle Bahá’u’lláh reçut sa révélation], vous connaîtrez la plénitude.
De même, il dit : En l’an neuf, vous atteindrez la présence de Dieu.
Ces mélodies, chantées par les oiseaux des cités de la connaissance, sont conformes à ce que le Très-Miséricordieux a révélé dans le Coran. Heureux les perspicaces ; bénis ceux qui comprennent !

(205)
Ô Shaykh ! Je le jure par Dieu ! La rivière de la miséricorde coule, l’océan de la parole se soulève et le soleil de la révélation brille, resplendissant. Le coeur pur et empli de joie, récite avec sincérité les paroles sublimes révélées par mon précurseur, le Point premier. S’adressant à Son Excellence ‘Azím [nota : Mullá Shaykh ‘Alí Khurásání, surnommé ‘Azím (grand), un des premiers disciples du Báb, à qui celui-ci révéla le nom et l’avènement de Bahá’u’lláh dans le Livre des cinq rangs. Martyrisé en 1852 à Téhéran], il dit - glorifiée soit sa parole - :
C’est en vérité, ce que nous t’avons promis juste avant de répondre à ton appel. Attends que neuf se soit écoulé à partir du temps du Bayán. Puis exclame-toi : « Béni soit Dieu, le plus excellent des créateurs ! » Dis : « En vérité, personne n’a compris cette annonce, excepté Dieu. Et le jour venu, vous l’ignorerez. »
La neuvième année, cette révélation suprême apparut, brillant au-dessus de l’horizon de la volonté divine. Nul ne peut la nier, si ce n’est l’insouciant et le sceptique. Nous prions Dieu d’aider ses serviteurs à retourner vers lui et à implorer son pardon pour ce qu’ils ont commis en cette vie stérile. En vérité, il est l’Indulgent, le Très-Miséricordieux.
Par ailleurs, mon précurseur dit : Je suis le premier serviteur à croire en lui et en ses signes.
De même, dans le Bayán persan, il dit - béni et glorifié soit-il - : Certes, il est celui qui, en toutes circonstances, proclame : « En vérité, je suis Dieu !... »
Ce que nous entendons par « divinité » a été précisé antérieurement. En vérité, nous avons déchiré les voiles et révélé ce qui rapprochera les hommes de Dieu qui fait ployer l’échine des hommes. Heureux l’homme parvenu à la justice et à l’équité par cette grâce qui a embrassé tout ce qui est sur la terre et dans les cieux, conformément à l’ordre de Dieu, le Seigneur des mondes.

(206)
Ô Shaykh ! Écoute d’une oreille impartiale les mélodies de l’Évangile. Prophétisant les choses à venir, il dit - glorifiée soit sa parole - : Mais ce jour et cette heure, nul ne les connaît, ni les anges des cieux, ni le Fils, personne sinon le Père, et lui seul [voir : Matthieu, 24 : 36].
Le Père, ici, désigne Dieu - exaltée soit sa gloire ! En vérité, il est le véritable Educateur et le Maître spirituel.

(207)
Joël dit : Grand est le jour du Seigneur, redoutable à l’extrême : qui peut le supporter ! [voir : Joël, 2 : 11]
D’abord, dans la sublime parole contenue dans l’Évangile, il dit que nul ne connaît le moment de la révélation, que nul ne le sait, excepté Dieu, l’Omniscient, le Savant. Ensuite, il expose la grandeur de la révélation.
De même, dans le Coran, il est dit : Sur quoi s’interrogent-ils mutuellement ? Sur l’Annonce solennelle. » [voir : Coran, 78 : 1-2]
La voici, l’annonce dont la grandeur fut mentionnée dans la plupart des livres anciens et plus récents. C’est elle, l’annonce qui a fait trembler les membres de l’humanité à l’exception de ceux que Dieu, le Protecteur, le Secours, le Sauveur, a voulu épargner. Le peuple a vu, de ses propres yeux, comment tous les hommes et toutes les choses furent plongés dans la confusion et dans une cruelle perplexité, à l’exception de ceux que Dieu a choisi d’exempter.

(208)
Ô Shaykh ! Grande est la cause et grande l’annonce ! Avec patience et tranquillité, réfléchis aux signes resplendissants, aux paroles sublimes et à tout ce qui est révélé en ces jours. Peut-être comprendras-tu les mystères cachés dans les livres et t’efforceras-tu de guider ses serviteurs. De ton oreille interne, écoute la voix de Jérémie qui dit : Malheur ! Oui, grand est ce jour-là, aucun ne lui ressemble. [voir : Jérémie, 30 : 7] Si tu observais d’un oeil impartial, tu percevrais la grandeur de ce jour. Prête l’oreille à la voix de ce conseiller omniscient et ne souffre point d’être privé de la miséricorde qui surpasse toutes choses créées, visibles et invisibles. Prête l’oreille au chant de David.
Il dit : Qui me mènera vers la ville fortifiée ? [voir : Psaumes, 108 : 11]
La ville fortifiée est Acre qui fut surnommée la plus grande Prison et qui possède une forteresse et de puissants remparts.

(209)
Ô Shaykh ! Lis ce dont a parlé Isaïe dans son livre.
Il dit : Quant à toi, monte sur une haute montagne, Sion, joyeuse messagère, élève avec énergie ta voix, Jérusalem, joyeuse messagère élève-la, ne crains pas, dis aux villes de Juda : « Voici votre Dieu. Voici le Seigneur Dieu ! Avec vigueur il vient, et son bras lui assurera la souveraineté » [voir : Isaïe, 40 : 9-10].
En ce jour, tous les signes sont apparus. La grande Cité est descendue du ciel et Sion tremble et exulte à l’annonce de la révélation divine, car elle a entendu la voix de Dieu résonner de toutes parts. En ce jour, Jérusalem est parvenue à un nouvel Évangile, car le cèdre s’élève à la place du sycomore. Jérusalem, lieu de pèlerinage de tous les peuples du monde, a été surnommée la Ville sainte. Avec Sion et la Palestine, elle est située dans ces régions. C’est pourquoi il a été dit : « Béni l’homme qui a migré vers Acre ».

(210)
Amos dit : De Sion, le Seigneur rugit et de Jérusalem, il donne de la voix, les pâturages des bergers sont désolés, et la crête du Carmel desséchée. [voir : Amos, 1 : 2]
Dans le livre de Dieu, le Carmel est appelé la colline de Dieu et son vignoble. C’est là que, par la grâce du Seigneur de la révélation, se dresse le tabernacle de gloire. Heureux ceux qui y parviennent ; heureux ceux qui se tournent vers lui !
Et, de même, Amos dit : Notre Dieu viendra, et il ne gardera point le silence.

(211)
Ô Shaykh ! Songe aux paroles que le Désir du monde adressa à Amos.
Il dit : prépare-toi à rencontrer ton Dieu, Israël : Car voici celui qui façonne les montagnes, qui crée le vent, qui révèle à l’homme quel est son dessein, qui fait de l’aurore des ténèbres, qui marche sur les hauteurs de la terre, il se nomme le Seigneur, le Dieu des puissances. [voir : Amos, 4 : 12]
Il dit que « fait de l’aurore des ténèbres », [nota : Nous suivons ici la version de la traduction de Crampon. De même Segond traduit : « qui change l’aurore en ténèbres »] cela signifie que, par la puissance et le pouvoir de Dieu, sera changé en ténèbres celui qui se considère comme le vrai matin à l’époque de la manifestation de l’Interlocuteur du mont Sinaï. En vérité, il est la fausse aurore, bien qu’il se prenne pour la vraie [nota : allusion aux faux prophètes]. Malheur à lui et malheur à ceux qui le suivent sans la moindre preuve venant de Dieu, le Seigneur des mondes.

(212)
Isaïe dit : et ce jour-là, le Seigneur seul sera exalté [voir : Isaïe, 2 :11].
Concernant la grandeur de la révélation, il dit : Va dans les rochers, cache-toi dans la terre, devant la terreur du Seigneur et l’éclat de sa majesté [voir : Isaïe, 2 : 18].
Et, ailleurs, il dit : Qu’ils se réjouissent, le désert et la terre aride, que la steppe exulte et fleurisse, qu’elle se couvre de fleurs des champs, qu’elle saute et danse et crie de joie ! La gloire du Liban lui est donnée, la splendeur du Carmel et du Sharôn, et on verra la gloire du Seigneur, la splendeur de notre Dieu. [voir : Isaïe, 35 : 1-2]

(213)
Ces passages ne nécessitent aucun commentaire. Ils sont éclatants et manifestes comme le soleil, brillants et lumineux comme la lumière. Toute personne impartiale est conduite vers le jardin de la compréhension par le parfum de ces paroles et reçoit ce dont la plupart des hommes sont séparés et privés. Dis : « Crains Dieu, ô peuple, et ne partage point les doutes de ceux qui parlent fort, ont brisé l’alliance de Dieu et son pacte, ont renié sa miséricorde qui a précédé tout ce qui est sur la terre et dans les cieux ».

(214)
Il dit de même : « Dis à ceux qui ont le coeur craintif : soyez forts, ne craignez point, contemplez votre Dieu. » Ce verset sacré est une preuve de la grandeur de la révélation et de la grandeur de la Cause, car la sonnerie de trompette [nota : trompette mentionnée dans le Coran pour annoncer le Jugement dernier] doit nécessairement répandre la confusion à travers le monde, la peur et les frissons parmi les hommes. Heureux celui qui est illuminé par la confiance et le détachement. Les tribulations de ce jour-là ne l’arrêteront, ni ne l’inquiéteront. Ainsi a parlé la Langue d’explication, sur l’ordre de l’infiniment Miséricordieux. En vérité, il est le Fort, le Conquérant, le Tout-Puissant. À présent, il incombe à ceux qui sont dotés d’une oreille et d’un oeil attentifs, de méditer ces paroles sublimes qui recèlent chacune des océans de signification et d’explication. Peut-être qu’ainsi, les paroles proférées par celui qui est le Seigneur de la révélation permettront à ses serviteurs d’atteindre avec la joie et le rayonnement les plus intenses le but suprême et le sommet sublime : l’Orient de cette voix.

(215)
Ô Shaykh ! Si tu percevais le souffle de ma parole, ne fût-ce que par le chas d’une aiguille, tu renoncerais au monde et à tout ce qu’il contient, et tu tournerais ton visage vers les lumières de la face du Désiré. Quoi qu’il en soit, des significations innombrables gisent cachées dans les paroles de celui qui est l’Esprit. [nota : Jésus] Certes, il fit référence à de nombreuses choses, mais comme il ne trouva personne qui possédât une oreille ou un oeil attentifs, il choisit d’en dissimuler la plupart.
Comme il le dit : J’ai encore bien des choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant. [voir : Jean, 16, 12]
Cette Aurore de la révélation dit que ce jour-là, le promis révélera les choses qui sont à venir. Ainsi dans le Kitáb-i-Aqdas, [nota : Le Très-Saint Livre, la plus importante des oeuvres de Bahá’u’lláh, renfermant sa Loi et constituant la charte de son nouvel ordre mondial (1873)] les épîtres aux rois, la Lawh-i-Ra’ís [nota : épître de Bahá’u’lláh au Grand Vizir ‘Alí Páshá] et la Lawh-i-Fu’ád [nota : épître révélée par Bahá’u’lláh et adressée à Shaykh-Kázim-i-Samandar; il y est fait référence à Fu’ád Páshá, décédé en 1869], la plupart des choses qui se sont produites sur cette terre furent annoncées et prophétisées par la Plume suprême.

(216)
Dans le Kitáb-i-Aqdas, nous révélâmes :
Que rien ne t’attriste, Ô terre de Ṭá [nota : Téhéran], car Dieu t’a choisie pour être la source de joie de toute l’humanité. Si telle est sa volonté, il bénira ton trône en la personne de celui qui gouvernera avec justice et rassemblera le troupeau de Dieu dispersé par les loups. Un tel souverain se tournera dans la joie et l’allégresse vers le peuple de Bahá et il étendra sur lui ses faveurs. En vérité, il est, aux yeux de Dieu, comme un joyau parmi les hommes. Sur lui reposent pour toujours la gloire de Dieu et la gloire de tous ceux qui demeurent dans le royaume de sa révélation. » [nota : Kitáb-i-Aqdas, op. cit., K91]
En plus de ces versets révélés autrefois, nous avons ensuite révélé :
« Ô Dieu, mon Dieu ! Par les lumières de ta face, par les vagues de l’océan de ta révélation et par les splendeurs éclatantes du soleil de ta parole, Bahá te supplie et t’implore d’aider le Sháh à se montrer équitable et impartial. Si tel est ton désir, bénis à travers lui le trône de l’autorité et de la souveraineté. Tu as le pouvoir de faire ce qui te plaît. Il n’est point d’autre Dieu que Toi, toi qui entends et qui es prêt à répondre. » [nota : épître à Násiri’d-Dín Sháh] « Que la joie t’inonde, ô terre de Ṭá, car Dieu, en faisant naître en tes murs la Manifestation de sa gloire, a fait de toi « l’aube de sa lumière.» Sois heureuse de ce nom qui t’a été conféré, et par lequel le Soleil de grâce a répandu sa splendeur, a illuminé la terre et le ciel. Avant longtemps, l’état de tes affaires changera et les rênes du pouvoir passeront aux mains du peuple. [nota : la révolution constitutionnelle eut lieu en 1905-1906, soit dix ans après l’assassinat de Násiri’d-Dín Sháh] En vérité, ton Seigneur est l’Omniscient. Son autorité embrasse toutes choses. Sois assuré de la bienveillante faveur de ton Seigneur. L’oeil de sa tendre bonté sera, de toute éternité, fixé sur toi. Le jour approche où ton agitation se transformera en paix et en tranquillité. Ainsi en a-t-il été décrété dans le Livre merveilleux. [voir : Kitáb-i-Aqdas, op. cit., K92 et K93]

(217)
De même, dans la Lawh-i-Fu’ád et dans l’épître au souverain de Paris [nota : Napoléon III] ainsi que dans d’autres épîtres, nous avons révélé ce qui incitera toute personne impartiale à témoigner du pouvoir, de la majesté et de la sagesse de Dieu - exaltée soit sa gloire. Si les hommes observaient avec l’oeil de la justice, ils découvriraient et comprendraient le secret de ce verset béni : Et il n’est point de chose vive ou desséchée qui ne soit notée dans un écrit spécifique [nota : locution courante signifiant que tout ce qui existe au monde est connu de Dieu]. Toutefois, en ce jour, les hommes rejettent la vérité et ne peuvent comprendre ce qui en vérité a été dispensé par le Révélateur, l’Ancien des jours. Dieu de miséricorde ! De toutes parts apparaissent des signes évidents et, pourtant, la plupart des hommes se privent du bonheur de les examiner et de les comprendre. Nous supplions Dieu d’accorder son aide à tous les hommes pour qu’ils reconnaissent les perles qui gisent cachées dans les nacres du plus grand Océan et s’exclament : « Loué sois-tu, ô Dieu du monde ! »

(218)
Ô assemblée d’hommes équitables ! Méditez en contemplant les vagues de l’océan de la parole et de la science de Dieu afin de témoigner, à haute voix et dans votre for intérieur, qu’auprès de lui réside la connaissance de tout ce qui est consigné dans le Livre. Rien n’échappe à sa connaissance. En vérité, il manifesta ce qui était caché lorsqu’à son retour, il gravit le trône du Bayán. Tout ce qui fut révélé s’est réalisé ou se réalisera sur la terre, mot pour mot. Aucune possibilité n’était donc laissée à qui que ce soit de se détourner ou de protester. Néanmoins, comme l’équité est méconnue et voilée, la plupart des hommes parlent, mus par leurs propres chimères.

(219)
Ô Dieu, mon Dieu ! N’empêche pas tes serviteurs de tourner leurs visages vers la lumière de la certitude apparue à l’horizon de ta volonté et ne souffre point, ô mon Dieu, qu’ils soient privés des océans de tes signes. Ils sont, ô mon Seigneur, tes serviteurs en tes cités et tes esclaves en tes régions. Si tu n’es point miséricordieux envers eux, qui donc le sera ? Ô mon Dieu, saisis les mains de ceux qui se noient dans la mer des superstitions et délivre-les par ton pouvoir et ta souveraineté. Sauve-les par les armes de ta puissance. Tu as le pouvoir de faire ce que tu veux, dans ta main droite sont les rênes de tout ce qui est sur la terre et dans les cieux.

(220)
De même, le Point premier dit : Contemplez-le par ses propres yeux. Car si vous le regardez avec les yeux d’un autre, jamais vous ne le reconnaîtrez ni le connaîtrez.
Ceci se réfère spécifiquement à cette révélation suprême. Heureux ceux qui jugent avec impartialité.
De même, il dit : Le germe qui recèle les potentialités de la révélation à venir est, sur une seule année, doté d’une puissance supérieure aux forces combinées du Bayán tout entier.
Ces bonnes nouvelles du Bayán et des Livres des âges écoulés sont mentionnées à maintes reprises sous des noms divers et dans de nombreux livres afin que les hommes puissent juger équitablement ce qui est apparu et ce qui a brillé à l’horizon de la volonté de Dieu, le Seigneur du puissant trône.

(221)
Ô Shaykh ! Dis au peuple du Bayán : « Médite ces paroles bénies où il dit : L’ensemble du Bayán n’est qu’une feuille parmi les feuilles de son paradis. Sois impartial, ô peuple, et ne sois pas compté parmi les égarés dans le livre de Dieu, le Seigneur des mondes. »
En ce jour, l’Arbre sacré se tient devant toi, chargé de fruits célestes, nouveaux et merveilleux. Contemple-le, détaché de tout sauf de lui. Ainsi a parlé la Langue de la puissance et du pouvoir en ce lieu que Dieu a paré des traces de son plus grand Nom et de sa grande Nouvelle.

(222)
De même, il dit : Tant que neuf ne sera pas écoulé depuis le début de cette cause, la réalité des choses créées ne sera point manifestée. Tout ce que tu as vu jusqu’à présent n’est que germe jusqu’au moment où nous le revêtirons de chair. Sois patient jusqu’à ce que tu contemples une nouvelle création. Dis : « Béni soit Dieu, le meilleur des créateurs ! »
De même, au sujet du pouvoir de cette révélation, il dit : Celui que Dieu rendra manifeste a le droit de rejeter l’être le plus grand de la terre, car une telle personne n’est qu’une créature entre ses mains et toutes choses l’adorent. Après Hín [nota : 68, selon la notation de l’abjad : Celui que Dieu rendra manifeste doit donc apparaître après l’année 68 (1268), donc en 1269 de l’hégire (1852-1853)], une Cause vous sera donnée, que vous connaîtrez en son temps.
Il dit également : Sache, avec une certitude absolue et selon le décret ferme et irrévocable, que Dieu - exaltée soit sa gloire, magnifiée sa puissance, sanctifiée sa sainteté, glorifiée sa grandeur et louées ses voies - fait connaître chaque chose à travers sa propre réalité ; qui donc peut le connaître si ce n’est par lui-même ?
Plus loin, il dit - exalté et glorifié soit-il - : Prends garde, prends garde, de peur qu’aux jours de sa révélation, le Váhid du Bayán [nota : Le Báb et les dix-huit Lettres du Vivant, la valeur numérique de Váhid étant dix-neuf] ne s’interpose comme un voile entre lui et toi, dans la mesure où ce Váhid n’est à ses yeux qu’une créature. Prends garde, prends garde aussi que les paroles révélées dans le Bayán ne s’interpose comme un voile entre lui et toi.
À nouveau, il dit - exalté soit-il - : Ne le regarde point avec un oeil autre que le sien. Car quiconque le regarde avec son oeil le reconnaîtra ; sinon, il lui restera caché. Cherche-le et regarde-le si tu veux chercher Dieu et sa présence.
De même, il dit : Il est préférable pour toi de ne réciter qu’un seul des versets de Celui que Dieu rendra manifeste, plutôt que de réciter la totalité du Bayán ; car ce jour-là, cet unique verset peut te sauver, alors que le Bayán tout entier ne peut le faire.

(223)
Dis : Ô peuple du Bayán ! Sois juste, sois juste ! Et de nouveau, sois juste, sois juste ! Ne sois pas de ceux qui, jour et nuit, mentionnèrent la Manifestation de la cause de Dieu et qui, lorsqu’elle apparut par sa grâce et que l’horizon de la révélation fut illuminé, prononcèrent contre elle un jugement qui suscita les lamentations des habitants du royaume de gloire et de ceux qui gravitent autour de la volonté de Dieu, l’Omniscient, le Très-Sage.

(224)
Médite ces paroles sublimes où il dit : En vérité, je crois en lui, en sa foi, en son livre, en ses témoignages, en ses voies et en tout ce qui émane de lui à leur sujet. Je me glorifie de ma relation avec lui et suis fier de ma croyance en lui.
De même, il dit : Ô peuple du Bayán et vous tous qui êtes en son sein ! Reconnaissez les limites qui vous sont fixées, car une personne telle que le Point du Bayán lui-même a cru en Celui que Dieu rendra manifeste, avant même la création de toutes choses. En vérité, je m’en glorifie devant tous ceux qui sont dans le royaume du ciel et de la terre.
Par Dieu ! Tous les atomes de l’univers gémissent et se lamentent devant les cruautés perpétrées par les rebelles parmi le peuple du Bayán. Où sont ceux qui sont doués d’entendement et de perception ? Nous supplions Dieu - béni et glorifié soit-il - de les inviter et les exhorter à ce qui leur profitera, de les détourner de ce qui leur nuira. En vérité, il est le Fort, le Conquérant, le Tout-Puissant.

(225)
De même, il dit : Ne souffrez point qu’un voile ne vous sépare de Dieu après qu’il se soit lui-même révélé. Car tout ce qui a été exalté dans le Bayán n’est qu’un anneau dans ma main, et moi-même, je ne suis vraiment qu’un anneau dans la main de Celui que Dieu rendra manifeste - glorifiée soit sa mention ! Il le tourne comme il lui plaît, pour en faire ce qui lui plaît et le glisser là où lui plaît. En vérité, il est le Secours, le Très-Haut.
Pareillement, il dit : S’il faisait un prophète de chacun des habitants de la terre, ils seraient tous, en vérité, considérés comme des prophètes aux yeux de Dieu.
Il dit encore : Au jour de la révélation de Celui que Dieu rendra manifeste, tous ceux qui demeurent sur terre seront égaux à ses yeux. En vérité, celui qu’il ordonne prophète a été prophète depuis le commencement qui n’a point de commencement et le demeurera jusqu’à la fin qui n’a pas de fin, puisque c’est un acte de Dieu. Et celui qu’il nomme vice-roi le sera dans tous les mondes, car c’est un acte de Dieu. La volonté de Dieu ne peut en aucun cas être révélée si ce n’est par la volonté de Celui que Dieu rendra manifeste, ni le désir de Dieu être manifesté si ce n’est par son désir. En vérité, il est le Conquérant, le Tout-Puissant, le Très-Haut.

(226)
En résumé il a décrété ce qui contribue, en toute occasion, à la conversion, au progrès, à l’élévation et à la gouverne des hommes. Toutefois, quelques êtres injustes sont devenus un voile, une barrière infranchissable, empêchant les autres de se tourner vers les lumières de sa face. Nous prions Dieu de les bannir par sa souveraineté et de les saisir par son étreinte. En vérité, il est le Seigneur de Force, le Puissant, l’infiniment Sage.

(227)
De même, il dit : Que sa mention soit glorifiée ! Il ressemble au soleil. Si l’on plaçait face à lui d’innombrables miroirs, chacun d’eux, selon sa capacité, refléterait la splendeur de ce soleil ; si l’on n’en plaçait aucun, il continuerait toujours à se lever et à se coucher, et seuls les miroirs seraient privés de sa lumière. En vérité, je n’ai point failli à mon devoir d’avertir ce peuple et de fournir les moyens pour qu’il se tourne vers Dieu, son Seigneur, qu’il croie en lui, son Créateur. Si, au jour de sa révélation, tous ceux qui sont sur la terre font acte d’allégeance envers lui, mon être intime se réjouira, puisque tous auront atteint l’apogée de leur existence, auront été amenés face à face avec leur Bien-aimé et auront reconnu, dans toute la mesure possible dans le monde de l’existence, la splendeur de celui qui est le Désir de leurs coeurs. Sinon, mon âme sera très triste. J’ai vraiment éduqué toutes choses dans ce but. Comment, alors, quelqu’un peut-il rester séparé de lui ? C’est pour cela que j’ai invoqué Dieu et continuerai à le faire. En vérité, il est proche, prêt à répondre.

(228)
De même, il dit : Ils refuseront même à cet Arbre qui n’est ni d’Orient ni d’Occident le nom de croyant, car s’ils le nommaient ainsi, ils ne réussiraient pas à l’attrister.
Ô monde, ton oreille a-t-elle perçu combien impuissantes ont été ces paroles révélées par la volonté de celui qui est l’Orient de tous les noms ?
Il dit : J’ai éduqué tous les hommes afin qu’ils reconnaissent cette révélation et, cependant, le peuple du Bayán refuse d’accorder le nom de croyant à cet Arbre béni qui n’appartient ni à l’Orient ni à l’Occident.
Hélas, hélas ! Que de choses me sont arrivées ! Par Dieu ! Ce qui m’est advenu aux mains de celui que j’ai élevé jour et nuit [nota : Mírzá Yahyá] a suscité les lamentations du Saint-Esprit et des habitants du tabernacle de la grandeur de Dieu, le Seigneur de ce jour merveilleux.

(229)
De même, réfutant certains mécréants, il dit : Car nul ne connaît le temps de la révélation, excepté Dieu. À quelque époque qu’il apparaisse, tous doivent reconnaître le Point de vérité et rendre grâce à Dieu.
Ceux qui se sont détournés de moi ont parlé comme les disciples de Jean-Baptiste. Eux aussi protestaient en ces termes contre celui qui était l’Esprit [nota : Jésus] : « La mission de Jean n’est pas encore terminée ; pourquoi es-tu venu ? » Il en est de même aujourd’hui ; ceux qui nous ont rejeté ont proféré ce qui fait soupirer et se lamenter tout ce qui existe, sans même nous connaître, ayant, de tout temps, ignoré les principes fondamentaux de cette cause, ne sachant de qui elle procède ou ce qu’elle signifie. Par ma vie ! Le muet ne pourra jamais affronter celui qui incarne le royaume de la parole. Crains Dieu, ô peuple ! Lis ce qui fut révélé en vérité dans le huitième paragraphe du sixième chapitre du Bayán, et ne sois pas de ceux qui se sont détournés.
De même, il a ordonné : Une fois tous les dix-neuf jours, ce paragraphe doit être lu afin que, au temps de la révélation de Celui que Dieu rendra manifeste, ils ne soient pas aveuglés par des considérations étrangères aux versets qui ont été, et demeurent, les plus importants de tous les témoignages et de toutes les preuves.

(230)
Jean, fils de Zacharie, a dit ce que mon précurseur a dit :
Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. Certes, je vous baptise avec l’eau du repentir, mais celui qui vient après moi est plus puissant que moi, et je suis indigne de porter ses chaussures [nota : ce passage se réfère vraisemblablement à Jean I : 23-27 dont voici le texte : Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Aplanissez le chemin du Seigneur, comme l’a dit le prophète Isaïe. Or ceux qui avaient été envoyés étaient des Pharisiens. Ils continuèrent à l’interroger en disant : « Si tu n’es ni le Christ, ni Élie, ni le Prophète, pourquoi baptises-tu ? » Jean leur répondit : « Moi, je baptise dans l’eau. Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas; il vient après moi et je ne suis même pas digne de dénouer la lanière de sa sandale »].
C’est ainsi que mon précurseur, en signe de soumission et d’humilité, a dit : La totalité du Bayán n’est qu’une feuille parmi les feuilles de son paradis.
De même, il dit : Je suis le premier à l’adorer et je suis fier de mon lien avec lui.
Et pourtant, ô hommes, le peuple du Bayán a agi de manière telle que même Dhi’l-Jawshan [nota : terme arabe signifiant « revêtu d’une armure » et appliqué à Mullá ‘Abdu’lláh, l’assassin de l’Imám Husayn], Ibn-i-Anas et Asbahí [nota : deux zélateurs arabes qui participèrent directement à l’assassinat de l’Imám Husayn] ont cherché et cherchent encore refuge auprès de Dieu pour de tels actes. Au vu et au su de toutes les religions, cet opprimé s’est attaché, jour et nuit, à exalter la cause de Dieu, tandis que ces hommes se sont accrochés à ce qui cause humiliation et préjudice.

(231)
Il dit aussi : Reconnaissez-le par ses versets. Car plus vous négligerez de chercher à le connaître et plus vous serez cruellement voilés, cachés par le feu.
Ô vous qui, parmi le peuple du Bayán, vous êtes détournés de moi ! Méditez ces dires sublimes qui dispensent la source des paroles du Point de la connaissance. Et maintenant, écoutez ceci.
Il dit : En ce jour, le Soleil de vérité interpellera le peuple du Bayán et récitera cette sourate du Coran : « Dis : Ô vous les incrédules ! Je n’adore pas ce que vous adorez, et vous n’adorez pas ce que j’adore. Moi, je n’adore pas ce que vous adorez, vous, vous n’adorerez pas ce que j’adore. À vous votre religion ; à moi ma Religion. » [voir : Coran, Sourate 109]
Dieu de miséricorde ! En dépit de ces déclarations limpides, de ces signes brillants et lumineux, ils sont tous plongés dans leurs chimères qui leur font ignorer le Désiré et le voilent à leurs yeux. Ô vous les égarés ! Réveillez-vous du sommeil de l’insouciance et prêtez l’oreille aux paroles de mon précurseur.
Il dit : Lorsque l’arbre de l’affirmation se détourne de lui, il est considéré comme l’arbre du reniement, et lorsque l’arbre du reniement se tourne vers lui, il est considéré comme l’arbre de l’affirmation.
De même, il dit : Si quelqu’un revendique une révélation et ne peut produire de preuve, ne protestez pas et ne l’attristez pas !
Bref, nuit et jour, cet opprimé prononce ces mots : « Dis : ô infidèles ! » dans l’espoir d’éveiller le peuple et de le parer de l’ornement de l’équité.

(232)
À présent, médite ces paroles qui exhalent le souffle du désespoir. Dans sa douloureuse invocation à Dieu, le Seigneur des mondes, il dit :
Glorifié sois-tu, ô mon Dieu ! Témoigne que par ce Livre, j’ai conclu une alliance avec toutes choses créées concernant la mission de Celui que tu rendras manifeste, avant même que soit établie l’alliance relative à ma propre mission. Toi et ceux qui ont cru en tes signes, vous êtes des témoins suffisants. En vérité, tu me suffis. En toi, j’ai placé ma confiance ! En vérité, tu tiens compte de toutes choses.

(233)
Ailleurs, il dit : Ô miroirs semblables au soleil ! [nota : disciples choisis par le Báb pour guider la communauté] Regardez le Soleil de vérité ! Vraiment, vous dépendez de lui, si seulement vous pouviez le percevoir ! Vous êtes comme des poissons qui se déplacent dans les eaux de la mer sans la voir et se demandent de quoi ils dépendent.
De même, il dit : Je porte plainte auprès de toi, ô Miroir de ma générosité, contre tous les autres miroirs. Ils me regardent tous à travers leurs propres couleurs.
Ces paroles furent révélées par la Source de la révélation de l’infiniment Généreux et furent adressées à Siyyid Javád, connu sous le nom de Karbilá’í [nota : élevé à Karbilá (d’où son surnom), ce disciple de Kázim Rashtí et ami du grand-oncle du Báb rencontra le Báb alors qu’il était un enfant. Par la suite, il devint bábí par l’intermédiaire de Mullá Alí Bastámí. Il reconnut Bahá’u’lláh avant sa déclaration, à Bagdad et est connu, à cause de sa sainteté, sous le nom de « Siyyid-i-Núr ». Il mourut à Kirmán, en Perse].
Dieu atteste, et le monde en porte témoignage, que ce siyyid est demeuré fidèle à cet opprimé et qu’il a même réfuté en détail les arguments de ceux qui se sont détournés de moi. En outre, deux communications dans lesquelles il témoigne de la révélation du Véritable et dans lesquelles les preuves de son détachement de tout sauf de lui sont claires et manifestes, furent envoyées par nous à Haydar-‘Alí [nota : bahá’í dévoué qui, du vivant de Bahá’u’lláh puis de ‘Abdu’l-Bahá, fit de multiples voyages au service de la Cause et fut très souvent persécuté. Il mourut à Haïfa en 1920. Auteur du récit intitulé Bihjatu’s-Sudúr (Délice de mon coeur)].
L’écriture de ce siyyid est reconnaissable et connue de tous. Le but de tout ceci est de permettre que les eaux vives de la reconnaissance baignent ceux qui nous ont reniés et que la lumière de la conversion illumine ceux qui se sont détournés. Dieu m’en est témoin, cet opprimé n’a d’autre but que de transmettre la parole de Dieu. Heureux les justes et malheur à ceux qui se détournent ! Ceux-ci ont comploté à maintes reprises et agissent avec duplicité de diverses manières. C’est ainsi qu’ils se sont procuré un portrait de ce siyyid et l’ont collé avec celui d’autres personnes sur une feuille portant, en tête, un portrait de Mírzá Yahyá. Bref, ils se sont servi de tous les moyens pour rejeter le Véritable. Dis : « Le Véritable est venu, manifeste comme le soleil. Quel malheur qu’il soit venu dans la cité des aveugles ! » Le siyyid en question admonesta les négateurs et les somma de reconnaître l’Horizon suprême, mais il ne put empreindre ces pierres que ne peut marquer aucune empreinte. Ils le calomnièrent au point qu’il chercha refuge en Dieu - exaltée soit sa gloire ! Les suppliques qu’il adressa à cette sainte Cour sont en notre possession. Heureux les équitables !

(234)
À présent, rappelle-toi comment le Point premier se plaignit des Miroirs [nota : disciples choisis par le Báb pour guider la communauté], dans l’espoir de voir les hommes s’éveiller, se tourner de la gauche des vaines chimères et des futiles imaginations vers la droite de la foi et de la certitude et découvrir ce qui leur est voilé. En vérité, c’est dans le but de reconnaître cette très grande Cause qu’ils sont sortis du monde de la non-existence pour entrer dans le monde de l’existence.
De même, il dit : Ô mon Dieu, consacre-lui cet Arbre [nota : Le Báb] tout entier, afin qu’en soient révélés tous les fruits que Dieu y a créés en faveur de celui qu’il a choisi pour révéler tout ce qui lui plaît. Par ta gloire ! Que cet Arbre ne porte jamais une branche, une feuille ou un fruit qui ne s’incline devant lui au jour de sa révélation ou qui refuse de te louer par son intermédiaire, comme il sied à la splendeur de sa très glorieuse révélation et à la sublimité de sa retraite suprême. Ô mon Dieu ! Si tu voyais une branche, une feuille ou un de mes fruits omettre de s’incliner devant lui au jour de sa révélation, retranche-le de cet arbre, ô mon Dieu, car il n’est pas de moi et ne retournera pas à moi.

(235)
Ô peuple du Bayán ! Je le jure par Dieu ! Cet opprimé n’a d’autre intention que de proclamer la cause qu’il est chargé de révéler. Tendez vers lui votre oreille intérieure et vous entendrez chaque membre, chaque veine et même chacun des cheveux de cet opprimé, exprimer ce qui émouvra et ravira le concours céleste et le monde de la création.

(236)
Ô Hádí ! [nota : Mírzá Hádí Dawlat-Ábádí, célèbre théologien d’Isfahán qui devint un disciple de Mírzá Yahyá et fut, par la suite, désigné comme son successeur] Le fanatisme aveugle des temps passés a détourné du droit chemin les créatures infortunées. Pense à la secte chiite. Douze siècles durant, ils ont tous invoqué : « Ô Qá’im ! » [nota : depuis le début, les chiites attendent la venue du Qá’im], pour finir par rendre contre lui une sentence de mort et par lui faire subir le martyre, bien qu’ils croient en Dieu, le Véritable - exaltée soit sa gloire - l’acceptent et le reconnaissent, comme ils acceptent et reconnaissent le Sceau des prophètes et les Elus [nota : Imáms]. À présent, il convient de réfléchir un instant pour découvrir ce qui est advenu entre Dieu et ses créatures, et connaître les actes qui ont provoqué opposition et reniement.

(237)
Ô Hádí ! Ainsi que tous l’attestent, nous avons entendu la plainte des minbars [nota : chaire d’une mosquée] du haut desquels, comme tous l’attestent, les religieux injurièrent le Véritable au moment de sa manifestation. À celui qui est l’Essence de l’Être et à ses compagnons, ils firent ce que l’oeil du monde n’avait jamais vu ni son oreille entendu. Tu as exhorté le peuple, et tu l’exhortes toujours, te prétendant son vice-roi et son miroir, alors que tu ignores tout de cette Cause, car tu n’as pas été à mes côtés.

(238)
Chacun, parmi ce peuple, sait bien que Siyyid Muhammad [nota : Hájí Siyyid Muhammad Isfahání, « l’antéchrist de la révélation bahá’íe », qui inspira les infamies perpétrées par Mírzá Yahyá] n’était que l’un de nos serviteurs. À l’époque où, sur la demande du gouvernement impérial ottoman, nous nous rendîmes dans la capitale, il nous accompagna. Or, par la suite, il commit - je le jure par Dieu - ce qui fit couler les larmes de la Plume du Très-Haut et gémir son épître. C’est pourquoi nous le chassâmes ; sur quoi il rejoignit Mírzá Yahyá et fit ce que n’a jamais fait aucun tyran. Nous l’abandonnâmes en lui disant : « Hors de ma vue, ô insouciant ! » Sur ces mots, il rejoignit l’ordre des Mawlavis [nota : derviches tourneurs] et demeura en leur compagnie jusqu’à ce que nous parvint l’ordre de partir.

(239)
Ô Hádí ! N’accepte pas de devenir l’instrument qui propage de nouvelles superstitions ; refuse d’établir, une fois encore, une secte semblable à celle des chiites. Réfléchis à la quantité de sang répandu. Toi avec les autres qui se prétendent savants, et avec les théologiens chiites, vous avez tous, dès les premières années, maudit le Véritable et décrété que son sang sacré devait être versé. Crains Dieu, ô Hádí ! Ne permets pas que les hommes soient à nouveau affligés des superstitions du passé. Crains Dieu et ne sois point de ceux qui se montrent injustes. En ces jours, nous avons appris que tu as tenté de mettre la main sur chaque exemplaire du Bayán pour le détruire. Pour l’amour de Dieu, cet opprimé te prie de renoncer à ton projet. Pas plus hier qu’aujourd’hui ton intelligence et ton jugement ne surpassent l’intelligence et le jugement du Prince du monde [nota : Le Báb]. Dieu atteste et témoigne que cet opprimé n’a pas lu le Bayán et n’a pas été informé de son contenu. On sait toutefois, de manière claire et indubitable qu’il a voulu que le livre du Bayán soit le fondement de ses oeuvres. Crains Dieu, et ne t’ingère point dans des affaires qui, de très loin, te dépassent. Douze siècles durant, les malheureux chiites ont été égarés par ceux qui te ressemblent dans le piège des vaines chimères et des futiles imaginations. Finalement, au jour du jugement, se produisit ce qui incita les oppresseurs de jadis à chercher refuge auprès du Véritable.

(240)
Perçois à présent le cri du Point que ses paroles ont fait jaillir. Si sur cet Arbre - son être béni - apparaissait un fruit, une feuille ou une branche qui ne croie pas en lui, il supplierait Dieu de l’arracher sans hésiter. De même, il dit : Si quelqu’un affirmait quelque chose sans preuve, ne le rejetez pas. Pourtant, bien que confirmé à présent par une centaine de livres, tu l’as rejeté et tu t’en réjouis !

(241)
Une fois de plus, je te supplie d’examiner attentivement ce qui a été dispensé. En cette révélation, les brises de la parole ne sont pas comparables à celles des âges antérieurs. Continuellement affligé, cet opprimé ne trouva aucun lieu sûr pour étudier les écrits du Très-Exalté [nota : Le Báb] ou ceux de tout autre. Environ deux mois après notre arrivée en Irak suite à l’ordre de Sa Majesté le Sháh de Perse - que Dieu l’assiste -, Mírzá Yahyá nous rejoignit. Nous lui dîmes : « Conformément à l’ordre royal, nous avons été envoyé en ce lieu. Mais il est souhaitable que tu demeures en Perse. Nous enverrons notre frère, Mírzá Músá [nota : frère de Bahá’u’lláh qui lui demeura fidèle], dans une autre région. Vos noms ne sont pas mentionnés dans le décret royal, vous pouvez donc vous lever et servir. » Par la suite, cet opprimé quitta Bagdad et se retira du monde pendant deux ans [nota : Bahá’u’lláh se retira dans les montagnes du Kurdistan]. À notre retour, nous constatâmes que Mírzá Yahyá n’était pas parti et différait son départ. Cet opprimé en fut grandement attristé. Dieu atteste et témoigne que nous nous sommes, à tout moment, préoccupé de la propagation de cette cause. Ni les chaînes, ni les carcans, ni les fers, ni l’emprisonnement n’ont pu nous empêcher de révéler notre rang. Dans ce pays, nous interdîmes toute sédition et tout acte déplacé et impie. Jour et nuit, nous diffusâmes nos épîtres dans toutes les directions. Nous n’avions d’autre but que d’amender l’âme des hommes et d’exalter la parole sacrée.

(242)
Nous désignâmes certaines personnes pour rassembler tout particulièrement les écrits du Point premier. Cela fait, nous convoquâmes dans un endroit précis Mírzá Yahyá et Mírzá Vahháb-i-Khurásání, connu sous le nom de Mírzá Javád [nota : figure éminente parmi les premiers croyants et qui vécut durant les ministères du Báb et de Bahá’u’lláh]. Suivant nos instructions, ils menèrent à bien la tâche de transcrire deux exemplaires des oeuvres du Point premier. Je le jure par Dieu ! Du fait de ses relations constantes avec tout le monde, cet opprimé n’a point consulté ces livres ni jeté un regard sur ces écrits. Lorsque nous partîmes, ils étaient en la possession de ces deux personnes. Il fut convenu que Mírzá Yahyá emporterait ces écrits en Perse afin de les diffuser à travers le pays. À la demande des ministres du gouvernement ottoman, cet opprimé se rendit alors à la capitale, Constantinople. Lorsque nous arrivâmes à Mosul, nous constatâmes que Mírzá Yahyá y était arrivé avant nous et qu’il nous y attendait. Bref, les livres et les écrits furent laissés à Bagdad, tandis qu’il se rendait lui-même à Constantinople pour rejoindre ces serviteurs.
Dieu m’est témoin ! Que Mírzá Yahyá, ignorant nos efforts assidus, ait abandonné les écrits et rejoint les exilés affecta cet opprimé. Pendant longtemps, celui-ci fut accablé de chagrins infinis jusqu’à ce qu’il pût, en application de mesures dont nul n’est informé, hormis le seul vrai Dieu, expédier les écrits dans un autre pays, car en Irak, tous les documents doivent être examinés chaque mois, de peur qu’ils ne pourrissent et ne disparaissent. Mais Dieu les protégea et les envoya en un lieu qu’il avait antérieurement ordonné. En vérité, il est le Protecteur, le Sauveur.

(243)
Partout où se rendit cet opprimé, Mírzá Yahyá le suivit. Toi-même tu l’as vu et tu sais fort bien que tout cela est la vérité. Cependant, le siyyid d’Isfahán [nota : Hájí Siyyid Muhammad Isfahání (voir note du verset 234)] le dupa sournoisement. Leurs actes provoquèrent la plus grande consternation. Si seulement tu voulais enquêter auprès des officiels du gouvernement sur la conduite de Mírzá Yahyá dans ce pays ! Par Dieu, l’Unique, l’Incomparable, le Fort, le Tout-Puissant ! Je t’adjure d’examiner attentivement les communications adressées en son nom au Point premier, afin de contempler les signes de Celui qui est la vérité aussi claire que le soleil. De même, il émane des paroles du Point du Bayán - puisse chacun sacrifier son âme par amour pour lui - ce qu’aucun voile ne peut obscurcir ni dissimuler, pas plus ceux de la gloire que ceux qui sont interposés par les égarés. En vérité, les voiles ont été déchirés par le doigt de la volonté de ton Seigneur, le Fort, le Conquérant, le Tout-Puissant. Ah ! ceux qui m’ont calomnié et envié sont dans un état bien désespéré. Il y a peu, on m’apprit que tu attribuais à d’autres le Kitáb-i-Íqán [nota : Le livre de la certitude, révélé par Bahá’u’lláh à Bagdad en 1862] et quelques autres épîtres. Par Dieu ! Quelle cruelle injustice ! Ils sont incapables d’en comprendre le sens, encore moins de les révéler !

(244)
Hasan-i-Mázindarání [nota : Muhammad Hasan, croyant originaire de Mázindarán, province natale de Bahá’u’lláh. Il est le fils de Mírzá Zaynu’l-‘Abidín, un oncle paternel de Bahá’u’lláh] était porteur de soixante-dix épîtres. Après sa mort, elles ne furent point remises à leurs destinataires, mais confiées à l’une des soeurs de cet opprimé [nota : Sháh Sultán Khanúm qui rejoignit Mírzá Yahyá] qui, sans raison aucune, s’était détournée de moi. Dieu sait ce qu’il advint de ces épîtres. Cette soeur n’avait jamais vécu avec nous. Par le Soleil de vérité, je jure qu’après ces événements, elle ne vit jamais Mírzá Yahyá et resta ignorante de notre cause, car, en ces jours-là, elle nous était hostile. Elle vivait dans un quartier, et cet opprimé dans un autre. Toutefois, en signe de notre tendre bonté, de notre affection et de notre miséricorde, nous nous rendîmes auprès d’elle et de sa mère quelques jours avant notre départ [nota : départ en exil pour Bagdad] afin qu’elle goûte aux eaux vives de la foi et qu’elle parvienne à ce qui la rapprocherait de Dieu en ce jour. Dieu sait et en témoigne, comme elle-même l’atteste, que je n’avais pas d’autre intention. Finalement - loué soit Dieu - elle y parvint par Sa grâce et fut revêtue de la parure de l’amour. Mais à la suite de notre bannissement d’Irak et de notre départ pour Constantinople, nous cessâmes de recevoir de ses nouvelles.
Après notre séparation sur la terre de Ṭá [nota : Téhéran], nous cessâmes de rencontrer Mírzá Ridá-Qulí [nota : l’un des frères de Bahá’u’lláh qui ne reconnut pas son rang], notre frère, et aucune nouvelle particulière la concernant ne nous parvint. Autrefois, nous vivions tous dans la même maison qui fut ensuite vendue aux enchères pour une somme négligeable.
Les deux frères, Farmán-Farmá [nota : titre conféré au prince Firaydún Mírzá, fils du prince ‘Abbas Mírzá et frère de Muhammad Sháh] et Hisámu’s-Saltanih [nota : titre du prince Nurad Mírzá, petit-fils de Fath-‘Alí Sháh], l’achetèrent et se la partagèrent. Après cela, nous nous séparâmes de notre frère. Il établit sa résidence à proximité de l’entrée de la Masjid-i-Sháh [nota : grande mosquée à Téhéran, construite par Fath-‘Alí Sháh], tandis que nous habitions près de la porte de Shimírán [nota : district au nord de Téhéran]. Par la suite, cette soeur adopta à notre égard une attitude hostile sans la moindre raison. Cet opprimé garda le silence en toutes circonstances. Malgré cela, de Núr, elle ramena chez elle la fille de notre défunt frère Mírzá Muhammad-Hasan - que sur lui soit la gloire de Dieu, sa paix et sa miséricorde - qui était fiancée à la plus grande Branche, et l’envoya dans un autre lieu. Quelques-uns de nos compagnons et amis en divers endroits s’en plaignirent, car il s’agissait d’un acte très grave, désapprouvé par tous les bien-aimés de Dieu. Il est étrange que notre soeur l’ait amenée dans sa propre maison pour, ensuite, l’envoyer ailleurs !
Malgré cela, cet opprimé demeura - et demeure encore - calme et silencieux. Un mot, pourtant, fut dit pour tranquilliser nos bien-aimés. Dieu atteste et témoigne que tout ce qui fut dit est la vérité et fut proféré avec sincérité. Personne parmi nos bien-aimés, où qu’ils soient, ne pouvait croire notre soeur capable d’un acte aussi contraire aux convenances, à l’affection et à l’amitié. Réalisant qu’à la suite de cet incident, les liens étaient rompus, ils [nota : la soeur de Bahá’u’lláh et Mírzá Yahyá] se conduisirent d’une manière que toi et d’autres connaissez fort bien. Est donc évidente l’intensité de la douleur dont cet acte accable cet opprimé. Par la suite, elle prit parti pour Mírzá Yahyá. Des rapports contradictoires nous parviennent à présent à son sujet et nous ne savons pas vraiment ce qu’elle dit ni ce qu’elle fait. Nous supplions Dieu - béni et glorifié soit-il - de faire en sorte qu’elle se tourne vers lui, et de l’aider à se repentir devant le seuil de sa grâce. Il est vraiment le Puissant, le Clément ; en vérité, il est le Tout-Puissant, le Magnanime.

(245)
De même, dans une autre circonstance, il [nota : Le Báb] dit : « S’il apparaissait en cet instant même, je serais le premier à l’adorer et le premier à m’incliner devant lui. » Sois équitable, ô peuple ! Le Très-Élevé [nota : Le Báb] voulait s’assurer que l’imminence de la révélation n’éloigne pas les hommes de la loi divine et éternelle, comme elle avait empêché les compagnons de Jean-Baptiste de reconnaître celui qui est l’Esprit [nota : Jésus].
Combien de fois n’a-t-il pas dit : Ne souffrez pas que le Bayán et tout ce qui est révélé dans cet ouvrage vous séparent de cette essence de l’Être, ce Seigneur du visible et de l’invisible. Si, malgré cette irrévocable injonction, quelqu’un reste assujetti au Bayán, il est en vérité sorti de l’ombre de l’Arbre béni et exalté. Sois équitable, ô peuple, et ne sois pas du nombre des insouciants.

(246)
Il dit aussi : Ne laissez pas les noms s’interposer comme un voile entre vous et celui qui est leur Seigneur ; pas même le nom de prophète, car un tel nom n’est qu’une création de sa parole.
Également, dans la septième porte de la deuxième unité [nota : le Bayán persan est divisé en dix chapitres appelés váhid (unité), chaque chapitre étant divisé en sections appelées « Báb » (porte)], il dit : Ô peuple du Bayán ! N’agis point comme l’a fait le peuple du Coran, car, si tu le fais, les fruits de ta nuit se réduiront à néant.
Et, plus loin, il dit - glorifiée soit sa mention - : Si tu parviens à sa révélation et si tu lui obéis, tu auras révélé le fruit du Bayán ; sinon, tu es indigne d’être mentionné devant Dieu. Aie pitié de toi-même ! Si tu n’aides pas celui qui est la Manifestation de la souveraineté de Dieu, au moins ne sois pas pour lui une source de tristesse.
Et, plus loin, il dit - magnifié soit son rang - : Si tu ne parviens pas en présence de Dieu, au moins ne tourmente pas le Signe de Dieu. Si tu renonces à ce qui peut lui nuire, tu renonceras à ce dont peuvent bénéficier ceux qui reconnaissent le Bayán. Mais je sais que tu refuseras de le faire.

(247)
Ô Hádí ! [nota : Mírzá Hádí Dawlat-Ábádí, célèbre théologien d’Isfahán qui devint un disciple de Mírzá Yahyá et fut, par la suite, désigné comme son successeur (voir note du verset 236)] Ne serait-ce pas à cause de ces indubitables paroles que tu as décidé de rejeter le Bayán ? Prête l’oreille à la voix de cet opprimé et renonce à cette oppression qui fait trembler les fondements du Bayán. Je n’ai été ni à Chihríq ni à Mákú. À l’heure actuelle circulent parmi tes disciples des déclarations identiques à celles formulées par les chiites qui disent que le Coran est incomplet.
Ces gens prétendent également que ce Bayán n’est point l’original. Or, la copie transcrite de la main de Siyyid Husayn [nota : Siyyid Husayn-i-Yazdí, principal secrétaire du Báb. Emprisonné avec lui, il le renia sur son ordre au moment où ils allaient être exécutés à Tabríz, afin de pouvoir aller porter ses instructions à Bahá’u’lláh et aux bábís] est disponible, de même que celle de la main de Mírzá Ahmad [nota : alias Mullá ‘Abdu’l-Karím de Qazvín, disciple dévoué du Báb et de Bahá’u’lláh, et secrétaire du Báb qui, avant la mort de ce dernier, remit les présents et les effets du Báb à Bahá’u’lláh].

(248)
Est-il opprimé à tes yeux celui [nota : Mírzá Yahyá] qui n’a jamais reçu un seul coup en ce bas monde et qui vit continuellement entouré de cinq servantes de Dieu ? Quant au Véritable [nota : Bahá’u’lláh] qui, depuis son jeune âge jusqu’à ce jour, est aux mains de ses ennemis, accablé des pires tourments, l’accuseras-tu de ce dont les Juifs n’ont même jamais accusé le Christ ? Écoute la voix de cet opprimé, et ne sois pas de ceux qui sont complètement égarés.

(249)
Et le Báb dit encore : Nombreux sont les feux que Dieu transforme en lumière grâce à Celui que Dieu rendra manifeste ; nombreuses les lumières qu’il transforme en feu ! Je considère son apparition comme le soleil au milieu du ciel et la disparition de toutes choses comme celle des étoiles de la nuit au lever du jour.
Ô monde ! As-tu des oreilles pour entendre la voix du Véritable et juger cette révélation avec équité ? Dès que celle-ci apparut, le Sinaï s’exclama : « Celui qui conversa à mon sujet est venu avec des signes évidents et des preuves resplendissantes, en dépit de chaque insouciant qui s’est profondément égaré et de chaque calomniateur qui a souhaité éteindre la lumière de Dieu par ses mensonges et effacer les signes de Dieu par sa malveillance. En vérité, ils sont de ceux qui ont agi injustement dans le Livre de Dieu, le Seigneur des mondes ».

(250)
Il dit de même : Le Bayán, du début à la fin, est le dépositaire de tous ses attributs et le gardien de son feu comme de sa lumière.
Dieu de grandeur ! L’âme est saisie par le parfum de sa parole, car il proclame ce qu’il voit avec une infinie tristesse. De même, à la « Lettre du Vivant », Mullá Báqir [nota : Natif de Tabríz, homme de grand savoir; il devint une Lettre du Vivant. Était avec Bahá’u’lláh à Núr, dans le Mázindarán et à Badasht. Survécut à toutes les autres Lettres du Vivant] - que sur lui reposent la gloire de Dieu et sa tendre bonté -, il dit: Peut-être pourras-tu dans huit années, au jour de sa révélation, parvenir en sa présence.

(251)
Sache-le, ô Hádí, et sois de ceux qui écoutent. Juge avec équité. Les compagnons de Dieu et les témoins de celui qui est la vérité ont, pour la plupart, souffert le martyre. Toi, pourtant, tu es encore vivant. Comment se fait-il que tu aies été épargné ? Je le jure par Dieu ! C’est grâce à ton reniement [nota : voir note du verset 236], alors que le martyre de ces âmes bénies est dû à leur déclaration de foi. Tout être juste et impartial en témoigne, car la cause et la motivation de chacune d’elles sont claires et manifestes comme le soleil.

(252)
De même, il s’adresse en ces termes à Dayyán [nota : titre conféré par le Báb à Asadu’lláh de Khoy, croyant dévoué et éminent. Il fut la troisième personne à reconnaître le véritable rang de Bahá’u’lláh avant la déclaration de celui-ci. Il fut assassiné à Bagdad par les disciples de Mírzá Yahyá (voir la Chronique de Nabíl, op. cit., p.228)], qui fut maltraité et souffrit le martyre : Tu reconnaîtras ta valeur dans les paroles de Celui que Dieu rendra manifeste.
Il l’appelle d’ailleurs la troisième Lettre à croire en Celui que Dieu rendra manifeste en disant : Ô toi qui es la troisième Lettre à croire en Celui que Dieu rendra manifeste.
Et il ajoute : Toutefois, si Dieu le veut, il te fera connaître par les paroles de Celui que Dieu rendra manifeste.
Et ce Dayyán qui était, selon les paroles du Point - que les âmes de tous sauf la sienne, soient sacrifiées par amour pour lui -, le dépositaire de la confiance du seul vrai Dieu - exaltée soit sa gloire - et le trésor des perles de sa connaissance, subit un martyre si cruel que le concours céleste pleura et se lamenta. C’est à lui que le Báb enseigna le savoir caché et préservé, et confia ces paroles :
Ô toi qui as reçu le nom de Dayyán ! [nota : attribut de Dieu signifiant Juge suprême] Voici un savoir caché et préservé. Nous te l’avons apporté et te l’avons confié comme une marque d’honneur émanant de Dieu, car l’oeil de ton coeur est pur. Tu en apprécieras la valeur et en chériras l’excellence. En vérité, Dieu a daigné conférer au Point du Bayán un savoir caché et préservé, comme jamais encore il n’en avait envoyé ici-bas avant cette révélation. Il est plus précieux aux yeux de Dieu - glorifié soit-il - que tout autre savoir. En vérité, il en a fait sa preuve, tout comme il a fait des versets sa preuve.
Cet être maltraité, dépositaire du savoir de Dieu, ainsi que Mírzá ‘Alí-Akbar [nota : cousin paternel du Báb et ami intime de Dayyán. Il fut assassiné par les disciples de Mírzá Yahyá], l’un des parents du Point premier - sur lui, la gloire de Dieu et sa miséricorde -, Abu’l-Qásim-i-Káshí [nota : érudit bábí de Káshán qui fut assassiné à Bagdad par les disciples de Mírzá Yahyá] et plusieurs autres disciples, subirent le martyre sur ordre de Mírzá Yahyá.

(253)
Ô Hádí ! Son livre [nota : le livre du Báb], qu’il a intitulé « Mustayqiz », est en ta possession. Lis-le ! Même si tu l’as déjà parcouru, relis-le ! Peut-être pourras-tu obtenir pour toi-même une situation élevée sous le dais de la Vérité.

(254)
Il en fut de même pour Siyyid Ibráhím [nota : surnommé Khalíl par le Báb ; disciple de la première heure du Báb, il jouissait de la pleine confiance de ce dernier. Plus tard, à Bagdad, il reconnut le véritable rang de Bahá’u’lláh qui le protégea contre les noirs desseins de Yahyá], au sujet duquel ces paroles émanèrent de la plume du Point premier - que sa parole soit magnifiée - : Ô toi qui es mentionné comme mon ami dans mes écrits, comme mon souvenir dans mes livres, en sus de mes écrits, et comme mon nom dans le Bayán !
De Mírzá Yahyá, Siyyid Ibráhím et Dayyán reçurent les surnoms de « Père des iniquités » et « Père des calamités. » Juge avec équité : combien cruel fut le sort de ces êtres maltraités, alors que l’un ne cherchait qu’à le servir et que l’autre était son invité. Bref, je le jure par Dieu ! Il commit de tels actes que notre plume a honte de les relater.

(255)
Songe un instant au déshonneur infligé au Point premier [nota : allusion au mariage de Mírzá Yahyá avec la seconde épouse du Báb, malgré l’interdiction prononcée par celui-ci]. Considère ce qui est arrivé. Lorsque, suite à l’intervention de quelques personnes qui l’avaient longtemps cherché dans le désert, cet opprimé retourna à Bagdad après une retraite de deux années durant lesquelles il erra à travers les déserts et les montagnes, Mírzá Muhammad-‘Alí de Rasht vint le voir et relata, devant une vaste assemblée, les manoeuvres affectant l’honneur du Báb, qui avaient véritablement accablé de chagrin toutes les contrées. Mon Dieu ! Comment ont-ils pu approuver cette très cruelle trahison ? Nous supplions Dieu d’aider l’auteur de cet acte à se repentir et à retourner à lui. En vérité, il est le Secours, le Très-Sage.

(256)
Quant à Dayyán - sur lui, la gloire de Dieu et sa miséricorde -, il parvint en notre présence conformément à ce qui avait été révélé par la plume du Point premier. Nous prions Dieu d’aider les insouciants à se tourner vers lui, ceux qui se sont détournés à se diriger vers lui et ceux qui l’ont renié à reconnaître cette cause à l’apparition de laquelle toutes choses créées proclamèrent : « Il est venu, celui qui était caché dans le réceptacle de la connaissance et inscrit par la Plume du Très-Haut dans ses livres, ses écritures, ses manuscrits et ses épîtres ! »

(257)
À cet égard, il nous a semblé nécessaire de mentionner les traditions qui ont été consignées concernant la cité bénie et honorée d’Acre, dans l’espoir que tu cherches, ô Hádí, un chemin vers la vérité et une voie vers Dieu.

(258)
Au nom de Dieu, le Compatissant, le Miséricordieux !

(259)
Il a été consigné ce qui suit concernant les mérites d’Acre, de la mer et de ‘Aynu’l-Baqar [nota : la source de la vache, ancienne source située à Acre] qui se trouve à Acre :

(260)
‘Abdu’l-‘Azíz, fils de ‘Abdu-Salám [nota : célèbre théologien sunnite], nous a relaté que le prophète - sur lui, les bénédictions de Dieu et son salut - avait dit : Acre est une ville de Syrie que Dieu a particulièrement gratifiée.

(261)
Ibn-i-Mas’úd [nota : Abdulláh Ibn-i-Mas’úd, l’un des premiers musulmans arabes à l’époque de Muhammad] - puisse Dieu lui être favorable - a déclaré : « Le prophète - sur lui, les bénédictions de Dieu et son salut - a dit :
De tous les rivages, le meilleur est celui d’Ashkelon [nota : ville côtière du sud de la Palestine (voir Juges 14,19)], et Acre, en vérité, est meilleur qu’Ashkelon. La supériorité d’Acre sur Ashkelon et sur tous les autres rivages est comme celle de Muhammad sur tous les autres prophètes. Je vous apporte des nouvelles d’une cité entre deux montagnes en Syrie, au milieu d’un pâturage, qui porte le nom d’Acre. En vérité, à celui qui y pénètre avec l’ardent désir de la connaître et de la visiter, Dieu pardonnera les péchés passés et à venir. Quant à celui qui sort de cette cité autrement qu’en qualité de pèlerin, son départ ne sera point béni par Dieu. Il y a dans cette cité une source appelée source de la Vache. Dieu remplira de lumière le coeur de quiconque en boit, ne fût-ce qu’une gorgée ; il le protégera de la très grande terreur au jour de la résurrection. »

(262)
Anas, fils de Málik [nota : Anas Ibn Málik, compagnon de Muhammad, fondateur de l’école malékite, une des quatre écoles de jurisprudence dans l’islam sunnite] - que Dieu soit content de lui - a déclaré :
L’Apôtre de Dieu - sur lui, les bénédictions de Dieu et ses salutations - a dit : « Près du rivage de la mer s’élève une cité, suspendue au-dessous du trône, appelée Acre. À celui qui y demeure, ferme et dans l’attente d’une récompense de Dieu - exalté soit-il -, Dieu réservera, jusqu’au jour de la résurrection, la récompense prévue pour ceux qui se sont montrés patients, se sont levés, puis agenouillés et prosternés devant lui ».

(263)
Et le prophète - sur lui, les bénédictions de Dieu et son salut - a dit :
Je vous parle d’une cité sur le littoral, toute blanche, et dont la blancheur plaît à Dieu - exalté soit-il - Elle porte le nom d’Acre. Celui qui a été piqué par l’une de ses puces est meilleur aux yeux de Dieu que celui qui a été grièvement blessé sur son chemin. Elle s’élèvera jusqu’au paradis, la voix de celui qui lance, dans cette ville, l’appel à la prière ; et celui qui demeure sept jours dans cette cité face à l’ennemi sera uni par Dieu à Khidr [nota : nom d’un saint légendaire et immortel (voir Coran 18.62, note)] - que la paix soit sur lui !. Dieu le protégera de la très grande terreur au jour de la résurrection : « Il y a des rois et des princes au paradis. Or, les pauvres d’Acre sont les rois du paradis et ses princes. Un mois à Acre vaut mieux que mille ans ailleurs ».

(264)
L’Apôtre de Dieu - sur lui, les bénédictions de Dieu et son salut - aurait déclaré ce qui suit :
Béni l’homme qui a visité Acre, béni celui qui a rendu visite au visiteur d’Acre ! Béni celui qui a bu à la source de la Vache et s’est lavé à son eau, car les jeunes filles aux yeux noirs s’abreuvent au camphre du paradis qui provient de la source de la Vache, de la source de Salván [nota : source à Jérusalem, également connue sous le nom de Siloé] et du puits de Zamzam ! [nota : puits à La Mecque considéré comme sacré par les musulmans] Heureux celui qui a bu à ces sources et s’est lavé dans leurs eaux, car Dieu a interdit au feu de l’enfer de le toucher, lui et son corps, au jour de la résurrection !

(265)
Le prophète - sur lui, les bénédictions de Dieu et son salut - aurait dit :
Il y a, dans Acre, des oeuvres surérogatoires et des actes bénéfiques que Dieu a spécialement octroyés à qui il lui plaît. Et pour celui qui, à Acre, dit : « Glorifié soit Dieu, louange à Dieu, il n’est d’autre Dieu que Lui, Dieu est le plus Grand, et il n’est de pouvoir et de force qu’en Dieu, le Suprême, le Puissant », Dieu consignera mille bonnes actions et en effacera mille mauvaises ; il l’élèvera de mille degrés au paradis et lui pardonnera ses péchés. Et de quiconque dit à Acre « je demande pardon à Dieu », Dieu pardonnera tous les péchés. Et celui qui commémore Dieu à Acre, le matin et le soir, la nuit et à l’aube, est meilleur aux yeux de Dieu que celui qui porte épées, lances et armes sur le chemin de Dieu - exalté soit-il !

(266)
L’Apôtre de Dieu - sur lui, les bénédictions de Dieu et son salut - a dit également :
De celui qui, le soir, regarde la mer et dit au coucher du soleil : « Dieu est le plus grand ! », Dieu pardonnera les péchés, fussent-ils amoncelés tels des tas de sable. Et de celui qui compte quarante vagues tout en répétant : « Dieu - exalté soit-il - est le plus grand ! », Dieu pardonnera les péchés, passés et à venir.

(267)
L’Apôtre de Dieu - sur lui, les bénédictions de Dieu et son salut - a dit :
Celui qui regarde la mer pendant toute une nuit est meilleur que celui qui passe deux mois entiers entre le Rukn et le Maqám [nota : la colonne et la pierre noire de La Mecque]. Et celui qui a été élevé au bord de la mer est meilleur que celui qui a été élevé ailleurs. Et celui qui est allongé sur le rivage est l’égal de celui qui se tient debout en d’autres lieux.

(268)
Assurément, l’Apôtre de Dieu - que les bénédictions de Dieu, exalté soit-il, et son salut soient sur lui - a dit la vérité.


Index

Abraham, §159.
Amos,
      Prophéties d’§210,
      211.
Andrinople, §76, voir notes des §87, 192.
Aqdas, §188, 215, 216, voir note des §47, 161.
Arts et sciences, §31, 47, 57.
Báb, §234, 242, 243, 252, 254, 255, 256.
      Prophéties concernant Bahá’u’lláh, §205, 220, 249, 252.
Bagdad, §113, 241, 242, 255, voir note des §111, 233, 244, 252
Bahá’u’lláh,
      but de §35, 58, 60, 63, 65, 76, 77, 141, 233, 241.
      courage §136, 139.
      détachement §62, 233.
      emprisonnement de §32, 33, 39, 87, 93, 95, 106, 125, 241.
      exhortations de §35, 38, 39, 40, 53, 54, 64, 148.
      mission lui annoncée §12, 14, 36.
      non scolarisé §11, 188.
      prophétie accomplie de l’Évangile §101, 142, 206, 215, 230.
      rang de §2, 67, 72, 79, 136.
      résignation de §125, 135, 149.
      révélation anticipée §70.
      révélation qui n’est pas de sa propre volonté §12, 64,
      source de son chagrin, §59.
      tribulations de §7, 28, 39, 53, 121, 149, 178, 182, 213.
      victoire assurée §34.
Bayán, §167, 203, 204, 205, 220, 221, 222, 225, 229, 230, 239, 245, 246, 247, 250, 254
      peuple du Bayán §137, 221, 223, 224, 228, 230, 231, 235, 246.
      Point du Bayán §224, 243, 252.
Buisson ardent, §70, 81, 88, 97, 137, 188.
Caractère, §45, 46, 53, 100,195, 196.
Carmel, §63, 210, 212.
Christ, voir Jésus.
Conscience morale, voir note des §50.
Constantinople, §59, 76, 110, 111, 161, 164, 180, 182, 183, 200, 242, 244, voir note des §111, 163.
Coran, §1, 2, 107, 133, 135, 158, 167, 170, 204, 207, 231, 246, 247, voir note des §10, 16, 30, 44, 45, 70, 109, 141, 142, 158, 160, 162, 168, 170 à 172, 188, 214, 231, 263.
Courtoisie, §84, 111.
Création,
      but de la, §5, 16, 135.
      monde de la, §29, 158.
      nouvelle, §170.
      royaume de la, §96, 154, 197.
Dieu,
      amour de, §3, 13, 18, 30,75, 77, 102, 103, 118, 139, 146, 154, 186.
      confiance en, §124, 156, 168.
      crainte de, §3, 39, 46, 49, 50, 53, 121, 179, 192, 194.
      dépendent de, §6, 124, 156.
      dessein de, §166.
      Inconnaissable, §17.
      miséricorde de, §42.
      pouvoir de, §110, 142,161, 211.
Enfer, §192, 264.
Fátimih, §22, 131, 157.
Fermeté, §139
Fidélité, §83, 112.
Foi,
      Foi de Dieu, §17, 131, 150, 169.
      vraie foi, §53, 63, 137, 150, 189, 192.
Honnêteté, §38.
Humilité, §54, 148, 230.
Incrédules, §231.
Imams, §32, 70, 177.
Íqán, §154, 171, 243.
Isaïe, §209, 212.
      prophéties de, voir note des §209, 212, 230.
Ismaël,
      prophéties d’, voir note des §124, 134, 158.
‘Ishqábád, voir note des §126, 127.
Ishráqát,
      épître de, §46.
Islám, §86, 157, voir note des §124, 167, 173, 262.
Jean-Baptiste, §229, 245.
Jérémie, §208
      prophétie de, voir note des §208,
Jésus, §80, 82, 83, 85, 87, 97, 98, 132, 134, 142, 145, 158, 214, 219, 245.
Joël,
      prophétie de, voir note des §207.
Jour,
      de Dieu §192.
      de la résurrection §170, 192, 261, 262, 263, 264.
Langue,
      du Verbe, §2, 4, 153, 204, 214, 221.
      universelle, §200, 201.
Manifestations,
      buts des prophètes, §13
      prophètes de Dieu §102, 110, voir note des §44, 188, 190
      prophètes de la Cause §131
      infaillibilité des, §110, 155
      rang des, §69-75
      reconnaissance des, §102, 154.
      tribulations des, §107, 146.
      unité des, 98, 131, 132.
Martyrs, §122, 130, 138, 139.
      de Téhéran voir note des §141.
      Roi et Bien-aimé des, §2, 98, 125, 159.
Médecin,
      divin, §93, 104, 105.
Moines, §83.
Moïse, §70, 107, 109, 159, 170, voir note des §29, 87, 136, 137, 188.
Monde, §91, 93
      condition du, §104.
Muhammad, §87, 132, 159, 261, voir note des §22, 30,32, 70, 124, 134, 146, 157, 162, 261, 262.
      prophéties de, §260-267.
Napoléon III,
      épîtres à, 76-93, 181.
Obéissance,
      à la volonté de Dieu, §122-127.
Paix, §35, 133, 216
      moindre paix §55
Paradis, §85, 96, 128, 131, 164, 192, 197, 204, 263, 264, 265.
Paroles de Dieu, §19, 30, 72, 87, 123, 125, 159, 160, 165, 188, 233, voir note des §131.
Paroles Cachées,
      extraits de, §22.
Partenaire avec Dieu, §4, 133, 155, 158.
Patience, §6, 60, 63, 99, 116, 121, 156, 183, 208.
Pauvre, §4, 89, 92, 148, 263.
Perse,
      Épître au Sháh de, §12, 28.
Peur,
      élimination de la, §37.
Piété, §35, 38, 45, 53, 62, 195.
Point premier,
      voir Báb.
Point du Bayán,
      voir Bayán.
Présence de Dieu, §170, 171, 204, 222, 246, 250.
Prophéties,
       voir Amos, Báb, Jérémie, Joël, Muhammad,
Pureté, §39, 202.
Qá’im, §167, 177, 236, voir note des §22.
Religieux, §20, 22, 70, 100, 125, 136, 157, 175, 184, 186, 187, 188, 199, 237.
Religion, §17, 50, 51, 87, 107, 108, 130, 131, 230, 231.
      essence de la, §17
      éveil de la, §51
      nouvelle, §87
      source d’ordre, §51.
Remède,
      contre les maux du monde §104.
Renoncement, §3, 89, 120.
Résurrection, §69, 159, 170, 192, 261-264.
Rétribution, §170.
Révélation,
      de Bahá’u’lláh §46, 70, 102, 104, 128, 133, 149, 159, 166, 184, 203-205, 209, 214, 220, 222, 231, 234, 241, 245, 246, 249, 252.
Rois, §50, 51, 55, 76, 90, 100, 124, 139, voir note des §77, 99.
      Napoléon III, de France, §77-94
      Reine Victoria, d’Angleterre, §100.
      Épître au Sháh de Perse, §12, 28, 65, 118.
      Tsar de Russie, §95-100.
Sagesse,
      divine..§30, 180, 217.
Savoir,
      vrai..§7.
      caché §57, 252.
Sceptiques, §205.
Sciences et arts, §30, 31.
Secte Chiite, §172, 184, 236, 239, 247, voir note des §22, 32, 70, 167, 236.
Sinaï, §88, 97, 108, 136, 137, 192, 211, 249, voir note des §170.
Soeur de Bahá’u’lláh, §244.
Tajallíyát
      Épître de Bahá’u’lláh, §46.
Téhéran §128, 139, 141, 178, 216, 244, voir note des §32, 119, 119, 139, 141, 205, 244.
Travail,
      réduction du, §201.
Tribulations,
      voir Bahá’u’lláh.
Unité,
      enjointe par Bahá’u’lláh, §41, 64.
      de Dieu §74, 204.
      de la religion §17.
      des Prophètes §98.
      pouvoir de l’, §19.
Victoria, Reine d’Angleterre, Épître à §100.
Yahyá, Mírzá, §175, 233, 238, 241-244, 252, 254, voir note des §113, 139, 177, 228, 236, 238, 244, 247, 248, 252, 254, 255.


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